Archives mensuelles : octobre 2018

Les 500 000 Marie

(Photo : ICI)

Alors voilà… Aujourd’hui je veux parler du visage de Marie.

Marie est une femme, elle a la soixantaine, et elle est grand-mère.

Mais surtout, Marie boit.

Beaucoup.

Ses amis ne le savent pas.

Elle ment à tout le monde, tout le temps.

Même ivre morte, Marie soutient que non, elle n’a aucun problème avec l’alcool.

Elle refuse d’aller chez le médecin, parce qu’elle sait qu’il pourrait découvrir son secret.

D’ailleurs, Marie ne fait jamais de prise de sang : son taux de Gamma GT la trahirait. Elle a peur qu’on voie qui elle est vraiment à l’intérieur. Enfin, ce qu’elle croit être vraiment.

Elle se hait d’être si fragile.

Quand Marie garde ses petits-enfants, elle a hâte qu’ils repartent le dimanche soir. Elle a hâte et a honte d’avoir hâte. Elle les aime pourtant, mais quand ils s’en iront, elle pourra continuer de se saouler, mais sans se cacher.

Marie est dans l’alcool comme le moucheron dans la toile. Elle n’en peut plus de se débattre alors elle dit à sa fille de ne plus lui amener les petites. Car Marie a peur d’avoir un accident de voiture.

Elle a tellement honte qu’elle préfère renoncer à sa propre famille, Marie. À ses petites-filles !

Marie s’entoure de femmes qui ont le même problème. Pour se déculpabiliser. Se sentir moins seule, même si elle sait la vérité, Marie : on peut être plusieurs dans une solitude immense.

Le temps passe.

Parfois, Marie ne dessaoule pas pendant des jours. Un matin, Marie n’a plus de mari. Son amoureux est parti.

Elle ne parle plus à sa fille.

Avant, Marie avait une maison, mais elle a oublié. Elle a perdu son adresse. Marie est à la rue. Marie a froid, elle a faim, elle est violente. Marie crève. Marie pourrait être notre sœur, notre mère, notre tante, notre collègue, notre voisine. Marie n’existe pas, je ne l’ai jamais rencontrées. Ou plutôt si, elle existe, et elle existe TROP mais on ne le sait pas, c’est tabou ça, l’alcoolisme féminin.

Sachez-le : les Marie sont 500 000 en France, alors j’en ai probablement souvent rencontrées sans le savoir. Comme vous.

La romancière Cathy Galliègue, dans son dernier roman « Et boire ma vie jusqu’à l’oubli » pose ces mots dans la bouche de son héroïne :

« J’attends la nuit, cherche une porte-cochère pour m’y rouler en boule et boire avec dégoût, m’essuyant la bouche du dos de la main entre deux gorgées, jetant aux passants qui oseraient tourner la tête vers moi le regard de la mort. Je ne suis plus rien, coiffée, maquillée, debout, mais plus rien, et personne ne le sait. »

Je parle de ce roman parce qu’il aborde le sujet tabou de l’alcoolisme féminin, et qu’il le fait avec délicatesse et beaucoup de justesse. Il sort la poussière de sous le tapis, comme on dit. J’ai contacté la romancière ce week-end, je lui ai demandé pourquoi elle avait écrit ce très beau roman.

Elle m’a répondu ces mots bouleversants :

« L’alcool a mangé mon enfance, ma Marie à moi s’appelait maman, et nous ne nous parlons plus depuis dix ans. Alors j’ai écrit pour que les femmes concernées comme ma mère puissent parler. Et qui sait ? Peut-être même reparler à leurs filles ? ».

Cathy Galliegue a écrit, et moi, aujourd’hui, je parle. Pour toutes les Marie qui nous écoutent, et leurs familles.

Vous n’êtes pas seules.

(vous pouvez écouter cette chronique de l’émission Grand Bien Vous Fasse sur France Inter, ici)

La bouteille à la mer…

Coucou !

Mon quatrième roman sort aujourd’hui et le journal 20 minutes vous propose de lire les premières pages en exclusivité !

C’est

👇🏼

ICI

Merci aux lectrices et lecteurs pour vos premiers retours aussi enthousiastes et dithyrambiques !

À lire ICI ou ICI !

Je suis tellement heureux de le voir s’envoler vers vous…

Je reprends la route pour venir à votre rencontre dans les villes suivantes :

Paris 15 : Le Divan, CE SOIR, 19h

Gibert Toulouse ce vendredi à 19h

Cultura Balma : le 24/10 avec Agnes Ledig à 20h

Nantes : festival des Utopiales le 4 novembre

Brive : 10 et 11 novembre

Strasbourg : 12 novembre à Kléber, 17h30

Mérignac : 17 novembre, maison de la Presse !

Rennes :24 novembre La Nuit des temps à 17h

Angouleme : le 1 et 2 décembre avec la librairie Cosmopolite

Toulouse : librairie Ombres Blanches le 8 décembre 2018

Grenoble : 13 décembre FNAC GRAND PLACE 17h30

Lyon : 14 décembre FNAC Bellecour 17h30

Bourg-En-Bresse : 15 décembre Librairie du Théâtre vers 16h

Hâte de vous rencontrer et/ou retrouver !

Et merci aux libraires, booktubeurs, booktubeuses et autres qui m’aident à lancer cette bouteille à la mer dans une mer de lecteurs.

Prenez soin de vous toutes et tous,

B

#lookingforannelise

Mon bureau, Monoprix, et du v…i.

Alors voilà… Aujourd’hui je veux absolument vous parler de mon bureau, au cabinet médical.

Je veux avoir ici une petite pensée pour lui suite à… l’incident.

Imaginez : une maman entre, me salue, puis dit :

« Docteur, regardez tout ce qu’il vomit » en sortant un sac plastique rempli de ce que vous pouvez imaginer, sac qu’elle pose ensuite sur mon bureau, hyperfière de tout ce que le corps de son petit garçon est capable d’excréter.

Elle l’a posé sur le bureau. Comme ça. Plof !

Et ce qu’endure mon bureau, mon pauvre bureau en PVC personne ne peut le décrire. Il n’y a pas de mot. PARCE QUE : qui pourrait comprendre à part peut-être le bureau d’un autre médecin !

D’ailleurs, je les imagine bien, la nuit venue, qui se téléphonent entre eux.

« Moi on m’a déjà fait ça avec des taenia, hein » se plaindrait celui du gastroentérologue en bas de ma rue.

Non mais vraiment.

Qu’est-ce que j’aurais dû faire quand cette femme a déposé ce sac au plastique si fin, rempli de vomi, hein, les amis ? Mon Dieu, je revois le vomi bomber la fine couche de plastique, et ce plastique qui s’étale, qui s’étale sans fin comme une galette ou une bombe à eau. Mais mon dieu, non… Je comprends qu’elle soit fière, cette mère, c’est le bébé de son bébé, quelque part, mais quand même… Je ne sais pas ce que j’ai pensé en voyant… ÇA !

Peut-être que j’ai vu dans ma tête le capitaine Kurtz, vous savez, Marlon Brando dans Apocalypse Now, celui qui a un gros gros gros stock de Napalm a écouler, et je l’ai entendu commander dans ma tête : « Brûle-le-sac ! Brûle le bureau ! Brûle-la-maman ! Brûle-tout, brûle-tout Baptiste ! »

Vous savez, les amis, le bureau du médecin n’a pas le vie facile. Non mais j’ose à peine toucher le mien ! Entre les mouchoirs usagés, les pieds posés sans gêne pour montrer un panaris ou le petit bouton entre les orteils, le dentier balancé à la va-vite ALORS qu’à côté la table d’examen n’attend QUE ça !!!!

Et derrière tout ça, cette question existentielle : ils sont étanches au moins, les sacs Monoprix ?

Vous savez, les amis, j’écrivais cette chronique et je pensais, « Punaise, je ne souhaite pas à mon pire ennemi d’être réincarné en bureau de médecin ! » et tout à coup je me suis souvenu qu’un bureau de médecin ce n’était pas SEULEMENT ça. Me suis souvenu de toutes les fois où quelqu’un a dit, en tapotant du bout des doigts ce petit bureau, des phrases comme :

« Docteur, je vais mieux ! »

« Docteur, je me marie ! »

« Docteur je suis enfin enceinte »

Ou même : « j’ai enfin maigri » qui rappelle cette autre phrase « j’ai enfin grossi »

Ou encore cette phrase magnifique : « j’ai pas peur, Docteur ! »

Et, enfin, peut-être ma préférée d’entre toutes :

« Vous savez, Docteur, je vais me battre !»

Et là oui, définitivement je peux le dire, les amis, je ne souhaite finalement pas à mon pire ennemi d’être réincarné en bureau de médecin : il aurait trop de bons moments et ce serait trop bien pour lui !!!

(Vous pouvez retrouver cette chronique sur le site de France Inter, ici)

(vous pouvez écouter cette chronique de l’émission Grand Bien Vous Fasse sur France Inter, ici)

Rencontres avec vous.

Mon quatrième roman, « Toutes les histoires d’amour du monde » sort le 17 octobre.

Je serai à la librairie parisienne Le Divan mercredi 17 octobre pour une dédicace/soirée de lancement à partir de 19h00.

Suivront (à vos agendas !) :

– la librairie Gibert Toulouse le vendredi 19 octobre à 19h00

– mercredi 24 octobre / Cultura Balma Toulouse : événement spécial, rencontre-dédicace en couple avec Agnès Ledig à 20 heures !!

– samedi 10 et dimanche 11 novembre / Foire du livre de Brive (😀)

– lundi 12 novembre à Strasbourg, librairie Kléber vers 19h (horaire à préciser !)

– samedi 24 novembre : Librairie La Nuit des temps à Rennes dédicace à 17h00 et rencontre à 19h00

– samedi 1er et dimanche 2 décembre / Salon Angoulême en poche avec la librairie Cosmopolite (Pascal ♥️)

– samedi 8 décembre / Librairie Ombres blanches Toulouse (horaire à venir !)

Puis suivront Lyon, Lorient, Bourg-En-Bresse (Lydie🙏🏻), Mérignac(Philippe😘), Grenoble (Sandrine) et bien d’autres selon les librairies qui m’invitent (je suis un garçon facile😃). Bref, c’est vous qui demandez aux libraires.

À bientôt ?

♥️

Baptiste

PS : ça, c’est le sourire de joie et de fierté de mon éditrice qui tient pour la première fois mon roman entre les mains…

Comme je la comprends… et comme il me tarde !

Je le serrerai lundi dans mes bras. Et j’aurai une pensée particulière pour la femme qui, quelque part, ne l’a pas encore lu et qui compte tellement pour moi.

#roman #mazarine #histoire #aventure #tresor #amour #guerre #mystere #bouteillealamer

Eloïse.

Le visage d’aujourd’hui est le visage d’une soignante. Elle s’appelle Eloïse et, l’autre nuit, elle m’a écrit une lettre qui commence par ces mots :

« Bonsoir Baptiste,

Je ne sais pas tellement pourquoi c’est à vous que je m’adresse ce soir. Peut être parce que je suis finalement PLUS marquée que je ne veux bien me l’avouer. »

Eloïse m’explique ensuite qu’elle travaille de nuit aux urgences pédiatriques. Elle devait être en vacances, mais ils sont en sous effectif depuis deux mois, alors elle a été rappelée. Encore. Et elle a accepté de revenir. Encore.

« Parce que, écrit-elle, j’aime mes collègues, et j’aime mes petits patients !!!! »

Puis Éloïse me raconte qu’un père amène sa fille.

Il pensait qu’en venant aux urgences, soit il aurait une CONSULTATION RAPIDE et ressortirait avec une ORDONNANCE RAPIDEMENT, soit il aurait une CONSULTATION RAPIDEMENT qui aboutirait à une HOSPITALISATION RAPIDE.

« Mais voilà, m’écrit Eloïse, DÉJÀ, la salle d’attente était pleine, ET MOI j’étais seule avec un interne. »

Toujours est-il que c’est arrivé : cet homme a levé la main sur Eloïse.

Elle a eu peur. Très peur. Et c’est une première dans le cadre de son travail.

« Sur le coup, m’écrit-elle, je tente de garder le maximum de sang froid possible. Je demande aux parents qui ont entendu le père monter dans les tours de ne pas s’en mêler, pour éviter que cela dégénère. Je demande à mon agresseur de rejoindre sa femme et sa fille parce qu’il fait peur aux autres enfants. Puis je m’effondre. Je pleure. Panique. Fais une hypertension sévère à 21/13. »

L’administrateur vient, constate les problèmes d’effectifs, rédige un rapport « d’évènement indésirable » -c’est comme ça qu’on dit- puis Eloise doit reprendre son travail, avec le sourire, mais avec quelques larmes qui sortent toutes seules de temps en temps, avec le sang qui tambourine dans sa tête, et les yeux rougis à cause de cet « événement indésirable ».

Elle se sent vidée, comme elle me l’écrit :

« Le pire dans tout ça, Baptiste, je ne sais pas contre qui je dois être le plus en colère, contre la direction qui supprime des postes à tout va, épuisant mes collègues qui se retrouvent en arrêt maladie, ou contre ce père.

Les agressions verbales nous en subissons régulièrement elles ne devraient déjà pas exister, Baptiste. Les agressions physiques n’en parlons pas.

J’aimerais que les gens sachent qu’on travaille 1 WE sur 2, les jours fériés, à Noël ou au jour de l’an.

J’aime mon métier. Vraiment. Je n’en changerai pour rien au monde. »

Et Eloïse conclut par ces mots :

« Merci de m’avoir lu. Je me sens déjà mieux pour ce soir.  »

Voilà, le texte que je voulais partager avec vous.

Alors Eloïse, tu vois, moi, je ne peux pas faire grand chose d’autre que ça, lire, relayer ton témoignage sur ce « monastère blanc qui n’avoue ni sa prière ni sa misère crasseuse. Propre et impeccable comme un scalpel. » disait l’écrivain Claude Luezor.

Je ne suis pas un homme politique, je suis romancier et médecin. J’écris des romans et j’essaie de soigner les gens. On a tous un moment comme ça dans nos carrières de soignants, où tout bascule. Moi, c’était il y a trois ans. Mon agresseur a quitté le cabinet en claquant la porte. Quelques temps après il a été condamné à plusieurs mois de prison ferme pour m’avoir menacé avec un couteau. Eh bien tu sais quoi, COPINE Eloïse, COLLÈGUE Eloïse, COMPAGNON DE GALÈRE Eloïse ? Depuis ce jour, je ne peux plus entendre une porte claquer sans avoir le ventre noué. Ça s’est gravé dans mes intestins, je crois. Là. Je veux te dire, Eloïse, à toi et aux collègues, que je suis de tout cœur avec vous toutes et tous.

Et que si je suis un peu triste d’avoir eu à relayer ici ton « ÉVÉNEMENT INDÉSIRABLE », je suis fier d’avoir pu porter ta voix et celles des soignants ici.