Archives mensuelles : décembre 2019

L’autre semaine.

Mardi :

Aujourd’hui j’ai vu un patient. Ça fait un an qu’on se voit.

Il vit dehors, il est blessé par la vie, son histoire me touche. Bref.

A quelques jours d’intervalle, deux de ses camarades de trottoir sont morts de froid dans les rues de Toulouse.

L’un a été retrouvé sous l’arche de la médiathèque.

L’autre, allongé devant l’entrée de l’Intermarché, métro Jean-Jau.

Mon patient était en colère, mais résigné.

« Je les connaissais bien. De bons gars. »

Bien sûr qu’il les connaissait bien, ils mangeaient, vivaient, dormaient au même endroit : dehors.

Qu’est-ce que tu veux que je lui dise ?

Y a pas de pommade pour ça.

Vendredi :

Y avait beaucoup de patients en salle d’attente, hier. Et je vois ce bébé qui pleure. Je me dis « les gens vont râler si je le fais passer devant tout le monde » (oui, les gens ralent toujours…).

Je ne savais pas comment manœuvrer le truc, alors pour faire passer la pilule, j’ai pris mon air le plus théâtral et balancé un truc du genre :

« Je vais examiner ce bébé qui pleure avant tout le monde. Si cela gêne quelqu’un, je voudrais qu’il se lève et dise devant les autres : “oui, docteur, ça me gêne que cet adorable bébé sans défense et à l’air si fragile, cet adorable bébé aux grands yeux bleus en train de pleurer passe avant moi ! Oui docteur, je suis un monstre !” »

Les gens ont ri et c’est passé crème 👌🏼

#psychologiecognitive

#lestrucsetastucesdetontonbaptiste

Samedi :

J’aime mon métier de soignant. Mais il me fait grossir. Mais il me fait pleurer. Et ce soir, je rentre, capuche remontée, casque anti-bruit sur les oreilles, et je croise les doigts pour que personne ne me parle dans la rue, me demande l’heure ou même son chemin.

J’aime mon métier de soignant, mais le vendredi soir, échanger avec l’Autre, c’est tellement dur.

Je veux du silence, du vide et surtout pas de visage.

Plus aucune interaction. Je sais que beaucoup d’autres soignants ont aussi ce besoin de solitude en fin de journée.

L’humanité use l’humanité.

Heureusement qu’il y a les romans, ceux à lire, ceux à écrire.

Bref.

Bon week-end.