Archives mensuelles : mars 2020

Vergogna !

Alors voilà, on ne comptabilise pas les morts dans les EHPAD.

Quel prétexte ? Ce serait difficile de savoir si la personne est morte de vieillesse ou si elle est morte du Coronavirus.

C’est commode, hein ?!?!

Dans le même laps de temps, tu as 20 personnes âgées fiévreuses qui meurent en toussant dans un EHPAD des Vosges, 15 dans un EHPAD dans le Doubs. Mais non, « on ne peut pas certifier que c’est bien dû Coronavirus ».

Quelle blague !

Évidemment qu’on ne peut le certifier puisqu’on n’a plus de test ! Et que le personnel qui s’occupe de ces personnes âgées n’a pas suffisamment de matériel à disposition pour les protéger d’une éventuelle contamination…

Tout est fait pour alléger le chiffre journalier du nombre de morts, et par la même alléger l’ardoise gouvernementale.. Ne pas incriminer davantage les politiques de santé publique insensées qui, se succédant, ont conduit à ce désastre…

Oublier nos anciens. Les effacer eux et l’origine de leurs décès… Faire passer ça pour de la vieillerie. Puis les enterrer seuls, sans famille, confinement oblige.

Mais quelle honte ! Mais quelle ignominie !

C’est dégueulasse. Je n’ai pas les mots. C’est PROPREMENT dégueulasse.

Les vieux, on s’en fout.

Photo prise cet été.

Ma mère.

Avec mon père, ils gardent les enfants de ma soeur.

Ma soeur est soignante.

Elle travaille.

Elle a dû se résoudre à laisser ses enfants à mes parents le temps du confinement (qui durera plus de 15 jours, on le sait maintenant).

Son cabinet étant à 100 mètres de la maison de mes parents, elle va pic-niquer, assise dans le jardin, et les enfants mangent assis dans le salon, de l’autre côté de la fenêtre.

Ils ont 9 et 5 ans.

Leurs grands-parents ont 69 ans.

Trois générations séparées par une vitre.

Faudra qu’on questionne la façon dont certains relativisent la maladie parce qu’elle touche « surtout les plus de 70 ans ».

Je parle du modèle productiviste bien merdique de notre société : t’es vieux, tu produis moins, tu vaux plus rien.

Ce sont nos parents, nos grands-parents. Les vôtres. Les miens.

Ils furent ce que nous sommes. Nous serons ce qu’ils sont.

En guerre et contre tout.

Alors voilà,

En Guerre, on donne des ordres.

En Crise, on donne des moyens.

Devinez quel champ lexical on a choisi d’utiliser ?

Avant-hier soir, allocution d’Angela Merckel à la télévision allemande.

« C’est notre plus grand défi depuis la seconde guerre mondiale ».

Darmanin, ministre, l’autre soir : « pas de polémique en temps de guerre ».

Pauvre choix de mots, certes.

Mais surtout : j’ai peur.

Peut-être suis-je démesurément cynique, mais si j’étais un gouvernement ultra-libéral préparant les peuples à réduire leurs droits sociaux au prétexte patriotique, obligatoire, inévitable, d’une « économie de guerre », eh bien je ne m’y prendrais pas autrement.

La baisse de productivité, ce sera aux travailleurs et travailleuses de la payer. Et la pilule passe mieux quand on use et abuse d’un langage symbolique patriotique, belliqueux, sacrificiel.

Voilà pourquoi je me méfie du champ lexical héroïque et guerrier pour désigner le travail des soignants (« ils partent au front », « ils sont en première ligne », « c’est la guerre » etc).

Je vous renvoie à cet article de Marianne (pas vraiment un journal de gauche pourtant) : le gouvernement pense déjà l’après confinement, un projet de loi prévoit la limitation des congés payés, la fin des 35h, des licenciements facilités, etc.

On dira que c’est de la « relance économique ». Et en ayant abusé du narratif guerrier, héroïque, toute personne qui se lèvera pour protéger des acquis sociaux durement gagnés par nos anciens passera automatiquement pour un lâche ou un traitre à la nation. Parce qu’on sortira « de la guerre ».

Pourtant… Un virus ne nous fait pas la guerre. Quelle idée absurde… Un virus vit sa vie de virus.

C’est le capitalisme, l’épuisement des ressources naturelles, le productivisme effréné, voilà ce qui a déclaré la guerre à l’humain.

Apprendrons-nous quelque chose de cette épreuve ?

Coronaviedemerde

Est-ce que je viens de me faire agresser par un patient parce que je ne pouvais pas lui fournir de Gel hydro-alcoolique ?

Il semblerait bien que oui.

Est-ce qu’on se retrouve obligés de préparer un sac de denrées alimentaires pour une copine urgentiste qui finit trop tard pour faire des courses et n’a plus rien quand elle trouve du temps pour se rendre en épicerie ?

Il semblerait bien que oui.

Pensez aux soignant.e.s, les gens.

Rien ne sert de faire des réserves. Les magasins de bouffe seront réapprovisionnés, pas le moral des soignants.

Une amie me dit qu’elle ne sait pas quoi faire pour nous aider. Qu’elle se sent inutile en restant chez elle.

Eh bien sachez-le : en restant chez elle, elle nous aide.

Beaucoup.

Le but étant d’étaler au maximum les arrivées de patients, pour ne pas surcharger les services déjà débordés.

Rester chez soi, c’est permettre cet étalement dans le temps.

On sait que beaucoup de gens vont tomber malade, mais on a besoin qu’ils le fassent dans beaucoup beaucoup de temps.

Rester chez soi, c’est nous aider.

‪L’héroïsation du personnel soignant est un narratif commode pour dépolitiser nos revendications et nous enfermer dans une posture intenable : un héros, ça ne demande pas du personnel supplémentaire, ni ce truc un peu sale qu’on appelle des sous.

“Selon les statistiques du ministère de la Santé, l’hôpital a perdu 5,3 % de ses lits depuis 2013. À eux seuls, les établissements publics en ont perdu 13 631.”

Article du Parisien, ici.

Moi, je n’oublie pas.

Je n’oublie pas qu’il y a encore quelques semaines le gouvernement d’Edouard Philippe aspergeait de lacrymo les soignants qui manifestaient pour une meilleure prise en charge de leurs patients… et aujourd’hui ça joue du Hans Zimmer sur un piano chaque fois qu’on pète…

L’héroïsation est toujours un piège, car c’est une dépolitisation.

Quand la crise sera passée, on voudra du personnel supplémentaire et des sous, pas des monuments aux morts, pas des statues.

Courage et soutien à toutes et tous !🙏🏻💪♥️

Mea Culpa

Alors voilà,

Réunion de discussion collégiale hier après-midi au cabinet médical avec mes associés.

On a pris les mesures les plus adaptées possibles compte tenu du foutoir total où nous sommes abandonnés (les patients en seront les premières victimes).

Je dois faire mon mea-culpa. Je m’en veux d’avoir traité cette pandémie avec légèreté.

Les premiers spécialistes qui en parlaient étaient vraiment rassurants.

A J15, pourtant, les chiffres qui viennent d’Italie sont alarmants.

Les hôpitaux là-bas sont débordés.

Éric Caumes, chef du service d’infectiologie à la Pitié Salpêtrière fait état de décisions terribles prises par les services de réanimation là-bas, notamment à Milan (pas besoin de vous faire un dessin).

Ici, les gens continuent pourtant à sortir dans les rues.

Cette liberté que nous réclamons, par bravade et bêtise, elle tuera le grand-père ou la grand-mère de quelqu’un.

Sortons peu, voir pas du tout.

Si vous allez bien, considérez-vous automatiquement comme porteur sain, et considérez automatiquement toutes les personnes que vous croisez comme personnes à risque.

Courage et soutien à toutes et tous !🙏🏻💪♥️

« il y a des cas où il faut mettre, pour un moment, un voile sur la liberté, comme l’on cache les statues des dieux. »

Montesquieu.

PS : Je sens trop les mecs qui vont passer les 3 prochaines semaines à vivre comme d’habitude et qui, la crise passée, nous diront :

« vous voyez, vous vous inquiétiez pour rien ! »

Alors que c’est la discipline des autres qui aura permis à ces gens-là d’aller bronzer au Parc Monceau.

PS 2 : ‪Ne sortez pas.‬

‪Faites comme moi : prenez de belles photos d’homme tout nu dans votre cuisine, toutes lumières éteintes, frigo entrouvert, puis prétendez être un photographe de génie, spécialiste du clair-obscur.‬

‪#lesbonsconseilsdetontonbaptiste