Archives mensuelles : octobre 2019

Le super-héros.

Alors voilà, le visage d’aujourd’hui est celui de cet enfant dont j’ai oublié le prénom. A l’époque j’ai quoi ? 24, 26 ans ? Je viens d’intégrer le SAMU pour un stage d’une durée de six mois quand l’équipe est appelée sur une perte de connaissance. Une mère et son fils étaient au bord d’un lac, elle lisait, lui était sur ses genoux, endormi.

On arrive, la mère est couchée sur le côté, en position latérale de sécurité, inanimée. Elle a une maladie génétique, son entourage est au courant, son fils est au courant, elle a fait un malaise hypoglycémique. Quand le petit garçon s’est réveillé de la sieste, et qu’elle n’a pas réagi à ses questions, il a essayé de la réveiller.

Faut savoir : le coma hypoglycémique c’est assez impressionnant, très dangereux, mais si on arrive à temps, et qu’on « resucre » la personne à temps, elle peut refaire surface presque aussi rapidement qu’elle s’est évanouie.

Je ne me souviens même pas du visage de l’enfant, seulement qu’il avait une salopette rouge, c’est étrange la mémoire…

Bref, on doit être en 2010, lui il a six ou sept ans.

J’ai regardé, le prénom le plus donné l’année de sa naissance est Lucas.

Voilà comment il s’appelle dans ma tête :

prénom Lucas,

nom de famille : Peut-Être.

Eh bien ce petit garçon dont j’ai oublié le prénom, du haut de ses six ou sept ans je ne sais plus, ce petit gars est allé trouver des passants, leur a dit qu’il y avait un problème avec sa maman, qu’il n’arrivait plus à la réveiller.

On peut être un héros à n’importe quel âge, et sans avoir besoin de cape, sans avoir besoin de masque, le temps fait son œuvre, j’ai oublié ton visage, mais j’espère que tu es heureux, et quand je pense à toi, j’ai le visage de captain America où Superman qui se superpose au tien. Marvel Et DC Comics ne réaliseront jamais de films sur ce que tu as fait pour ta mère qui avait ce problème génétique. Mais moi je n’ai pas oublié, et si j’ai pas les moyens de la Century Fox où de la Disney Compagny, je peux écrire une chronique, parler de ce lac, de cette mère allongée, et de son petit garçon, Lucas Peut-Être, qui lui sauve la vie.

Bravo Lucas !

[suite du texte sur le site de France Inter ICI ]

PS : je serai au festival des Utopiales de Nantes ce week-end le vendredi de 18h à 19h, le samedi de 13h30 à 14h30 et le dimanche de 13h à 14h. Je participerai à des tables rondes autour du genre et des codes de la sexualité en littérature générale vendredi entre 18h et 19h salle Tschaï, dimanche entre 9h30 et 10h30 salle Hertzl, et dimanche entre 12h et 13heures salle Tschaï.

La solitude des gens dans le métro.

(Photo prise par moi-même, vous pouvez retrouver mes essais de photographies en amateur ICI)

Alors voilà, avant de faire médecine, j’avais les mêmes tabous que beaucoup par rapport au corps, ses sécrétions (crachats, vomissements, selles, urines, etc) et aussi le tabou de certaines maladies, comme si, le corps et l’expérience du corps, donc de la maladie, n’étaient pas les choses les plus partagées au monde,

Il n’y a pas moi, malade de ceci et cela d’un côté, et les autres, sains de corps et d’esprit. Ça n’existe pas, ça. Jamais.

Non. La normalité, c’est JUSTEMENT d’être emmerdé par des maladies, petites ou grosses, et par des troubles psychologiques qui nous font plus ou moins souffrir.

Je veux dire : tout le monde a mal quelque part, a un problème de peau, de ventre, ou ailleurs, a peur de ceci ou cela.

Quand vous prenez le métro, derrière cette apparence de normalité que nous affichons tous, il y a ce qu’on ne dit pas, ce qu’on tait et garde pour nous.

Telle fille à votre droite a de l’eczéma. Tel garçon ne s’en sort plus avec ses pellicules. Telle vieille dame a des troubles cognitifs, tel jeune homme a des difficultés à maintenir une érection, telle jeune fille se fait vomir parce que la société lui a toujours renvoyé une image négative de son corps.

Regardons-nous dans le miroir. Aimons la personne qui s’y trouve. Soyons indulgent avec elle et ses petits soucis. Pardonnons-lui ses erreurs, ses petits ratés. Et rappelons-lui que quand son corps ou son mental lui fait défaut, elle n’est pas une exception contre la multitude des gens qui iraient bien, non, non, elle est comme la multitude qui se cache derrière une apparence de normalité.

Ce qui est normal dans la vie, ce sont les hématomes.

Pas l’absence d’hématomes.

Alors cessons de mentir et cassons un peu tout ça.

Tenez, par exemple, moi, depuis mon installation en tant que jeune médecin généraliste, j’ai…

[la suite à lire ici, sur le site de France Inter]