Archives mensuelles : juin 2013

Bibi à Paris.

Je suis à Paname, en congés/virée/fiesta/rédaction du livre et de ma thèse. Mais, plus important, j’ai promis d’offrir un café à une des toutes premières lectrices du blog, je tiens à honorer ma promesse… Donc je m’accorde quelques jours de repos si vous m’y autorisez !

Récit non retouché/corrigé de S. : l’histoire c’est elle, l’écriture aussi ! JE N’AI TOUCHE A RIEN !! (comment fait-on les accents en majuscules ?)
J’ai trouvé ça intéressant et tellement vrai… Je vous le fais partager avec l’aimable autorisation de l’auteur. Pour se réconcilier, il faut se parler, alors voilà :

“Je voulais te raconter le moment où je me suis dit : “ça y est, je suis rentrée dans la grande communauté des médecins et apprentis médecins”

J’étais en début de troisième année , donc j’avais déjà vu un certain nombre de patients, leur avait expliqué pleins de trucs, avais ausculté toutes sortes de gens, formulé des hypothèses diagnostiques, bref, fait ce qu’on attend d’un externe en fait.
Que personne ne me demande pourquoi, je n’aurai pas de réponse, mais je m’étais toujours sentie assez illégitime jusqu’à cette garde de pédiatrie, où le déclic est venu… devine ce qui m’est arrivé… je me suis fait engueuler par un papa anxieux! et oui, il m’aura fallu ça pour me dire, c’est bon, j’en suis (être de quoi exactement pas la moindre idée non plus…). Bizarrement,à partir de cette garde, je ne me suis plus sentie étrangère à ce monde hospitalier.

l’engueulade n’a en elle même pas beaucoup d’importance, en examinant le petit, j’essayais d’interroger la maman paniquée par la crise convulsive de son fils, elle avait tellement eu peur qu’elle ne savait pas combien de temps il avait convulsé ni si la crise était symétrique, bref, j’avoue que sur le coup, j’étais assez embêtée car je n’arrivais pas à faire rentrer son fils dans le tableau de convulsions hyperthermiques… c’est ça de vouloir faire rentrer les gens dans des tableaux, ça marche moyennement…
L’interrogatoire a duré quelques minutes. Plus j’essayais d’avoir des précisions, plus je voyais bien que je fichais la trouille à la maman, un millième de seconde avant que je ne m’arrête pour dire à la maman que ce n’était pas grave, que son fils allait bien et qu’on allait le surveiller un peu, le père, qui n’était pas présent au moment des convulsions commence à me crier dessus, dire que ça sert à rien que je demande tout ça, que là, il fallait faire un truc pour son fils et laisser sa femme tranquille.
honnêtement, j’ai eu un peu la trouille, il avait une grosse voix et il était plutôt baraqué, et il se trouve que je suis un petit modèle. Tout s’est bien passé, j’ai expliqué que l’enfant allait bien, que l’examen clinique était rassurant et je leur ai confirmé que c’était normal d’avoir eu peur et que répondre aux questions était difficile… bref, tout le monde s’est calmé, rassuré, je suis sortie du box pour présenter le patient à mon chef, la routine quoi.

en sortant, encore un peu tremblante, je me suis vraiment dit, ça y est, tu en es. J’avais reçu ma première engueulade de patient (justifiée par leur peur, aucun doute possible là dessus et par mon insistance, pas de doute non plus là dessus), j’avais géré ça toute seule comme une grande, et surtout, j’avais réussi à les calmer et à les rassurer, ainsi qu’à leur expliquer par la suite l’intérêt des questions, mais ça a eu lieu plus tard quand on a justifié le fait qu’on demandait des examens complémentaires.

Voilà, ce jour là, j’ai compris que si on ne répondait pas à mes questions, il y avait une raison, et souvent cette raison c’est la peur (ça s’est vérifié plusieurs fois par la suite), j’ai aussi compris que ce n’est pas parce qu’un entretien avec un patient commence mal (se faire engueuler, on a vu mieux pour construire la relation médecin-patient) que la prise en charge se passera automatiquement mal par la suite. Tout s’est bien passé avec l’enfant et ses parents par la suite. Et peut être qu’une engueulade bien méritée, c’est un rite de passage de l’externe après tout… pour moi, s’en était définitivement un en tous cas.”

Patients ou soignants, si vous avez des choses à dire :
https://www.alorsvoila.com/contact

Si les adultes pouvaient me dire ce qu’il faut faire.

Ou, autre titre :

Pessoa, une prétérition subtile, la Vieille Dolorosa, Superman et les autres.

Merci encore à BIJ pour l’illustration !
http://adieu-et-a-demain.fr/

J’ai 27 ans.
C’est pas grand chose, 27 ans.
Disons-le franchement, je suis encore un gamin : il m’arrive même de regarder les dessins animés.
La semaine, je m’occupe des malades et, le dimanche matin, en cachette, je mate “Batman” ou la “Ligue des Justiciers” sur France 3 en buvant du chocolat chaud.
(((( J’aime aussi lire Fernando Pessoa, mais ce serait hors-sujet de vous en parler maintenant, alors je ne le ferai pas…)))

“Mais où veut-il en venir ?” vous dites-vous avec pertinence…

Alors voilà : dans le service, nous avons une vieille dame, Dolorosa. Gentille et discrète. Toute sa tête. Elle se coiffe, s’habille, mange, se lave toute seule.
Dolorosa a une grosse-vilaine-pas-belle-maladie qui a fait des petits-vilains-pas-beaux un peu partout.
– S’il vous plaît, j’ai trop mal… Faites ce que vous n’avez pas le droit de faire.
Aucune équivoque.
On regarde son traitement : tout notre arsenal anti-douleur y est déjà passé. Nous n’avons pas d’antalgiques plus puissants à lui donner. On s’étonne déjà qu’elle tienne encore debout. À sa place, le poney du manège enchanté serait déjà mort.
L’équipe douleur est sur le coup. La psychologue aussi.
Elle n’est pas grabataire : la plonger dans un coma artificiel en attendant la mort revient à la clouer au lit. Ça, pour un vieux, c’est aussi mortel qu’une forte dose de potassium en intraveineuse. Ça prend juste plus de temps.
L’autre jour, encore une fois, Dolorosa me fait :
– Je n’en peux plus. Faites ce que vous n’avez pas le droit de faire.
Je trouve sa vieillesse contagieuse : quand je sors de sa chambre, je me sens un peu plus vieux à chaque fois. Heureusement, il y a le dimanche matin et la Ligue des Justiciers…

[…]

Dolorosa est morte ce matin. Elle est restée lucide et autonome jusqu’au bout.
Dolorosa a eu mal, aussi. Jusqu’au bout.

Qu’est-ce que j’aurais dû faire ? Je veux dire : qu’est-ce que nous aurions VRAIMENT dû faire ?

Je ne sais pas répondre à cette question : je suis encore un gamin qui regarde “La ligue des Justiciers” à la télévision en buvant du chocolat chaud.

Si seulement les adultes pouvaient me dire ce qu’il faut faire.

“La nuit survient, qui est la mort : L’ombre s’est dissipée sans être. Tu t’en vas dans la nuit, épure de toi-même, Semblable à toi sans y penser.

Puis les Archanges de la Voie
Te dépouillent, te laissent nu.
Tu n’as plus d’habits, tu n’as rien :
Tu n’as que ton corps, que tu es.”
Initiation, Fernando Pessoa

“Nous sommes tous coupables. Nous avions les meilleures intentions, nous voulions être les gardiens de la Terre et vous protéger : nous avons échoué.”
Superman dans “La ligue des Justiciers”, épisode 77 intitulé “Unis pour gagner”.

Instant volé : Le Grand Dieu de l’hôpital.

L’histoire c’est S., l’écriture c’est moi. MERCI !

Pour participer :
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Alors voilà une journée aux urgences gynéco… Les patientes défilent, les histoires aussi.
Tout à coup, téléphone : “Viens viiiiiiiiiiiiite aux suites de couche, un homme va trèèèèèèès mal”.
Là, le frère d’une patiente gît au sol : crise d’épilepsie. Action/réaction : “APPELEZ L’ANESTHESISTE”
(Il y a 12 lettres à anesthésiste et 12 lettres au mot Dieuuuuuuuuu… Coïncidence ? Je ne crois pas !)
La soeur hurle, le bébé de la soeur hurle (mais c’est normal : c’est un bébé…), les parents de la soeur hurlent. L’espace d’un instant, la chambre s’est changée en une chorale de quatre Lara Fabian (au meilleur de sa forme).
Situation inédite/improbable dans ce service de bisounours nourris au sucre candy.
Popol, le co-interne de S., accourt. Réflexion à mille à l’heure.
“Il respire ?”
“Non”.
Ils se regardent.
“Tu as un pouls ?”
“Non, et toi ?”
” Moi non plus”.
Comme à la télé. Un sur le brancard -qui masse- et l’autre -qui pousse la charrette-. La folle équipée déboule en salle d’accouchement.
Gentille Sage-Femme, Sauveur Anesthésiste, sont vite là pour les aider. Son coeur repart rapidement… celui de S. un petit peu moins.

Deux remarques dont se souvient S. :

1- Une infirmière disant : “Est-ce que tu as des étiquettes ?”
(Et oui ! À l’hôpital, si tu n’as pas d’étiquettes, tu meurs ).

2- Le couple qui attend à l’accueil des urgences : “Pas possible d’attendre si longtemps ! C’est toujours pareil dans les hôpitaux : on pourrait crever en attendant”.
Restons stoïques : quelqu’un aurait pu “crever” s’ils n’avaient pas attendu…

Il faut que j’écrive sur les étiquettes. Je veux dire : il faut VRAIMENT que j’écrive sur les étiquettes. Elles sont l’Alpha et l’Oméga de l’hôpital.

C’est très simple : Dieu, à l’Hôpital, il s’appelle Étiquettes.

AMEN.

Des histoires de vieux.

Illustration de B.I.J. dont les “éclaboussures” valent vraiment le détour : http://adieu-et-a-demain.fr/

Des histoires de vieux.

Comme dirait Mamie : “B., essaie toujours de voir les choses simples derrière les choses compliquées, émerveille-toi des choses compliquées derrière les choses simples.”

Alors voilà :
C’est dans la chambre 12. Le vieux monsieur a une cicatrice qui lui barre la moitié du visage. Un grand point d’interrogation qui descend du coin de l’œil au menton. Le Grand Dieu Des Peaux a mis une étrange ponctuation sur son visage.
Nous, dans le service, on veut savoir. On est curieux. Qui ne l’est pas ?
Mais personne n’ose lui demander.
Un jour, je vais m’asseoir près de lui et le questionne sans détour :
– C’est quoi cette marque sur votre visage ?
Lui, il est content de raconter. Aucune gêne dans sa voix. Il raconte et j’écoute avec plaisir. J’aime les histoires.
[…]
Sa conclusion :
– J’avais quatre ans quand c’est arrivé. Cela ne m’a pas empêché de vivre, d’être heureux. Des femmes sont tombées amoureuses, l’une d’elles a su m’attraper comme il faut, elle m’a fait quatre enfants.

Cette cicatrice n’est pas un handicap. Elle ne l’a jamais été. Elle fait partie de lui, elle est SON histoire, celle d’un homme parmi les autres hommes.

Un chose interpelle ma jeune humanité, une chose que je trouve étrange, poétique, fulgurante : à côté de la chambre 12, dans la numéro 11, il y a une vieille dame très élégante. Elle et le Monsieur à la cicatrice ne se voient pas, ils ne se croiseront peut-être même pas dans les couloirs. Pourtant, ils ont ces deux choses en commun : la vieillesse et une cicatrice.
Il y a celle de Monsieur, il la porte en travers de la figure.
Et il y a celle de Madame.
Elle m’a dit l’autre jour :
– Toute ma famille est morte à Auschwitz.

Elle a tourné sa main : à l’avant-bras, sous le fond de teint qu’elle applique scrupuleusement tous les matins, un numéro dont l’encre est à moitié effacée.

http://www.huffingtonpost.fr/dr-b/alors-voila-histoire-vieux_b_3459919.html?utm_hp_ref=france

La femme qui ne fut pas seule.

Photo sublime de Michal Karcz : http://www.yellowkorner.com

Les médias se font parfois l’écho de cas de maltraitances de la part d’aides-soignants. Les gens qui ont commis ces actes méritent d’être jugés. Mais comme les médias ne sont pas souvent là à deux heures du matin dans les hôpitaux, j’aimerais partager avec eux et avec vous ce que j’ai vu l’autre nuit.
À deux heures du matin, dans “la nuit noire et blanche”, comme dirait le très génial et très pendable Gérard de Nerval.
(((( je n’ai pas changé les prénoms de l’infirmière et de l’aide-soignante, parce qu’elles sont belles et que je ne voulais pas tricher…))))

La femme qui ne fut pas seule.

Est-on jamais seul dans la vie ?

Alors voilà, 2 heures du matin, on me bipe dans les services.
Deux fois.
1- Un certificat de décès au cinquième.
2- Un insomniaque au troisième.

D’un côté une patiente vient de mourir, de l’autre un patient veut dormir. La vie fait d’étranges pieds de nez aux patients et à ceux qui les soignent.

Je commence par l’insomniaque, accordant naturellement la préséance aux vivants.
La Mort peut attendre.
Comme dirait Gontran : “quand on est mort c’est pour longtemps”
((((En vérité c’est Eugène Chavette mais son nom ne rimait pas…))))

Je prescris le somnifère. C’est rapide, efficace, cela ne me donne pas trop à penser. J’apprécie.

Je vais au cinquième étage constater le décès.
La patiente est blanche : elle est morte. Pas de pouls, pas de respiration spontanée, l’œil est vitreux.
Edwige et Béatrice, l’infirmière et l’aide-soignante, s’affairent autour d’elle :
1- Collier cervical, pour maintenir la tête droite : “sinon la mâchoire s’affaisse et c’est vilain pour les familles” dit Béatrice.
2- On l’habille. Le coude n’arrive pas à passer, Edwige pousse un peu “voilà, madame, on y est arrivé !”
3- Parfum dans les cheveux. Il ne faut pas que la famille sente que la Mort sent la Mort. C’est important les odeurs, elles déterminent les bons ou les mauvais souvenirs…
4- Bouchon dans les fesses. Le terme technique est : “on bourre le mort”. Sinon, quand l’intérieur du corps se putréfie, il se vide par en bas… “On les bourre, mais moi je n’aime pas ça…” dit Béatrice. Quelle phrase… Je me doute bien que personne n’aime cela, mais là, à 2 heures du matin, je l’aurais embrassée d’avoir souligné ce petit détail. Merci Béatrice.
5- Elles la peignent, lui font une mise en plis coquette. La mort a décoiffé son hôte : “Et voilà !” s’exclame Edwige en donnant un dernier coup de brosse. À coté d’Edwige, Picasso terminant Guernica a l’air d’un minable.
6- Béatrice : “On était là quand elle est partie !”
Elle le dit avec fierté. Elles auraient pu être ailleurs, changer une autre patiente, boire un café, jouer à bubble-shooter ou faire un sudoku.
Non : “On était là.”
Dans leurs bras, ce n’est pas une poupée de chiffon très blanche et très lourde, mais une porcelaine un peu triste.
7- Au cou, une chaînette dorée où est écrit “Alice”. De fait, la morte s’appelle Henriette. Alice est sa petite-fille. Elles passent la chaîne autour du poignet, le collier cervical risquerait de l’arracher : ” Ça pourrait tomber et se perdre”.

Dans le dossier, j’écris la phrase : “Décès constaté à deux heures trente du matin” et puis je vais essorer mon vague à l’âme dans un couloir, pour que personne ne me voie. D’habitude, ça ne me fait rien. Les vivants m’émeuvent, ça oui, mais les morts, rarement. Je suis un peu fatigué en ce moment. Je vais prendre des vacances.

Est-on jamais vraiment seul dans la vie ?

Je ne sais pas répondre à cette question. Je suis trop jeune. Mais pour Henriette, à la fin, il y a eu : Edwige, Béatrice, et un interne qui torche sa tristesse à l’abri des regards.

Des bienfaits du Monopoly sur la paix des ménages.

Illustration de B. I. J.
J’ai adoré son site, ce type a du génie, c’est juste INCROYABLE !
Merci !
http://adieu-et-a-demain.fr/

Des bienfaits du Monopoly sur la paix des ménages. 

L’anecdote c’est M., l’écriture c’est moi !
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Alors voilà M. Revendre.
Malheureusement, pour M. Revendre, s’il a de l’imagination pour deux, il n’a qu’un seul côlon et l’a “gâché” en jouant avec sa maîtresse.
Le jeu s’appelle : “Que fait-on un dimanche après-midi quand il pleut dehors, qu’on ne retrouve pas les boîtes de jeux du Cluedo ou du Monopoly, que le marchand de concombre est fermé et qu’une bombe de déodorant bougrement sexy traîne dans le coin ?”
Le jeu a mal tourné pour :
– la bombe de déodorant, qui, j’en suis sûr, a dû être une bien vilaine personne dans une autre vie pour mériter un sort aussi terrible,
– M. Revendre qui va avoir son abdomen ouvert en deux pour libérer ladite bombe prise en otage…

M. Revendre exige/insiste/implore l’équipe pour être rentré chez lui le jour même de l’intervention…
Pourquoi une telle hâte ?
Son épouse est partie en WE avec des copines. Elle revient dimanche soir…
M. Revendre n’a qu’un seul côlon mais de l’imagination pour deux. Il lui en faudra pour expliquer à sa femme pourquoi une cicatrice de 15 cm barre son ventre de haut en bas.
Pour M. Revendre, le jeu a mal tourné.
Il va falloir du courage à M. Revendre, je veux dire, il va VRAIMENT lui falloir du courage, à Revendre.

P.S. : le jeu de mot est nul ! Défi : à vous d’en trouver un plus drôle… C’est quand même pas à moi de faire tout le boulot ! Non mais oh !!!
🙂

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(((Il parait que c’est la fête des parents alors j’en profite pour embrasser les miens qui sont vraiment formidables…)))

La vie en rose.

Dessin au crayon blanc.
Merci Krystyna pour ce premier essai !
http://krystynalr.wordpress.com/2013/02/05/retenir-la-colere/

Petite remarque “anodine” :

À ceux qui m’ont écrit “ton dernier article est dégoûtant et dégoulinant de bons sentiments”. Je vous remercie. Il était fait pour. Cette femme lèche les plaies des lépreux. C’est outrancier ? Oui. Mais la violence aussi est outrancière. Nous la voyons tout le temps, tous les jours. Encore plus dans notre travail.
Alors voilà pourquoi, quand je tombe sur la vidéo d’une femme qui lèche un lépreux, cette outrance-là, je la garde et je la chéris. Pour mieux affronter les autres, toutes les autres. Parce que j’ai 27 ans et que je ne veux vraiment pas devenir cynique trop vite. C’est tout simple et je vous remercie de comprendre…

La vie en rose.

(souvenir de l’externat)

“Quand il me prend dans ses bras, il me parle tout bas, je vois la vie en rose”

Alors voilà Tina, 56 ans.
Elle a bu. Ike, son mari, aussi.
Il l’a frappée à coups de poings.
Son cuir chevelu est ouvert comme un marron sur le feu.
Un prêté pour un rendu : elle a saisi un couteau, lui a tailladé les avant-bras quand il a voulu se défendre.
Alors il l’a saisie par les cheveux, lui a fait traverser la vitre de l’horloge du salon.
Mutique, elle se balance d’avant en arrière, ivre d’alcool, sidérée de violence.

Échange de regards avec Tina :

1ere hypothèse : on ne doit pas lui sourire souvent,
2ème hypothèse : j’ai un sourire de merde qui fait pleurer les femmes de 56 ans.

Personnellement, je préfère la première, même si c’est moins cool pour elle. En effet : si je rate ma thèse, je compte bien devenir gigolo et capitaliser sur ma belle gueule.
Tina : cheveux gras et tressés de croûtes de sang, gros sanglots de petite fille entrecoupés de ce mot terrifiant dans la bouche d’une femme de 56 ans :
– Maman.
Moi, 25 ans, je pense avoir mal entendu mais elle répète en sanglotant :
– Je veux ma mère…
Et de coller contre ma blouse blanche ses cheveux gras, ses croûtes de sang, sa détresse. Ma carrière de gigolo commence mal.
Mon petit cul d’interne est mal à l’aise : je n’ai jamais rien entendu de plus effrayant que ce mot-là, à cet âge-là, dans une bouche cassée en deux sous les coups.
– Maman…
Vous savez quoi ?
Je fais ce que nous faisons tous dans ces cas là : je lui mens :
– Tout va bien aller.

Parfois, une vie terrible se résume à une tache de gras et une tache de sang sur la blouse blanche d’un interne qui raconte des bobards parce qu’il ne sait pas quoi faire d’autre à 3h du matin.

– Tout va bien aller.

C’est faux, je le sais, sa vie est sacrément merdique, mais je suis là, elle pleure dans mes bras et je lui mens : “ça va s’arranger, vous verrez, ça va s’arranger”.

Pourtant : peu de chances que cela arrive, je veux dire : VRAIMENT peu de chances que cela arrive.

“Et dès que je t’aperçois, alors je sens en moi, mon cœur qui bat.”
Edith Piaf

Appelez, ils sont là pour ça. Pour guérir les outrances et pour que les mensonges des internes deviennent des vérités, appelez… :
http://www.sosfemmes.com/violences/violences_menu.htm

Sinon, ce sont juste des éclaboussures !

Comme dirait Mamie : “quand le succès t’éclabousse, fais-en profiter les autres, sinon ce sont juste des éclaboussures”.
Elle a raison. Je ne veux pas être seul à profiter du succès de mon blog donc, si tu es jeune (ou pas…) et que tu dessines (bien, parce que faut pas charrier !) et que tu as envie de te faire connaître… Envoie-moi un lien vers ce que tu fais, je jette un œil, si cela me plaît (ben oui quand même c’est Bibi le chef…) je t’envoie une anecdote à l’avance et tu peux l’illustrer… Je la publierai avec un lien vers ton site…

A déjà participé un jeune artiste très talentueux qui mérite d’être connu :

http://mathiasbergeaud.wordpress.com/

Si tu veux participer, envoie-moi un lien avec une petite explication de ce que tu fais…
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Comme dirait Mamie :
Sinon, ce sont juste des éclaboussures !

La mère du monde entier.

Alors voilà la mère du monde entier.

C’est une femme, elle s’appelle Amma.
La première fois que j’entends parler d’elle, je me dis “non, ça n’existe pas un être comme ça, c’est impossible”. Ou alors elle vient d’une autre planète. Heureusement pour nous, cette planète est la nôtre.
Amma, la première fois que je la vois en vidéo sur mon ordinateur, je me dis “non, elle ne va pas faire ça !” :
– dans la pénombre d’une pièce, on la voit approcher d’un lépreux et le prendre dans ses bras. Très fort et longtemps. Elle le berce. Très fort et très longtemps. Elle embrasse avec tendresse chaque plaie béante, elle lèche chaque petite suppuration. Ensuite elle reprend le lépreux dans ses bras et le berce encore.

Lui, il s’abandonne et pleure. Avec sa maladie, il ne doit pas avoir eu de contact humain depuis des mois.
Je suis là, je reste tétanisé par ce que je viens de voir. Cette femme lèche le pus qui s’échappe des plaies et nettoie la chair rongée par la maladie à petits coups de langue primitifs.

Amma prend les gens dans ses bras : cela s’appelle “l’étreinte” ou le “Darshan”.

Elle fait cela depuis des années. Sans relâche. Les gens font la queue. Parfois trois jours. Elle les prend dans ses bras, inlassablement. Elle a serré plus de 30 000 000 de personnes à ce jour. Je crois que c’est du soin, noble et désintéressé.
On a tous l’espoir que quelqu’un nous attende quelque part pour ouvrir grand ses bras et nous étreindre, nous dire que cela va aller, que oui C’EST difficile, oui C’EST douloureux et effrayant, mais que cela va aller.
Elle le fait.
Amma. “La mère” en Hindi.
Elle le fait.
Elle ouvre ses bras.
L’Homme est une horloge dont les rouages cassent comme porcelaine. On peut tout lui reprocher : il fait la guerre, invente le génocide, le viol, la torture et le meurtre de masse organisé. Et parmi tout cela, parmi le cliquetis des armes, le crissement des lames, la lueur rouge des incendies et les cris qui s’achèvent, il y a Amma.
La mère.
Celle qui lèche les plaies des lépreux avec sa langue.
La mère.
Vraiment.

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La beauté des mères.

Alors voilà le petit Henri qui a rongé le coin d’une plaquette d’Ariel en poudre. Vous savez, le petit carré qui s’effrite entre les doigts quand il est mouillé. Sa mère l’amène aux urgences.
– Il n’a pas mis grand chose à la bouche, je lui ai tout enlevé, tout nettoyé avec de l’eau…
Moi, d’humeur joueuse :
– Il fait des bulles ?
Sa mère, premier degré (en même temps c’est une mère) :
– Non, pas encore.
– C’est quoi la marque de la lessive ?
– Ariel.
– Ah ! Ariel, ça lave plus blanc que blanc…
L’enfant étant métissé, la remarque est très drôle (en même temps : ma grande sœur est noire, c’est de l’humour communautaire par procuration, je peux me le permettre).
Je demande conseil à Chef Reine Espagnole :
– Tu peux le laisser partir.
– On doit faire quelque chose ?
– Tu lui fais boire beaucoup d’eau, dit-elle sur le ton de la plaisanterie.
(J’ai bien envie de lui demander si après l’avoir fait boire je dois le secouer trente minutes la tête en bas le temps que le programme court se termine mais Chef Reine Espagnole s’occupe d’un AVC alors…).
Moi, de retour dans la chambre, encore joueur :
– Alors ? Toujours pas de bulles ?
Que c’est beau une maman, que c’est VRAIMENT très beau une maman :
– Je regarde bien mais non, toujours pas. C’est plutôt bon signe ?

PS : alors voilà, en tenant ce blog, j’essaie (dieu que c’est dur !) de garder une neutralité bienveillante vis-à-vis des faits qui me sont relatés. Je ne suis pas lisse, les choses ne glissent pas sur moi… Je suis quelqu’un de révolté. J’aime l’être humain, je l’ADORE. Mais j’ai mes coups de gueules. Ils n’ont pas leur place ici (((( Martine et ses lasagnes s’en souviennent encore ! )))
Mais ils ont leur place sur l’édito que m’offre chaque mercredi l’équipe du Huffington Post. Cette semaine, je suis en colère et je les remercie infiniment de me permettre de crier haut et fort mon indignation sur la souffrance d’un jeune patient qui m’a bouleversé l’autre soir :

http://www.huffingtonpost.fr/dr-b/importance-gay-pride_b_3382974.html