Archives mensuelles : septembre 2018

Toutes les histoires d’amour du monde.

Coucou à toutes et tous,

Ça fait combien de temps, ici ? Six ans ? Sept ? Je ne sais plus.

Merci à celles et ceux, fidèles au poste, et aux nouveaux arrivants et arrivantes.

Le temps passe…

(Mais non, chut, ce n’est pas de la nostalgie que tu ressens, là…)

J’ai écrit un nouveau roman et je m’apprête à retourner sur les routes à votre rencontre (n’hésitez pas à demander à vos libraires de contacter ma maison d’édition pour me faire venir. Je me déplace toujours avec plaisir et il y aura des free-hugs !)

Je crois n’avoir jamais rien tenté d’aussi ambitieux que ce quatrième opus.

Deux ans d’écriture et de recherches. Je n’ai jamais été aussi exigeant envers moi-même, envers mes éditrices (merci infiniment à vous, les filles🙏🏻♥️).

480 pages.

La Guerre, l’Amour, celles et ceux qui les font.

Quant à toi qui me lis : j’ai tellement hâte que tu participes à cette aventure…

Parce que oui, je ne te l’ai pas encore dit, mais ce roman que tu vas lire, quand tu l’auras terminé, je te demanderai de participer.

Participer à quoi ?

À une chasse au trésor mondiale.

Car ce roman n’est pas qu’un livre.

C’est une bouteille à la mer lancée dans une mer de lecteurs. Je cherche quelqu’un. Mon père et moi cherchons quelqu’un.

Ton rôle ?

Je vais avoir besoin de toi pour peigner le museau à la Guerre et au Temps qui passe.

Rien que ça ?

Oui, rien que ça. Prépare-toi bien ! Rendez-vous le 17 octobre ! Prêtes ? Prêts ?

Ce qu’en pensent les malades.

Aujourd’hui je veux parler à toutes les personnes qui nous écoutent, qui souffrent peut-être de DÉPRESSION et à qui de bonnes âmes viennent régulièrement recommander de, je cite, « SE BOUGER pour que ça aille mieux ».
Dire ÇA à une personne déprimée est aussi ABSURDE que si on balançait à un type avec un vitiligo, un psoriasis, ou de l’eczéma : « MAIS FROTTE FORT, ÇA PARTIRA !!!! » C’est nul. Ça marche pas. Ça culpabilise et c’est tout.
Je suis médecin, mais je suis aussi romancier. J’ai demandé sur internet à mes lecteurs souffrant d’affections en tous genres de me donner un aperçu des phrases maladroites qu’ils ont pu entendre de la part de soignants ou de proches…
Par exemple, dire à une femme qui n’arrive pas à avoir un enfant qu’elle -je cite- « doit arrêter d’y penser, parce qu’on connaît la belle-soeur de la voisine de notre coiffeuse qui a enfin réussi comme ça, en arrêtant d’y penser ! » ça ne marche pas. Mais surtout, en disant ça, on sous-entend que la femme est peut-être un petit peu responsable de son état, et que la fertilité est quelque chose qu’elle pourrait a priori maîtriser : « Ben oui quoi, si tu sais pas domestiquer tes follicules ovariens à 20 ans t’as raté ta vie… »
Non mais est-ce qu’on se rend compte combien c’est VIOLENT pour une femme d’entendre ça ?
Un malade faisait remarquer que c’est à peu près aussi débile que de balancer à un asthmatique : « Vas-Y Bruno !!! Respire profondément, ça va aller !»
Bah non, connard, si je pouvais respirer profondément, je serai pas en train de faire une crise d’asthme !!
Il y a derrière ces remarques cette idée qu’on pourrait contrôler/maîtriser son corps, son esprit, ses pensées.
Pourtant, on ne dira pas à une personne souffrant d’un cancer « moi perso je te conseille de mieux contrôler ta prolifération cellulaire, mais bon, je dis ça je dis rien »
Ben oui, DIS RIEN !
Car en vrai balancer à quelqu’un que son problème est dans la tête, ça ne console pas. Tout simplement parce que ce serait dans le pied, ce serait pareil. Ça reste à l’intérieur de nous et il faut batailler avec ça. Avec cet autre qui nous veut du mal. Cet autre qui nous ressemble, qui est nous. La dépression, c’est une méchante maladie auto-immune de la conscience. Ça existe, ça se mesure, avec des appareils compliqués, de l’imagerie compliquée, et ça se traite dans beaucoup de cas avec de vrais médicaments comme n’importe quelle autre maladie.
« La dépression frappe au hasard : c’est une maladie, pas un état d’âme. » écrit l’écrivain et poète Tahar Ben Jelloun. Et il a raison : si le bonheur était seulement affaire de choix, on vivrait tous dans un pays où les parkings des aéroports sont gratuits, manger du chocolat fait maigrir, et où David Bowie continuerait de chanter !
Alors QUE DIRE ?
Là aussi, j’ai demandé aux malades. Leurs réponses ?
D’abord, on ne dit rien. On ÉCOUTE. Ensuite rappeler à la personne qu’elle n’est pas seule, qu’elle compte pour nous, qu’on est là quand elle veut, que si on est désolé devant sa souffrance, elle peut parler sans crainte de nous blesser, que ce n’est pas sa faute si elle a mal.
Et qu’on peut l’accompagner chez le médecin.
Ah oui, et les internautes que j’ai interrogés étaient à deux doigts de rédiger une pétition pour ça : arrêtez de sortir cette phrase horrible, stupide, insupportable, pour quiconque a déjà connu un grand, un gros, un terrible chagrin d’amour : « Mais oublie-la ! » ou « Arrête de penser à lui » ou pire encore « Un de perdu dix de retrouvés ». Ben non, un de perdu, un de perdu.
S’il vous plaît arrêtez. Vraiment.

On est d’accord, hein, les gens ?

Une chronique de l’émission Grand bien vous fasse​ à retrouver sur le site de France Inter ICI!

Elle s’appelait Liliana Herrerai

Alors voilà, aujourd’hui je veux vous parler du visage de Liliana Herrera, une argentine de 22 ans morte cet été d’une septicémie suite à un avortement clandestin.
Pourquoi clandestin ? Parce que le projet de loi visant à légaliser le libre accès à l’avortement a été rejeté par le Sénat argentin.

En tant que médecin accompagnant des femmes souhaitant avorter, j’avais prévu de vous énumérer quelques éléments purement factuels, à savoir :

En France, 1 femme sur 3 avorte au moins une fois dans sa vie. 1/3 des Françaises de votre entourage.
Évidemment ce chiffre augmente dans les pays où l’accès à la contraception est difficile.

D’ailleurs, en parlant de ça, sachez que 3 avortements sur 4 sont pratiqués sur des femmes DÉJÀ sous contraception ! Pilule, stérilet, même préservatif. Tout simplement parce qu’aucune contraception n’est infaillible.
Pour la pilule, par exemple, le taux de grossesse est de 8%, c’est-à-dire que sur 100 femmes qui la prennent, 8 tombent enceintes sur une année d’utilisation. Sur ces 8 femmes, que font celles qui ne veulent pas ou ne peuvent pas poursuivre une grossesse ?
Elles ont recours à l’avortement, et elles y ont recours que ce soit autorisé OU pas. Les chiffres ne mentent pas : il y a la même proportion d’IVG dans les pays où celle-ci est légalisée que dans les pays où elle ne l’est pas. LA.MÊME.PROPORTION !!!
Ce que je veux dire c’est que quoi qu’on pense de l’IVG, une femme qui ne veut pas avoir d’enfant TROUVERA un moyen de ne pas avoir d’enfant.
La différence ? Dans les pays où elle est illégale, le taux de mortalité pour ces femmes est 35. FOIS. PLUS. ÉLEVÉ. Vous vous rendez compte ? Combien de Liliana Herrera ? Là maintenant au moment où nous parlons ? Soit l’IVG est illégale et les femmes meurent. Soit l’IVG est légale et ces femmes survivent ET ont le choix.
Pensons-y chaque fois que les opposants à l’IVG se font appeler les “pro-vie”. Si la légalisation de l’avortement n’a JAMAIS fait augmenter le nombre des IVG pratiquées, il est certain que cette légalisation a fait diminuer le taux de mortalité par rapport à l’IVG clandestin.

Tournons le problème à l’envers : si les hommes risquaient de tomber enceints à chaque fois qu’ils ont un rapport sexuel, l’IVG serait un droit inaliénable et inscrit dans la constitution. Oui, je crois que si chaque fois qu’un homme jouissait avec une femme en engageant son corps / sa santé / sa responsabilité / sa carrière pour les 80 ans à venir, on pourrait lire aux frontons des mairies :

« LIBERTÉ ÉGALITÉ FRATERNITÉ IVG »

Ne parlons même pas des tampons et des serviettes hygiéniques qui seraient remboursés par la Sécu, mais ça c’est un autre débat.

Bref, j’avais prévu de vous dire tout cela, mais je préfère vous donner un chiffre : 500 000.
C’est le nombre d’IVG clandestines par an estimées par les ONG en Argentine.
Combien de femmes seront condamnées à mourir, à être mutilées ? Combien de Liliana Herrera ?
Combien de souffrances évitées si le sénat argentin avait légalisé l’IVG cet été ?
Le cinéaste Pino Solanas a prononcé cette phrase :
« Arrêtons l’hypocrisie d’une classe dirigeante qui sait que les riches peuvent avorter de façon sécurisée alors que les plus pauvres sont condamnées à l’infection ou à la mort ».
Je crois qu’il a raison. Alors j’ai amené une photo, c’est bête je sais, on est à la radio, mais maintenant tout est filmé.
N’oublions pas son visage : elle avait 22 ans, elle s’appelait Liliana Herrera et elle est morte d’une septicémie parce qu’elle était une femme pauvre dans un monde où les lois sont dictées par des hommes riches.
N’oublions pas son nom, n’oublions pas son visage.
Elle s’appelait Liliana Herrera.

Texte et vidéo à retrouver sur le site de FRANCE INTER

Ce qu’on connaît…

Le visage d’aujourd’hui est celui de Jeannine, 95 ans, une belle vieille dame que j’ai reçue un jour au cabinet médical.
Elle était voutée, ridée, tremblante, le pas mal assuré, la vue trouble, bref, arborait tous les stigmates de la vieillesse, avec bien sûr, comme disait mon grand-père « les oreilles remplies de semoule » : elle était sourde comme un pot.
Je regarde sa prise de sang : nickel. Pas de sucre. Pas de cholestérol. Pas d’inflammation. Et des reins qui pètent le feu.
Je l’examine. Lui trouve une tension artérielle un peu élevée. Pas grand-chose. Rien qui ne justifie d’ajouter un nouveau médicament à la liste déjà longue comme le bras de pilules en tous genres qu’elle doit déjà prendre tous les matins.
Jeannine me demande :
Combien, la tension ?
Je lui explique (en parlant fort pour traverser la semoule) :
« Un peu élevée, mais c’est pas grave »
Je ne vais pas aller l’embêter avec un régime sans sel à 95 ans et encore moins avec des médicaments.
– Vous êtes sûr, docteur, que ce n’est pas grave hein ?
– Oui, oui, ne vous inquiétez pas.
Et voilà qu’elle me fait répéter une fois, deux fois, trois fois, de quatre manières différentes, que non, avoir un peu de tension artérielle à 95 ans, ce n’est pas grave.
Elle me l’a fait répéter combien de fois, à votre avis ?
Sept fois. SEPT-FOIS.
Et je dois bien avouer qu’à la cinquième, moi, du haut de mes 27 ou 28 ans, c’est à dire du haut de cette facilité-là que confère un jeune âge, je commence un peu à me sentir irrité de devoir répéter et impuissant à la rassurer.
Allons, 95 ans ! Et elle s’inquiète pour un peu de tension artérielle ? Mais il faut bien savoir rendre les clefs, un jour, non ?
J’étais, et le suis encore un peu j’espère, ce qu’on appelle communément « un petit con ».
Car soudain, elle lâche d’une petite voix fluette, cette petite voix enfantine qu’adoptent certaines personnes très âgées, cette petite voix capable de dire papa ou maman pour parler de leurs géniteurs morts des années plus tôt, avec ce ton voix de l’enfance revenue donc, elle lâche :
« C’est que, docteur, moi, je ne veux pas mourir ».
Voilà. MOI, docteur, je ne veux PAS mourir.
Ce n’était plus une vieille dame qui parlait. C’était l’humanité toute entière.
Qui a peur. Qui doute. Qui ne sait pas s’il y a un après.
C’était Norbert De Varenne, dans Bel-Ami, qui jette à Bel-Ami ces quelques mots :
« mon corps, mon visage, mes pensées, mes désirs ne reparaîtront jamais. Et pourtant il naîtra des millions, des milliards d’êtres qui auront dans quelques centimètres carrés un nez, des yeux, un front, des joues et une bouche comme moi, et aussi une âme comme moi, sans que jamais je revienne, moi. »
Oui, on peut avoir 20 ans et ne plus avoir envie de vivre.
Mais on peut avoir 95 ans et avoir la même boulimie d’exister qu’à 14 ans.
On peut avoir 95 ans, se découvrir de la tension artérielle et avoir peur.
Parce qu’on veut pas descendre la pente, pas tout de suite, ou alors pas trop vite.
Parce qu’on veut encore grappiller un jour aux mois qui restent, une heure aux jours, une minute aux heures.
Oh, pas longtemps, ce qu’on peut, une seconde, mais quand cette seconde se termine on en veut encore une, puis une autre encore. Parce que c’est la vie et que c’est tout ce qu’on connait. Qu’on veut sentir, respirer, toucher, goûter, aimer, pleurer encore un tout petit peu. Toucher la neige une dernière fois. Voir la mer une dernière fois. Et, quand cette dernière fois est passée, on en veut une autre et une autre encore.
PARCE QUE C’EST TOUT CE QU’ON CONNAÎT.