La dame qui voyait ses morts.

L’histoire c’est B., l’écriture, c’est moi. Merci !
Pour raconter votre histoire si vous êtes patient :
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Alors voila Mme U., 56 ans. Elle consulte sous la pression de son mari.
On est le 26 mai.
Elle :
– Non, non je vous assure tout va bien, je ne sais pas pourquoi mon mari m’envoie. Il ne s’est rien passé, n’en parlons plus.
Son époux n’est pas du même avis : l’autre jour, il l’a surprise devant la télé en train de manger des pistaches et de parler à ses parents.
Le Hic ? Il était 2 heures du matin, le bol de pistaches était vide et ses parents sont morts quand elle avait 16 ans.
– J’ai eu un petit moment d’égarement, c’est tout. Je ne les vois plus.
Le mari secoue la tête. Hier soir, encore, elle était en pleine discussion avec sa mère décédée et s’adressait, assise dans le salon, à un canapé vide.
On est le 26 mai.
Batterie d’examens, confirmation diagnostic. Pour B., le nom d’une maladie qu’on n’oublie plus jamais, le nom que toute notre génération a entendu rabâché par les médias, sans vraiment croire que cette maladie existe.
Image bovine d’une tache blanche maculée de tache noire qui flagelle sur ses jambes avant de s’écrouler sur le côté.
On est le 26 août, fin du stage de B., Mme U. s’en va faire du poney multicolore.
26 mai —> 26 août : trois mois de calvaire.
Mme U., 56 ans, la maladie qui a terrorisé toute une génération, la maladie qui existe VRAIMENT : Creutzfeld Jacob.
La maladie de la vache folle.
Un nom bien inapproprié pour une dame qui prenait l’apéro avec les fantômes de son enfance.

Les enfants sont les symptômes des parents.
Françoise Dolto

Parfois l’inverse est vrai aussi.
BB

43 réflexions sur « La dame qui voyait ses morts. »

  1. Elemm

    En effet, cette maladie existe bel et bien… Et malheureusement il semblerait que selon les formes et au vu du temps d’incubation, on risque d’en voir encore beaucoup ces prochaines années. J’en ai connu 5 en 3 ans et demi de métier, ce qui fait quand-même…. froid dans le dos.
    Une pensée émue pour la fille et la petite-fille de Mr C., décédé dans mon service moins de 6 mois après les premiers signes.

    Et puis, merci aux soignants qui rendent un peu de douceur et d’humanité à ces quelques mois d’une violence inouïe.
    Bon ben… C’était pas marrant aujourd’hui….

  2. fanny

    Ma grand mère en est décédée il y a 6 mois. Une maladie que je croyais rarissime mais qui, au final, ne l’est pas tant que ça. Quelle rapidité, quelle déchéance. Et quelle souffrance pour le malade et son entourage! Merci de rappeler que cette maladie existe toujours. Désormais un épée de Damoclès trône au dessus de nos têtes dans notre famille, génétique ou pas nous ne le saurons pas.

  3. Nuts

    Pardon pour la légèreté de mon commentaire par rapport au sérieux et a la gravité de cette article mais
    “ouf il n’a pas encore trouvé de vol pour la Moldavie!”

  4. gaelle

    Mon cousin est décédé de cette saloperie il venait de finir ses études d’ingénieur mais lui ce n’était pas un simple hasard de la vie , c’était les fameuses hormones… Nous sommes tous marqués à vie par des années d’espoir que peut être il ne serait pas atteint et puis non après il s’est battu pendant 18 mois!

  5. P.

    C’est tout triste… Mais comme d’habitude, si joliment présenté… Rien que le nom de la maladie il fait peur (et il est imprononçable et super dur à écrire en plus), c’est comme Alzheimer à croire que les gens qui donnent des noms au maladie ils en choisissent un qui vous prévient d’avance que ça va pas être drôle !

    C’est pour compenser le soleil retrouvé que tu nous mets des histoires noires B. ?? :p

      1. P.

        Haha, la morosité n’est pas de mise dans mon monde de bisounours, je la combats sur mon poney volant avec des arc-en-ciels et des papillons (oui je suis culculgnangnan aujourd’hui ! C’est le soleil :D)

  6. Grand33

    Bonjour Bibi,
    Et oui c’est bien une sale maladie, avec des origines trés méconnues, pas facile pour les soignants d’apporter de vraies solutions aux soignés.
    Aujourd’hui le soleil est là, il compense un peu la tristesse que ce post a généré chez certains.
    Juste pour être plus léger et si j’avais été un bon catho j’aurai pu dire : “prion”
    la bises

  7. Cmoi

    Ouahhhhh Baptiste tu me surprends ((((mais en fait c’est normal, tu me surprendra toujours ……en bien s’il fallait le dire)))) mais je ne tai jamais vu “”user” de ton droit de réponse aussi souvent, c’est super tu lis vraiment tous les commentaires.
    Pour ce qui est de Mme U je me doute pas de ce qu’elle a enduré, 20 ans d’expériences( REA MED BX) je ne suis occupée et j’ai accompagnée beaucoup de malades, mais ce qui fut le plus dur pour moi en tant que soignante c’était de soutenir les familles dans l’accompagnement de leur conjoints, de leur enfant,de leur parents et de voir la détresse et surtout la révolte devant cette sentence de mort annoncée.

  8. Laurie

    Mon oncle en est mort il y a trois semaines. Il aura tenu 10 jours après l’apparition des premiers signes.
    J’envoie toutes mes pensées et mon soutien à ceux qui en souffrent et à leurs proches (qui en souffrent tout autant).
    Et merci à vous d’en parler ici, c’est important.

    Bonne journée ensoleillée à tous (je suis sure que vous n’y êtes pas pour rien, pour le soleil !)

  9. marie

    Soyez prévenant ne manger plus de viandes ni de poissons si vous n’êtes pas certains qu’ils n’aient pas mangé de farines animales, nous sommes des apprentis sorciers, les protéines animales n’ont rien à faire dans la ration d’un herbivore, devenues « folles » d’avoir mangé les restes de leurs congénères, les poissons d’élevages ont eu leur épisode EST, on parlait de maladie du sommeil ; aujourd’hui les autorisations d’emplois de farines reviennent , on contrôle…… péché d’orgueil….et comme si nous étions amnésiques, alors que « l’épidémie » par voie alimentaire ne fait peut-être que commençait. Soyez VRAIMENT prévenant.

    1. Cath

      Reste la soupe de légumes, mais sans os à moelle ( os et moelle epinière, ainsi que viandes près des os, là réside le danger).
      Les fruits aussi, c’est bon, normalement.

      1. dom

        la moelle des os (qui fabrique les cellules sanguines donc les globules pour simplifier) n’est pas la moelle épinière (=système nerveux)

  10. Herve CRUCHANT

    @Marie. Marie a une conception très morale des choses. Elle qui voyageait à dos d’âne, si j’en crois les dernières nouvelles d’Orient.

    @C’est vrai que ces noms de chercheurs-trouveurs dorés sur tranche comme un salon élyséen çà fait bizarre, accolés à “maladie de” illustrés de tout le process. Je préfère la dialectique populaire : “il a chopé la vache folle” ou “il a pris le truc de Mamie Zinzin” accompagné d’un mouvement horizontal et circulaire de la main au niveau de la tempe. Çà n’enlève rien à personne, sinon à la sacralisation du hasard pervers de la machine qui s’enraille et vous dézingue.

    J’ai déjà dit, et le dirai encore rien que pour vous embêter (je suis d’un taquin, parfois), je hais la mort et la conchie. Par exemple, question dialectique populaire, on en rencontre de fameuse. “La mort finit toujours par gagner, de toutes façons”. Cette blague ! Quand o revient un peu après que les pleurs soient sèchés et les zamours reconstruites (çà, c’est l’enfumage, comme quand on va ouvrir une ruche), la mort ne veut plus de vous. Elle vous laisse en plan si c’est dans la terre et en l’air si vous êtes partis en cendres. C’est que c’est une monomaniaque, la mort. Une tartarinade! Elle ne vous connaît pas; pique au hasard; te vachefolle ici, te mamizinzénise là, enfin, sans discernement. La vie, elle, te connait. Et toi qui, approchant de la fin de potentiel n’a plus que quelques allers-retours à faire avant la casse, t’en redemande. Mais elle est pas si con, la vie! Tu lui as fait tellement d’embrouilles que c’est même pas la peine de détailler. Tu te regardes même plus dans ta glace que par habitude. Pour voir une tronche fanée, toute à l’envers, qui fait le museau en râlant contre la crème anti-âge de Fabre à septante cinq écus le pot ! La vie, elle te croit plus. Tu lui as fait cinq gosses dans le dos, tu as toujours jurécraché que t’allais te séparer de l’autre -des autres, excuses- que t’allais arrèter de boire, de jouer, de regarder le foot à la télé en buvant de la bière et en rotant, le tout avec tes copains, en fumant un joint Le Dernier… Enfin, pas la peine d’en rajouter.
    La vie, à force, elle en a marre. Tout le monde ne fait pas comme toi, c’est sur. Avec les sages, la vie, elle s’emmerde grave. “Elle te quittera un jour dans le parfum d’un autre; c’est écrit”… Alors la mort qui passe et se traine te ramasse. Une misère ! Pas de quoi pavoiser.
    Mon truc à moi en ce moment, pour pas me faire chier la vie (expression populaire bio-véritable, mettre “sic” pour la publication), je guette le ciel. Et compare avec les prévis météo faites par calculateur et servies par des polytechniciens depuis que météo-france a viré les vieux prévis de mon âge qui te disaient le temps en tâtant leur arthrose du genou droit, regardant la ligne bleue des Vosges et la couleur des yeux de Marinette, la voisine avenante à venir. déjà une source de félicité, cette comparaison là! Et puis en lisant le blogabibi et ses sauteries Hypocratiques. Du lourd. J’arrive toujours à trouver un sujet de dérision dans tout çà. J’ai beaucoup réfléchi (çà, c’est un artefact pour attirer l’attention; rien de solide là dedans!) et je crois que c’est une conséquence de notre architecture physique. Ne dit-on pas, quand nous avons une contrainte non voulue, que nous l’avons eu “dans le dos”? Çà m’arrive trop souvent, comme chacun de nous. Comment voulez-vous alors que je voie mes mors? c’est pas malin ! Non, c’est sur; doit y avoir aussi du cheval, la-dedans !

    1. Grand33

      @H. Ha le français quelle belle langue écrit comme cela.
      Quelquefois un peu compliqué : le petit cheval ne voit pas les mors, le petit cheval mord et le petit cheval est mort, merde ! ce soir c’est lasagnes ……

    2. P.

      Moi la Mort m’a toujours appris des choses, je me dis que c’est bien le moins que je doive aux gens que j’aime et qui m’ont quitté (les autres et moi, mais je suis égocentrique aujourd’hui), de ne jamais oublier ce à cause de quoi ils sont morts.
      De toute façon elle jalonne notre envie, autant en tiré des enseignements.

      PS: “conchier” est mon insulte préférée \o/

  11. Lemm

    Mais…
    la cause de la maladie était les viandes contaminées de notre enfance (je sais qu’il y a un long temps d’incubation) ? Ou il s’agissait d’une autre cause ?

  12. Herve CRUCHANT

    “c’était un p’tit cheval blanc, tous derrière tous derrière; c’était un petit cheval blanc, tous derrière et lui

    devant” (GB)

    Ma mort ne m’apprendra jamais à vivre; c’est aussi pour çà qu’elle m’est inutile. (Legâh Moimêm)

      1. Herve CRUCHANT

        @P. C’est la vie qui apprend quelque chose. Je n’ai encore jamais lu de communications de la mort. Mais des vivants souhaitant vivre mieux, oui.

        1. marie

          l’essentiel étant de vivre au mieux que l”on peut et se préparer à quitter le ring au mieux que l’on peut également….quand fauchés en plein élan par quelque maladie sans nom, apprendre à quitter la vie sans colère, savoir le confort de la sédation qu’on nous apportera qui nous libérera de l’outrage des maux absurdes qui délitent notre raisonnement.
          et bienheureux ceux qui savent qu’après on a droit à d’autre tour de manège parce que crotte… la vie est belle.

  13. nairolf

    Juste pour rassurer les inquiets. Les maladies à prion “classiques” (1 cas pour 1 million d’habitants/an à peu près je crois) ne sont pas liées à la viande contaminée (elles sont liées à pas de bol (appelé sporadique) et/ou à la génétique pas de bol là non plus pour plus de monde). Les forme liées à la viande contaminée (“nouveaux variants”) sont rarissimes et d’évolution beaucoup plus lente que les formes sporadiques.
    Les hallucinations/délire ne sont pas habituels à ma connaissance mais tout peut se voir. Ne pas s’inquiéter si mamie prend le thé avec ses grands-parents, on peut être âgé, gâteuse, et médium.
    Bises

    1. mimi

      tout à fait exact : mon papa en est mort il y a bientôt 15 ans (3 mois après les premiers symptômes), et le neurologue qui le suivait m’expliquait que pour différencier la forme “bovine” des formes sporadiques ou génétiques, il n’y a que l’autopsie (les prions ne s’agglutinent pas de la même façon). Les formes sporadiques et génétiques ayant toujours existé, ce n’est que le (réel) scandale de la “vache folle” qui a braqué les projecteurs sur cette maladie méconnue.
      L’image que ce spécialiste m’en a donnée, c’est que ça correspond à un Alzheimer “foudroyant” : chaque jour qui passe détériore votre cerveau et donc annihile les fonctionnalités que la partie atteinte commandait. Exemple, au tout début des symptômes “bizarres” (avant diagnostic) : du jour au lendemain, papa ne se rappelait plus être fumeur et n’a plus jamais touché à une cigarette ! très vite, de “bizarre”, c’est devenu “horrible” – pour les proches, j’entends. Lui même n’a pas connu de souffrance physique, et s’est très vite “éteint” pour mourir plutôt paisiblement, inconscient de son état.
      Mais comme toutes les maladies rares, pas de recherche, pas de traitement.
      Une pensée pour tous les patients atteints de maladies “rares”, qui préfèreraient sans doute avoir à choisir entre la peste et le choléra, parce que leur parcours est, pour le coup, VRAIMENT difficile…

  14. Cilou

    Ah c’est moche. Ceci dit, parfois je me demande ce que je serais prête à donner pour parler encore avec ma Mamie. Qq années de ma vie, certainement…

    1. doume

      ça n’est pas parce qu’elle est morte que tu ne peux pas lui parler … mon grand-père est mort il y a 21 ans, il y a des jours où je ressens encore le manque …
      Mais ce qui est chouette, c’est qu’avec un peu de chance, un jour nous serons toutes deux des grands-mères et alors là, on aura le même bonheur à l’envers 🙂

    2. Grand33

      moi c’est un peu comme doume, ma mémé est souvent là : Quand je cuisine avec son faitout (qu’elle tenait déjà de sa mère), quand je mange de la pizza et que je me dis “tiens elle est moins bonne que celle de mémé”, quand je vois une belle rose (elle les aimait tant), quand je suis triste, quand je pense que je serai un jour papi …… Tu vois elle est souvent avec moi.
      Je t’embrasse mémé.
      plein de ciloux Cilou

  15. Natacha

    Hello Mr B ^_^

    Je retiendrai l’expression “aller faire du poney multicolore” et j’espère m’en souvenir quand mon dernier tour de manège sera venu.

    Biz

  16. Margot

    “pour une dame qui prenait l’apéro avec les fantômes de son enfance”.
    Tu es un poète (et ça rime avec pouêt pouêt, pour ne pas trop se prendre au sérieux).
    Et la poésie, c’est cool!
    Alors merci!

  17. Maya

    Que peut-on encore manger aujourd’hui sans se poser de questions…? pas grand chose … Des graines ? Nous ne sommes pas des oiseaux … Perso , je ne mange pas de boeuf , non par peur de la maladie mais par choix et par goût. Quand on pense , comment sont nourris les animaux , bourrés aux antibiotiques , médicaments , fortifiants et farines animales , bon appétit …!! Cela dit , lorsque la grande faucheuse dois passer , elle passe , et rien ni personne ne peut l’arrêter , pas même vous , les Gardiens de la terre… Vous pouvez juste la faire patienter un peu, ralentir l’échéance … Soulager les malades… Les aider à partir plus sereinement … Ce qui est déjà grandiose et énorme… !! Du domaine du Miracle…. Merci et bonne journée à toi , Lion , gardien de l’humanité…

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