Le jour où je me suis senti vieux. Et ridicule.

Alors voilà Jules et Julie. 14 ans. Il est tombé, son poignet lui fait mal.
On va lui faire des radios.
Ils forment l’un et l’autre un magnifique tableau de petits amoureux. Ils se font des papouilles pendant que je lui pose des questions. Elle lui passe les mains dans les cheveux, il l’attire contre elle, enserre sa hanche avec le bras qui ne le fait pas souffrir, colle sa tête contre sa poitrine.
Il manque une feuille de vigne, un grand jardin, un pommier et un méchant serpent. Ils pourraient courir tous nus dans une prairie en chantant une tyrolienne. Malheureusement, cette histoire est déjà arrivée et elle finit mal, surtout pour Ève.
Je reviens avec les radios de son poignet, ils sont dans les bras l’un de l’autre, il lui compte les doigts de la main droite :
– 1, 2, 3, 4…
À mon avis, il y en a cinq. Mais je le laisse terminer en me disant: “ce qu’on peut avoir l’air bête quand on est amoureux à 14 ans”.
Je tousse pour signaler ma présence : ils lèvent leurs têtes.
– Bonne nouvelle Julie ! Ce n’est pas cassé ! Ton amoureux va repartir avec une simple attelle !
Julie, l’air étonné :
– Mon amoureux ?
– Jules… Son poignet n’est pas cassé.
– Ah parce que vous avez cru que Jules et moi on était ensemble ?
((( Non, penses-tu ! J’ai cru vous révisiez vos cours d’anatomie Duduche ! Parce que c’est comme ça qu’on finit par attraper des bébés…))))
Elle ajoute :
– Non mais allô, quoi ! C’est pas parce qu’on se fait des câlins qu’on est ensemble ! Allô quoi !
Jules de dire d’un air totalement convaincu et comme si je n’avais rien compris de la vie :
– Julie c’est juste ma meilleure amie !
Là je me dis “ce qu’on peut avoir l’air bête quand on a 27 ans et qu’on ne comprend plus rien aux jeunes..”.

Je me sens vieux, je veux dire : je me sens VRAIMENT vieux. Et ridicule.

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Peut-être la Mort est-elle…

En cette fin de stage, je veux rendre hommage une nouvelle fois à notre douce Amélie : nous, les internes qui t’accompagnèrent à la fin, nous nous dispersons. Nous n’oublions pas : ni cette nuit blanche à t’attendre, ni les autres, toutes les autres, celles à faire la fête en étant un peu tristes et un peu amputés…
Ceux qui nous tiennent droits

Peut-être la Mort est-elle…

(L’anecdote c’est VOUS, l’écriture c’est moi ! Merci !
Pour participer à la réconciliation :
https://www.alorsvoila.com/contact)

Alors voilà Monsieur Atride.
Il me raconte comment sa vie a été maudite il y a longtemps.
Il ne sait pas ce qu’il a fait de mal, ni à qui il a fait du mal, mais il sait qu’un sceau terrible a été posé sur son existence.
Sa mère : cancer du col de l’utérus.
Sa femme : cancer du sein.
Sa fille : cancer des ovaires.
Les trois femmes de sa vie sont partis faire du poney multicolore à cause d’un petit crabe aveugle.
Il me parle de cette malédiction. De la tentation du grand vide aussi. Des soirées à regarder la nuit tomber et à se dire “si j’arrêtais là les frais…”.
Aujourd’hui, il va mieux.

Peut-on être maudit ?
Monsieur Atride : je vous prends dans des bras virtuels et je vous dis à l’oreille : peut-être, vous vous trompez. Peut-être que nous nous trompons tous. Peut-être la Mort…

Est une Dame polyglotte, élégante et spirituelle, un peu pâle, habillée en haute couture, qui s’approche de vous d’un pas solennel, vous délivrant un baiser pour vous soulager d’avoir été en vie et pour vous consoler de ce que cette vie a eu de douloureux.
Et si la mort était une dame qui ouvrait la voie ?
Je ne parle pas de Dieu, du paradis, des petits oiseaux, des rivières de miel et de lait, des vierges en bikinis Aubade, des papillons fluorescents et des anges asexués qui agitent des clochettes en chocolat… Ce n’est pas de ma compétence. Je ne parle pas de ça…
Je me permets juste une licence poétique : la Mort serait une belle dame en tailleur Chanel au teint de plâtre, qui vous embrasse et vous murmure :
– Allez viens, petit(e)… La vie est trop courte pour tout comprendre. Je suis là pour expliquer tout le reste.

Aujourd’hui, je me permets cette licence poétique, parce que nous aussi la mort nous fait un peu peur. Je veux dire : nous aussi la mort nous fait VRAIMENT un peu peur…
Nous sommes tous des enfants

(Dans le prochain post, le bon docteur O. revient et c’est… gratiné ! La bise à todos !)

L’homme qui connaissait bien sa femme.

(L’anecdote c’est B., l’écriture c’est moi. Merci ! Nota pour les internes/externes/soignants qui m’envoient leurs anecdotes :merci de participer à cette oeuvre collective de réconciliation… J’écris beaucoup et j’ai beaucoup d’anecdotes en réserve : ne vous étonnez pas si votre histoire n’est pas encore sortie, elle est dans les tuyaux !)
Pour participer, que vous soyez soignants ou soignés :
https://www.alorsvoila.com/contact

Alors voilà le patient “poly-pourri”. Aucun jugement de valeur. Juste un terme entre nous pour désigner une situation qui peut faire “BOUM”. Il cumule : hypertension, insuffisance cardiaque et respiratoire, diabète, insuffisance rénale, polynévrite etc…
Ce patient, c’est un champ de mine. On le touche du doigt, tout pète !
Le souci principal ? Son incurie. Il vit dans un état d’hygiène déplorable.
– La douche ? Une fois par mois ça suffit.
– Vous avez quand même une incontinence urinaire… Comment faites-vous quand vous vous souillez ?
Haussement d’épaules.
– Le pipi, c’est que de l’eau jaune.
Il a de grosses plaques rouges sur tout le corps. Sur ses deux jambes, des ulcères gros comme le poing. Quand il fait dépasser ses pieds du brancard, une petite flaque se forme sur le carrelage blanc des urgences.
Le patient suinte. Des sérosités limpides. B. a de la chance, ça aurait pu être du pus. Le patient est une fontaine Wallace avec des pansements.
B., petit garçon, qui ne veut pas le laisser rentrer seul à la maison :
– Avez-vous quelqu’un dans votre vie ?
– Oui, mon épouse. Mais elle n’est pas comme moi.
– C’est à dire ?
Réponse authentique du patient :
– Elle ? Elle est propre.

J’aime la lucidité de certains patients, je veux dire : j’aime vraiment la lucidité de certains patients.

Un combat invisible.

(Pour M., qui se reconnaitra !)

Alors voila 12 heures de garde avec M., nouvelle externe, inconnue au bataillon, deux ans plus jeune que moi. En 12 heures, j’observe sa manière de faire, assez épaté par sa douceur, son savoir-faire.
Elle examine les gens, pose ses mains avec dextérité, sait quoi regarder, où chercher, toujours avec d’infinies précautions.

Elle traite les patients tel un collectionneur ses porcelaines.
On échange deux/trois mots. M. a un petit accent charmant… Je réfléchis : “Italienne ? Roumaine ? Espagnole ?”.
Le programme Erasmus a du bon : depuis sa création 1 million d’enfants sont nés grâce aux couples que cela a formé. Loin de moi l’idée de vouloir un bébé mais, à l’époque, je me souviens m’être dit que j’essaierais bien deux/trois fois avec elle (oui, oui on est tous pareils…).

12 heures passent.

Elle : “J’ai apprécié travailler avec toi mais tu parles trop vite pour que je comprenne”.
– De quel pays viens-tu ?
– Je suis française.
Je me sens con, je dis :
– Mais, tu as ce petit accent…
Elle me sourit (ironie ? fierté incommensurable ?) et dit trois mots :
– Je suis sourde.
Elle soulève ses cheveux, montre son appareillage, avant d’ajouter :
– Et tu parles beaucoup trop vite pour que je lise sur tes lèvres correctement.

Il n’y a pas de handicap qui ne puisse pas être battu, je veux dire : il n’y a VRAIMENT pas de handicap qui ne puisse être battu.

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Ceux qui gardent au monde.

Nota : merci pour vos témoignages. Je les lis et j’apprends ce qui cloche entre nous, parfois je ris, parfois je suis catastrophé. On a encore beaucoup de boulot pour arranger les choses, vous et nous. Il va falloir retrousser nos manches. C’est pas grave, on a le temps ! Non ?

Nota 2 : aveu d’échec… On me demande plus d’anecdotes drôles. Je fais du mieux que je peux, je vous assure, mais l’hôpital est un théâtre tragi-comique où le tragique l’emporte trop souvent. Promis, je fais du mieux que je peux…

Prenez soin de vous, P&H
B.

Ceux qui gardent au monde.

(À tous les services d’urgences, de cette galaxie et des autres.)

Alors voilà il y a six mois commençait mon stage aux urgences. Je voudrais vous parler des hommes et des femmes que j’ai rencontrés là-bas.

Le souci ? Il y a trop à dire et je ne sais par où commencer ? [ Bibi rentre en lui et se concentre, comme le lait… ]

Donc : par où commencer ?

Par la fin, évidemment !

Un jour, Bibi sera vieux. Un jour il fera dans des couches. Pipi, caca. Il tombera malade. J’aimerais qu’on m’emmène dans un endroit comme celui où j’ai rencontré ces hommes et ces femmes. Ils me garderont au monde.

Passons au milieu : Un jour, Bibi aura un gros pépin. Accident de voiture, entorse grave de la cheville, brûlure au troisième degré au cours d’une chandeleur qui aura mal tourné (c’est dangereux les crêpes flambées au rhum), un jour j’aurai peut-être une bombe qui fait tic-tac dans l’estomac (ne riez pas : c’est arrivé dans un épisode de Grey’s Anatomy !). J’aimerais qu’on m’emmène dans un endroit comme celui où j’ai rencontré ces hommes et ces femmes. Ils me garderont au monde.

Remontons au début : Un jour, Bibi a été un fœtus dans un ventre qui se contracte. Il a été un fœtus dans une poche qui s’est ouverte pour vider ses eaux sur le monde comme tous les fils des hommes avant lui. Je suis content qu’on ait emmené ma mère dans un endroit comme celui où j’ai rencontré ces hommes et ces femmes. Ils m’ont mis au monde.

Le diamètre de l’univers observable fait environ 90 milliards d’années lumières. Dire que la Terre est seule, perdue comme une molécule d’eau dans un océan infini est en réalité loin en dessous de la réalité. Nous sommes moins que rien dans une immensité froide. Sur ce rien, il y a des Femmes et des Hommes, un peu partout sur Terre, qui ne dorment pas et vous attendent pour vous soigner. Ça compte. C’est important. Ce rien d’humanité qui ne dort pas dans l’immensité froide, c’est beau.

Continuez les filles. Continuez les gars. Vous êtes là. Toute l’année. Tous les jours. Toutes les nuits.

Vous veillez. Vous “prenez soin”.

Vous êtes ceux qui gardent au monde.

(On continue bien sûr ! On se retrouve cette semaine…)
http://urgences32.canalblog.com/

Le B. c’est pour Benetton. Of curse !

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Le B. c’est pour Benetton. Of curse !

Alors voilà Mélanie, 11 ans, vient pour une entorse bénigne de la cheville. Sa famille est là.
On plaisante, ils me trouvent sympa, je les trouve sympas. Tout le monde se trouve sympa. Il manque juste un peu de Champomy et la fête sera plus folle. L’infirmier m’apporte le téléphone : j’ai vu un vieil homme plus tôt dans la matinée. À l’autre bout du fil, c’est sa famille d’accueil (ils ont en garde le vieil homme et ils sont rémunérés pour en prendre soin).
La famille me pourrit car papi reste hospitalisé. Ils sont agressifs. Je retrousse les babines et montre les dents au combiné :
– Avez-vous vu l’état de ses pieds ? Quand j’ai enlevé ses chaussettes un ongle de la taille d’une griffe de velociraptor est tombé. J’aurais pu éplucher des patates avec cet ongle. Vous auriez nettoyé ses pieds plus souvent, sa jambe ne se serait pas infectée et il ne serait pas hospitalisé. CQFD. Salut !
Je raccroche en jurant en espagnol. Oui, BiBi est citoyen du monde : il parle français, jure en espagnol, fait le ménage en japonais, prie en Hindi, et fait l’amour en italien (ou en allemand, cela dépend de l’ambiance).
En fait, le B. de Baptiste, c’est pour Benetton.
Je me retourne vers la famille : ils me trouvaient sympas… maintenant, après m’avoir vu sortir les griffes, ils me craignent un peu. Je détends l’atmosphère, j’ouvre grand les bras et je souris à m’en faire péter l’articulation temporo-mandibulaire :
– À la radiographie on voit que Mélanie aura des pieds immenses. Elle sera aussi grande que son père. Peut-être même plus grande encore ! Mettez-là au basket !

Je pensais annoncer une bonne nouvelle. La gamine me regarde et, comme si j’étais Dieu le père qui venait d’orienter définitivement la courbe de son destin, elle me dit :
– Mais, moi, je voulais devenir jockey !
Là, je reste interdit, je suis tombé sur la seule gamine de 11 ans qui rêve de devenir jockey. J’essaie de penser à 1 000 km/h pour savoir quoi lui répondre.

– Tu seras jockey. Of course. Avec un cheval. Of course. Un cheval très-très grand.

J’aime bien réfléchir à 1 000 km/h. Je veux dire : j’aime VRAIMENT réfléchir à 1 000 km/h.
Je réfléchis en anglais.
Of course.

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Se cramer au boulot

Un million de visiteurs ! Merci à tous !
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(L’histoire c’est VOUS, l’écriture c’est moi. Merci Gentille Maman !)

Alors voilà Gentille Maman qui va chez le médecin. Gentille maman amène ses deux enfants de trois et sept ans.
Salle d’attente pleine. Le médecin a deux heures de retard. On occupe les enfants comme on peut, ils ont peur : le médecin c’est celui qui fait les vaccins.
La porte s’ouvre :
– C’est à vous M. Tatillon, annonce le docteur.
M. Tatillon se lève, passe devant Gentille Maman et au moment d’entrer dans le cabinet lance au médecin :
– Vous avez quand même deux heures de retard.
Moment de flottement.
Le médecin indique la porte d’entrée :
– Sortez !
– Pardon ?
– J’ai dit sortez ! Je vous vire.
Et le médecin de se tourner vers l’ensemble de la salle d’attente :
– En fait, sortez tous. Barrez-vous. Je ne veux plus vous voir. Aucun d’entre vous. Vous me faites tous chier. Je n’en peux plus. Cassez-vous de mon cabinet…
Nouveau moment de flottement. Personne ne bouge. Le médecin de hurler :
– Vous êtes SOURDS ? J’ai dit BARREZ-VOUS TOUS ! BARREZ-VOUS ! VITE ! DEHORS ! TOUS !
Gentille Maman prend ses enfants sous le bras et s’enfuit.
Elle m’écrit :
“Je n’y suis pas retournée”.
Je comprends Gentille Maman, je n’y serais pas retourné non plus.

Les soignants aussi tombent malades. Parfois ils se crament au boulot.

Mais qui soigne les soignants ?

Je n’aime pas quand un confrère fait un burn-out, je veux dire : je n’aime VRAIMENT pas quand un confrère fait un burn-out…

“Être heureux est un travail à plein temps”
Pierre Perret.

“Vous avez quand même deux heures de retard”
M. Tatillon.

(La prochaine fois je vous fais rire !)

Une bonne nouvelle : l’Ève-angile selon Ève.

(L’histoire c’est L., l’écriture c’est moi. Juste merci !)

Alors voilà L. qui reçoit la jeune Ève, 14 ans, aux Urgences. Douleurs abdominales.
Elle n’est pas venue seule. Il y a sa mère, son père, ses cinq frères et ses deux sœurs. Il y a aussi son oncle et deux tantes.
Heureusement, seule Ève consulte.
L. fait sortir la petite troupe et examine Ève.
Sachant que Ève a :
– mal au ventre,
– des nausées,
– la poitrine sensible,
vous pensez à quoi ?
Petit indice diagnostique : c’est comme une gastro qui dure neuf mois et ça fait “ouin-ouin”…
L. est mortifiée : comment l’annoncer en catimini à Ève, sa famille pléthorique juste à coté. Ça va faire du grabuge.

Elle s’approche avec une discrétion de violette, lui annonce le résultat.

La jeune fille se jette à son cou :
– On attendait ça depuis tellement longtemps !
Elle appelle sa famille, on fait cercle autour de L., tout le monde la remercie (de quoi ?), lui fait des accolades en chantant, on lit son prénom sur la blouse, on promet d’appeler le bébé L. si c’est une fille, on va vite chercher des gâteaux à l’épicerie du coin… Tourbillon de vie, débordement de joie autour de la future mère.
À priori, c’est VRAIMENT une bonne nouvelle.

L. :
“Même moi je me suis laissée prendre : j’ai jamais été aussi heureuse d’apprendre qu’une gamine de 14 ans allait avoir un bébé.”

« Quel était votre visage avant la naissance de vos parents ? »
Koan zen

Je ne sais pas quel était mon visage avant la naissance de mes parents, mais le mien depuis que j’ai créé ce blog est souriant. Bientôt le million de visiteurs. Je voudrais vous dire tout simplement merci et m’excuser VRAIMENT de ne pas pouvoir répondre à vos courriers. J’ai le boulot aux urgences, le blog, la thèse, le livre, et surtout, surtout, j’aime sortir tard faire la fête. Si je vous néglige c’est parce que je suis en train de danser quelque part, en faisant de grands gestes bizarres qui font rire mes amis. Chacun ses méthodes pour oublier l’hôpital. Tout ça pour dire que j’entame maintenant la deuxième partie de ce blog. Pour se réconcilier, il faut dialoguer. La première partie, je n’ai fait que parler. J’ai donné la parole aux soignants. J’aimerais maintenant que vous mettiez vos histoires sur la table. Belle ou triste, coup de gueule ou cri de révolte… Pour réconcilier il faut parler et tout se dire. Vous m’envoyez un courrier où vous racontez votre histoire. Je pourrai écrire : “l’anecdote, c’est vous, l’écriture c’est moi”… ou pas : je ne publierai pas d’anecdotes de contributeurs anonymes (question d’authenticité des faits à respecter) mais je connaitrai mieux ce qui cloche dans nos rapports et je pourrai en parler par le blog qui est lu par des soignants et des soignés…
Et pour finir, les fans de la première heure comprendront : parenthèses entre parenthèses, ((((( je vous aime et vous me rendez heureux )))).

N.B. : pour ceux qui me demandent absolument une photo : elle est sur le blog depuis le début, dans une anecdote, il suffit de bien chercher !!! (Et j’offre un milliard d’euros à qui la trouve !)

N.B. : on m’a dit l’autre jour que c’était mon blog et que j’en faisais ce que je voulais. C’est très juste, alors j’use de cette prérogative pour embrasser mes parents et les remercier d’être au monde. Take care !

Garder, emmêler, démêler, aimer, veiller. Aimer.

(L’anecdote c’est Isa, l’écriture c’est moi. Juste merci.)

Alors voilà le lieutenant M. qui est hospitalisé pour une leucémie.
À 45 ans.
Son bataillon vient lui rendre visite 1 fois par semaine. Le lieutenant L. tous les jours.
Ils ont fait tous les deux une guerre dans un pays exotique dont Isa ne se souvient plus. Peu importe : c’était loin, il faisait chaud, c’était la guerre. Ils se sont rencontrés là-bas, c’était il y a 25 ans, ils venaient d’intégrer l’armée.
Lieutenant M. a sauvé la vie du lieutenant L.
Là aussi, Isa ne se souvient plus : il y a des milliers de façons de sauver la vie de quelqu’un pendant un conflit, au moins autant de façons que de la prendre.
Lieutenant L. vient donc tous les jours :
– Pensez-vous qu’il y a encore une chance ?
Ou :
– Est-ce qu’il n’y a pas des traitements expérimentaux à essayer ?
Ou :
– Pourriez-vous lui apporter une couverture supplémentaire ?
Le lieutenant L. est là : il monte la garde et veille.
Garder.
Veiller.
Un jour, Isa entre sans frapper.
Lieutenant M. et lieutenant L. se tiennent la main.
Les mains de M. et L. emmêlées se démêlent.
Emmêler. Démêler. Aimer.
Isa ressort.

Il y a la guerre et ceux qui la font. Et puis il y a de l’amour. Parfois inattendu. Parfois interdit. Mais de l’amour, oui, de l’amour en toutes choses.
Garder, emmêler, démêler, aimer, veiller. Aimer.
Aimer.
Vraiment.

(Les illustrations sont trouvées sur les réseaux sociaux où elles sont libres de droit ce qui n’est pas le cas sur CenterBlog. Si vous connaissez les artistes, on veut bien connaître leurs noms et l’afficher ! Redde Caesari quae sunt Caesaris)

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Le secret de pourquoi les médecins sont pessimistes.

(L’histoire c’est O. interne déjà rencontré dans le post ci-dessous. L’écriture c’est moi. Merci vieux frère !)
Les pieds où il ne faut pas

Alors voilà O., 25 ans, tout jeune interne en cardiologie. O. est une personne fraîche : toujours enthousiaste, toujours à voir le bon côté des choses.
En un mot : optimiste. En deux mots : très optimiste.
Il reçoit une patiente de 82 ans aux urgences. À priori rien de grave. La patiente est “stable”, pas inquiétante.
La famille demande le pronostic à O.
Mauvaise pioche.
O. répond tel qu’il est en lui-même : avec enthousiasme et optimisme. Il est rassurant (trop ?) mais il est jeune, il apprend son métier et s’apprête à recevoir une leçon magistrale : il arrive cette série de petits événements mystérieux et imprévisibles qui font qu’une personne s’efface du monde en l’espace d’un seul jour et d’une seule nuit, tel l’Atlantide.
Chaque être humain est une île qui mérite le voyage. L’île “Mamie” est submergée.
La famille envoie une lettre, promet un procès à O. Non parce qu’il a mal fait le job, mais parce qu’il a promis la guérison là où la mort est survenue.

Nos patients nous changent. Surtout ceux qui meurent.
Aujourd’hui, O. est nettement moins enthousiaste et optimiste mais plus blasé et plus cynique.
La leçon à retenir ?
Toujours être pessimiste : si cela se passe mal, les familles nous remercient de les avoir préparées au pire. Si cela se passe bien, la famille nous remercie d’avoir sorti le patient d’une situation dramatique et VRAIMENT très grave.

“En l’espace d’un seul jour et d’une seule nuit funeste, l’île d’Atlantide fut engloutie sous l’eau et disparut”
Platon, Timée. 

“En l’espace d’un seul jour et d’une seule nuit funeste, l’île Mamie fut engloutie et l’enthousiasme d’O. disparut. ”
B.

La phrase exacte de O. à la famille la veille de sa mort :
“Quand on voit votre grand-mère, on se dit que la doyenne de l’humanité a du souci à se faire !”

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