Archives mensuelles : janvier 2013

Paranormal Nephrology.

(Tous les externes ont “l’Anecdote”, la grande, avec un A majuscule, celle qu’ils racontent le soir du repas de Noël à la famille. Moi, c’est celle-là et c’est cadeau !)

Petit souvenir de l’externat :

Alors voilà Mlle H., 19 ans. Elle a un rein tout nouveau tout beau mais se plaint de cauchemars.
– Toujours le même, dit-elle, et c’est chaque nuit depuis l’opération.
Le chef :
– Vous savez les antalgiques peuvent parfois provoquer des troubles du sommeil.
Elle :
– Je suis dans un centre commercial et y a ce train énorme qui me fonce dessus.
Je regarde le chef qui regarde Mlle H. qui regarde son père qui regarde l’infirmière qui me regarde. On se regarde. Personne ne dégaine : c’est ce qu’on appelle un vrai braquage à la mexicaine.
Finalement, tour de passe-passe, le chef sort un lapin de son chapeau :
– On va baisser les morphiniques.
Basta !
Nous quittons la chambre.
Moi, petit garçon qui veut croire à la magie :
– C’est quand même étrange. Quelle est la probabilité mathématique, parmi tous les rêves possibles, qu’elle fasse celui-là ? Je veux dire : en France le don est anonyme, personne ne sait rien sur le donneur hormis le chirurgien et nous.
Le chef, nouveau lapin sorti du chapeau :
– Je suis pas statisticien et pas mathématicien.
Et pas Dumbledore non plus. Tant pis pour moi. Je n’aurai pas d’explication, pas de chocogrenouille et pas de jus de citrouille.

Le rein tout neuf de Mlle H. vient d’un suicidé de 28 ans qui s’est jeté sur des rails.

Je n’ai jamais eu le fin mot de cette histoire. Je sais juste une chose : parfois, il se passe des événements étranges quand on tombe malade, je veux dire : il se passe des événements VRAIMENT étranges quand on tombe malade.

(Demain, je vous surprends, préparez-vous…)

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La petite mort.

(L’anecdote c’est C., l’écriture c’est moi. Juste merci !)

Alors voila C., 29 ans, infirmière, ravissante, 100 000 volts, toujours à fond.

Elle nous raconte un de ses premiers stages en psychiatrie.

Mr S., 36 ans, regard perdu. Son activité journalière principale ? Pratiquer un onanisme effréné à toute heure du jour et de la nuit. Doit avoir des cals aux mains à force de se tirer sur la nouille.

C., pas bégueule, commence tout de même à se lasser au bout de trois mois. Elle n’a rien contre la masturbation mais trop c’est trop : y a moyen de faire des cauchemars remplis d’objets tranchants, du sécateur volant à la machette fluorescente en passant par la tronçonneuse triple chaîne.

Alors, quand elle doit lui donner à manger (oui parce qu’il continue aussi en mangeant…) elle coince la serviette entre le cou du patient et le bord de la table, sous l’assiette. Le patient continue à se palucher le mandrin ni vu ni connu, mais C. ne le voit pas.

Aujourd’hui C. est mariée, a deux enfants et, je ne sais pas s’il faut y voir un lien, elle est passée de la petite mort à la grande, celle avec un M majuscule. Elle est infirmière spécialisée en soins palliatifs. La meilleure dans sa branche.

Et elle n’a jamais oublié Mr S.

On fait un métier bizarre, je veux dire : on fait VRAIMENT un métier bizarre.

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Y en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes.

(La péripétie c’est S., l’écriture c’est moi. Le sourire immense, les bras toujours en train de serrer très fort pour consoler, ça, par contre, c’est So’, qui est un peu médecin sans le savoir. MERCI x 3.1416…)

Alors voilà une soirée avec des amis qui ne font pas médecine (ces soirées sont précieuses…). Je veux raconter une consultation de S. une interne. Mon amie So’, très sensible, ne veut pas que ce soit “trash” :

– Tu peux raconter mais il faut que ce soit drôle. Je te pose la question : est-ce que c’est drôle ?

Moi, qui ai très très très envie de raconter, je mens :

– Bien sûr !
– Mouais… Vas-y…
– Alors voila Mme D. 36 ans, qui consulte l’interne S. aux urgences gynécologiques pour des saignements vaginaux.
Premier rictus de So’. Je continue :

– S. et la chef examinent et ressortent six lames de rasoirs de la cavité vaginale de Mme D.

Deuxième rictus de So’.

– Quand on lui demande, Mme D. dit qu’elle a fait ça parce que “ayant eu un rapport sexuel non protégé, elle a voulu tuer les spermatozoïdes”.

Troisième rictus de So’, blanche comme un linge, qui bredouille :

– Elle n’est absolument pas drôle ton histoire !
Moi, hilare, les larmes aux yeux :
– Si, si, parce que, tu vois, tu ne peux pas tuer des spermatozoïdes avec des lames de rasoirs, ils sont trop petits !

Éclat de rire général.

“Tu ne peux pas tuer des spermatozoïdes avec des lames de rasoirs, je veux dire : c’est VRAIMENT impossible de tuer des spermatozoïdes avec une lame de rasoir.”

Même Chuck Norris a essayé.

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“Et demain, je dors.”

(L’anecdote c’est I., l’écriture est moi. Juste merci !)

Alors voila I. super interne en médecine générale, qui vient de s’enquiller une semaine de garde aux urgences. Sur les rotules, elle rêve de dormir 48h d’affilée.

Une semaine aux urgences c’est une rave-party sous extasy : le temps passe à une vitesse folle, les patients forment un maelström incessant qui donne le tournis.

Donc I., au taquet, à 18h, quitte son service dans les étages avant d’embaucher aux urgences pour une folle dernière nuit :
“pas de café, pas de vitamine C, une claque ou deux si je flanche, ça passera vite et demain je dors !”

Elle a oublié sa pilule. Elle fouille, dans son sac, sent la plaquette, pousse le comprimé, l’avale cul sec.

Situation banale ?

Il y a plusieurs leçons à tirer de cette histoire :

– DYLAN est le plus grand auteur/compositeur de tout les temps et “Blowin’in the Win” la plus belle chanson jamais écrite (rien à voir mais ça me démangeait depuis un moment…) ;

– les filles : RANGEZ le contenu de vos sac à main (parce qu’on sait que c’est toujours un peu le bordel… sans offense… on vous aime) ;

– TOUJOURS vérifier ce qu’on avale : parce qu’une fois que c’est dégluti c’est trop tard…

– ne jamais mettre au même endroit la plaquette de PILULE contraceptive ET la plaquette de STILNOX (somnifères) : on a tous envie de dormir pendant nos gardes, inutile de rajouter des tentations supplémentaires.

Malheureusement pour I. super interne en IMG il est trop tard, elle s’apprête à passer la pire nuit de sa vie, je veux dire : VRAIMENT la pire nuit de sa vie.

Et demain, elle dort.

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À sa place. (Mozart démasqué, Version 2)

(Il existe un film de Woody Allen, “Melinda-Melinda”, où une bande d’intellectuels New-Yorkais essaient de savoir si la vie est une tragédie ou une comédie. Ils se scindent en deux et décident de raconter l’histoire d’une jeune femme, Melinda, qui sous un angle tragique, qui sous un angle comique. Ce film est une merveille qui n’apporte aucune réponse.)

À SA PLACE.

Alors voilà le fils de Mme A. qui consulte au cabinet pour une ulcération du gland et un ganglion inguinal. Syphilis primaire.

Le fils de Mme A. ne travaille pas. Il est déficient mental léger. Il tourne/retourne sur lui-même à la maison.

Deux semaines après, sa mère consulte pour le même motif.
“Même motif, même punition” a l’habitude de dire le bon Dr O.
Syphilis primaire.

Docteur O. :
“Moment de gêne, elle se recroqueville et me dit :
– C’est le seul moyen que j’ai trouvé quand il est obsédé par… Il est énervé. Je suis toute seule. Il a 19 ans, vous comprenez… Je l’apaise comme je peux. Sinon, il devient violent.”

Le bon docteur O. m’explique que, à ce “moment précis”, elle se met à pleurer.

Je veux bien le croire. Impossible de se mettre à sa place mais, à sa place, je pleurerais sûrement.

Pleurer parce que le père n’est pas là, parce qu’elle est seule au fin fond de la campagne, parce que le fils n’est pas l’enfant flamboyant et en pleine santé qu’elle espérait mettre au monde, parce que sa vie n’est pas ce qu’elle imaginait petite fille en rêvant du prince charmant, de leur rencontre et de leur fin magique, celle où ils se marient et ont beaucoup d’enfants…

Impossible de se mettre à sa place mais, à sa place, je pleurerais sûrement.
On le ferait tous.
VRAIMENT.

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Mozart démasqué (Version 1).

Pour les cinéphiles, le vrai titre de ce post est : “La colline a des yeux (et un chancre !)”
Même ici ils sont là : Même ici, ils sont là…

Alors voilà le bon docteur O. (le même que dans le post “Même ici ils sont là”) qui part en visite dans sa petite voiturette avec B., son interne préféré (ironique).

Au détour d’un chemin :

– Tu vois la petite maison là ? C’est celle de Mme A. et de son fils. Lui est un peu neu-neu. Gentil, mais con-con. Un jour, il vient pour une ulcération du gland et un beau ganglion inguinal. La sérologie tombe : syphilis primaire. Je le traite. Deux semaines après, Mme A. consulte. Ulcération des grandes lèvres. Et un beau ganglion inguinal. Sérologie : syphilis primaire.

Moi, petit garçon au pays des Bisounours :

– Mais comment se fait-il que la mère et le fils…

Et là, je comprends… J’ai des yeux aussi ronds que le jour où j’ai traduit le titre du Canon pour trois voix en SI bémol de Mozart intitulé “Leck mir den Arsch fein recht schön sauber” (je vous laisse la joie de vérifier…).

Le bon docteur O. :

– Elle m’a dit coucher avec son fils pour “le détendre quand il est un peu tracassé par la chose”.

Perso, j’aurais trouvé d’autres solutions, par exemple :

1- je lui aurais acheté une Wii ;
2- j’aurais placardé une photo de Christine Boutin dans sa chambre (double effet kiss-cool : ça vous met la libido à 0 et ça tue aussi les mouches !);
3- j’aurais acheté une chèvre (désolé Brigitte Bardot, mais la fin justifie les caprins) ;
4- en dernier recours : kidnapper un chirurgien et voler une paire de ciseaux chirurgicaux.

Qu’est-ce qu’on ferait pas pour avoir la paix avec les gosses, je veux dire : qu’est-ce qu’on ferait VRAIMENT pas pour avoir la paix avec les gosses ?

(Je referai ce post sous la forme qu’il mérite : c’est une tragédie sociale, qui se produit bien plus souvent qu’on ne le pense et qui mérite mieux qu’un ton humoristique…)

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PocahonTas d’émotions.

Le vrai titre de ce post : “Disney vous ment : Pocahontas n’est pas indienne, elle est vietnamienne.”

(Pour D. : en neuf ans d’études tu as su me montrer que voir le bon côté des gens est la forme la plus belle et honorable de résistance face à la brutalité des Hommes et de la vie.)

Alors voila D. fidèle compagnon des bancs de la fac.

Une merveille d’ami : mélange d’Épicure et de Pumba (d’ailleurs, si vous changez beaucoup de lettres à “Carpe Diem” ça fait : “Hakuna Matata”).

Sa phrase préférée : “il n’y a pas de temps froid, il n’y a que des hommes faibles”.

A les gènes d’un taiseux du nord, le D. : “je ressens des milliers d’émotions très fortes mais brosse-toi pour en voir un iota !”

Lui et moi, au Vietnam, à Hanoï, en gynécologie, des femmes en train d’accoucher. Des fluides, beaucoup, mais pas un cri : elle est poker-face, la vietnamienne parturiente. Elle serre les dents/envoie des textos à son mari resté dehors/souffre mais son visage reste impassible.

Je vais défaillir, D. est stoïque.

L’une pousse si fort que tout lâche : urine, selles, larmes, liquide amniotique…
Une sage femme saisit une paire de ciseaux et s’approche. Je pense : NON !!! Elle va pas faire ÇA !
Elle le fait.
Épisiotomie à vif.
Respect, les Femmes, respect…

Je vais tomber dans les vaps, D. ne bouge pas un cil.

Deux bébés arrivent coup sur coup. Ils crient. C’est magnifique. C’est bouleversant.
Le médecin vietnamien traduit : le garçon s’appellera “Forêt profonde en hiver” la fille s’appellera “Grande Colline”. Perso, je préfère “Pocahontas” mais c’est la mère qui choisit…

Je me tourne : D. a disparu. Dans le couloir, assis, il pleure comme une madeleine.
Je ne sais pas ce que sera la vie de ces bébés, mais ils ont réussi une gageure formidable : D. le Taiseux, l’ami précieux, pleure. En cachette, c’est vrai, mais il pleure.

Il n’y a pas de barrière qu’un mystère de femme ne puisse briser, je veux dire : il n’y a VRAIMENT pas de barrière qu’un mystère de femme ne puisse briser.

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L’air de rien.

(Anecdote arrivée lors d’un stage en gériatrie, spécialité qui me réussit plutôt mal depuis la fin de mon histoire d’amour avec “La Mamie qui m’aimait.“)

Alors voilà une garde en gériatrie, on me réveille à 4h du matin.
– C’est Mme F., 98 ans, elle n’a pas l’air bien.

En voilà une description qu’elle est bonne ! C’est court, ça va droit à l’essentiel. En même temps j’aurais été assez mécontent qu’on me réveille pour me dire :
– C’est Mme F., elle s’est réveillée, elle voulait juste que tu saches que tout va bien pour elle, elle remarche, a rajeuni de trente ans et elle va faire un tennis avec son petit-fils.

Donc me vl’à, Superman noctambule dans les couloirs de l’hôpital, la tête encore embrumée, en train de voler au secours de Mme F.

Je fais mon inventaire des maladies dont le symptôme est de “ne pas avoir l’air bien” ainsi que ma liste des différents traitements des Maladies-des-gens-qui-n’ont-pas-l’air-bien.
Ça fait beaucoup.

J’arrive dans la chambre et l’infirmière, monomaniaque, d’aggraver son cas :
– Elle n’a pas l’air bien !
Moi, essayant de lui tirer les vers du nez tout en examinant Mamie :
– C’est-à-dire ?
– Elle ne bouge plus.
Je finis mon examen, me tourne vers l’infirmière :
– Effectivement ! Elle est morte.

Là : fugue psychique. Autrement dit : ce sont des moments de solitude tels que celui-là qui me font réfléchir très vite à toutes les bonnes raisons qui voudraient que nous répondions “OUI” à la question suivante :
“Vivons-nous dans un univers virtuel encodé holographiquement et simulé par un super-ordinateur venant du futur ?”

En attendant d’y répondre nous sommes 3 dans la chambre :

Mme F. 98 ans, morte de ne pas avoir l’air bien.
L’infirmière, 4h du matin, qui n’a plus l’air très bien.
B., interne, 4h du matin, qui se répète “98 ans, 98 ans, 98 ans” pour se rassurer et garder VRAIMENT l’air de rien.

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Le jour où F. a été médium (ou Le Mentaliste…)

(Pour O. et pour C. : de belles personnes. Et pour les jours impairs qui sont aussi de beaux jours.)

(Anecdote racontée par F., une IMG, l’écriture c’est moi. Juste merci !)

F :

“Alors voilà Mr. V., 32 ans, des biceps d’équarrisseur, la voix d’Uncle Ben’s quand il dit “it’s so good” à la fin de la pub pour le riz. Il est si grand qu’il pourrait attraper des oies en vol avec un rateau.

Agression, blessures superficielles. Il ne veut pas porter plainte, ne veut pas en parler…

Le plateau à suture est prêt.

Premier flash : F. enfile deux paires de gants l’une sur l’autre.

Deuxième flash à l’instant de piquer :
– Avez-vous une maladie dont je devrais être mise au courant ?
Moment de flottement, petite gêne, F. décide de donner un coup de pouce en posant LA question qui lui vaudra un procès s’il se trompe :
– Depuis quand êtes-vous séropositif ?
Lui, soulagé :
– Deux ans.
Troisième flash, deuxième procès s’il se plante :
– Votre copain le sait ?
– Oui.

F. le suture, parle pluie, beau temps, taux de CD4, trithérapie, des casseurs d’homos qui lui ont fait ça et pourquoi il ne portera pas plainte.

– Ils m’ont prêté, c’est vrai, mais vu ce que je leur ai rendu c’est moi qui pourrait finir en tôle !

Est-ce vrai ? Est-ce pour se rassurer ? F. n’a pas eu de quatrième flash…”

J’aime bien la phrase de C., je veux dire : j’aime VRAIMENT la phrase de C.

C. :
“Marguerite Yourcenar, Raphaël, Oscar Wilde, Virginia Woolf, De Vinci, Warhol, Michel-Ange, tous les autres… Si les gays et les lesbiennes n’existaient pas on serait encore à l’époque des cavernes. Et elles ne seraient même pas peintes…”

J’aime aussi la phrase de J. je veux dire : j’aime VRAIMENT la phrase de J.

J. :
“Aimez-vous les uns les autres.”

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Les deux frères.

Alors voila Mr. P., 72 ans, algérien, libraire, plus ridé que Jeanne Moreau, qui vient pour une large plaie du bras. Suturer nous laisse le temps de discuter. Il roule les “r”, me tutoie.

– Il faut lire “Corps et Âme” de Conroy. On n’a jamais rien écrit de plus beau sur l’Homme et la musique.

Moi, du tac-au-tac :

– Alors il vous faut lire “Cent ans de Solitude” de Garcia Marquez. On n’a jamais rien écrit de plus beau tout court. Jamais.
(Je suis toujours très nuancé et mesuré, jamais excessif).

On parle religion. Il ne pratique plus : “ce n’est pas parce que je suis mécréant, c’est parce que j’aime trop Dieu pour l’enfermer dans le dogmatisme étriqué des Hommes.”
Il a tout compris le papi.

Il est effondré par le conflit israélo-palestinien :

– Sais-tu qu’Abraham a eu deux fils : Ismaël, qui donna les premières tribus d’Egypte, et Isaac, qui donna le peuple hébreu. C’est une guerre entre frères, Romulus et Remus au XXIème siècle. Ceintures d’explosifs et grenades remplacent le glaive. Le sais-tu ?

Oui, Mr P., je sais. Mais il est bon, parfois, de le rappeler à la mémoire de tous.

Il s’en va et devra lire “Cent ans de solitude”. Moi, je filerai chercher “Corps et Âme” après ma garde : il y a pire comme devoir à la maison. Très peu de chances qu’on se revoie un jour, lui et moi, c’est sûr, mais nous lirons ces livres. Et nous penserons à Isaac et Ismael, main dans la main, autour d’un bon feu, discutant bouquin en partageant un bon repas halal et casher.

J’aime les petites rencontres enrichissantes de notre métier, je veux dire : j’aime VRAIMENT les petites rencontres enrichissantes de notre métier.

“Mais avant d’arriver au vers final, il avait déjà compris qu’il ne sortirait jamais de cette chambre, car il était dit que la cité des miroirs (ou des mirages) serait rasée par le vent et bannie de la mémoire des hommes à l’instant où Aureliano Babilonia achèverait de déchiffrer les parchemins, et que tout ce qui y était écrit demeurait depuis toujours et resterait à jamais irrépétible, car aux lignées condamnées à cent ans de solitude, il n’était pas donné sur terre de seconde chance.”

G.Garcia Marquez, Cent ans de Solitude

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