Archives de l’auteur : Baptiste Beaulieu

Les deux frères.

Alors voila Mr. P., 72 ans, algérien, libraire, plus ridé que Jeanne Moreau, qui vient pour une large plaie du bras. Suturer nous laisse le temps de discuter. Il roule les “r”, me tutoie.

– Il faut lire “Corps et Âme” de Conroy. On n’a jamais rien écrit de plus beau sur l’Homme et la musique.

Moi, du tac-au-tac :

– Alors il vous faut lire “Cent ans de Solitude” de Garcia Marquez. On n’a jamais rien écrit de plus beau tout court. Jamais.
(Je suis toujours très nuancé et mesuré, jamais excessif).

On parle religion. Il ne pratique plus : “ce n’est pas parce que je suis mécréant, c’est parce que j’aime trop Dieu pour l’enfermer dans le dogmatisme étriqué des Hommes.”
Il a tout compris le papi.

Il est effondré par le conflit israélo-palestinien :

– Sais-tu qu’Abraham a eu deux fils : Ismaël, qui donna les premières tribus d’Egypte, et Isaac, qui donna le peuple hébreu. C’est une guerre entre frères, Romulus et Remus au XXIème siècle. Ceintures d’explosifs et grenades remplacent le glaive. Le sais-tu ?

Oui, Mr P., je sais. Mais il est bon, parfois, de le rappeler à la mémoire de tous.

Il s’en va et devra lire “Cent ans de solitude”. Moi, je filerai chercher “Corps et Âme” après ma garde : il y a pire comme devoir à la maison. Très peu de chances qu’on se revoie un jour, lui et moi, c’est sûr, mais nous lirons ces livres. Et nous penserons à Isaac et Ismael, main dans la main, autour d’un bon feu, discutant bouquin en partageant un bon repas halal et casher.

J’aime les petites rencontres enrichissantes de notre métier, je veux dire : j’aime VRAIMENT les petites rencontres enrichissantes de notre métier.

“Mais avant d’arriver au vers final, il avait déjà compris qu’il ne sortirait jamais de cette chambre, car il était dit que la cité des miroirs (ou des mirages) serait rasée par le vent et bannie de la mémoire des hommes à l’instant où Aureliano Babilonia achèverait de déchiffrer les parchemins, et que tout ce qui y était écrit demeurait depuis toujours et resterait à jamais irrépétible, car aux lignées condamnées à cent ans de solitude, il n’était pas donné sur terre de seconde chance.”

G.Garcia Marquez, Cent ans de Solitude

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Plutôt Charlotte aux fraises ou madeleine ?

Bonne Année à tous, je veux dire : je vous souhaite VRAIMENT une bonne année !

(Anecdote racontée par I., l’écriture c’est moi, juste merci !)

Alors voila I. interne IMG, qui prend sa petite voiturette de bon matin et va à l’hôpital. C’est tôt, c’est brumeux, un peu froid, y a quelque chose de mystérieux dans l’air. Au bord de la route : un homme. Grand, maigre, survêtement bleu et sac de sport très lourd dans les bras.

I. s’arrête :
– Vous allez où ?
– À l’hôpital.
– Le hasard fait bien les choses ! Allez-y montez, je vous emmène…

Ils parlent tranquilou dans la voiture. Le trajet n’est pas long. L’hôpital se profile, l’autostoppeur de dire :
– Ah ! Cet hôpital ? Je parlais de l’autre, du spécialisé…
(Si tu changes beaucoup de lettres à “spécialisé” tu obtiens “hôpital psychiatrique où les portes sont fermées à clef et où on a très très peur d’entrer et très très peur que ce qu’il y a dedans sorte”).

Elle le laisse aux urgences où il se présente :
– Bonjour je m’appelle Mr T., je voudrais être hospitalisé en psychiatrie car j’ai peur de tuer quelqu’un.

Dans son sac de sport : des fourchettes, des couteaux, une louche, bref, toute une batterie de cuisine avec laquelle on peut, au choix, préparer une charlotte aux fraises ou tuer quelqu’un.

La morale de cette histoire ?

On peut prendre les gens en stop mais à condition d’être quinze dans la voiture, d’avoir de la farine, des œufs, des fraises et que l’autostoppeur (autostoppeuse c’est encore mieux) soit nain OU cul-de-jatte OU manchot ou, VRAIMENT mieux, qu’elle soit naine ET cul-de-jatte ET manchotte (et pour peu qu’elle soit AUSSI bossue alors c’est que vous vous êtes trompé : ce n’est pas une auto-stoppeuse, c’est une madeleine).

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Un choix de vie (?)

(L’anecdote c’est L., l’écriture c’est moi. Juste merci !)

Alors voila Mme P., 42 ans, 1m59, 296 kg, détresse respiratoire. L’habitacle du VSAV est trop petit, on l’emmène en bétaillère.

À l’hôpital, elle ne parle pas, veut juste manger/regarder la TV. Son mari, petit homme fluet, lui apporte en cachette des bonbons et des plaquettes de beurre qu’elle suçote comme des esquimaux.
La psychiatre est catégorique : aucune maladie mentale. Pas même une dépression. Mme P. est très heureuse : elle mange son beurre/regarde la TV.

L., l’interne, est effarée : au petit déjeuner ce sont 2 saladiers de mueslis + 2 baguettes de pain, à midi 2 poulets entiers (la moelle des os aussi). Le matin : 4 aides soignantes la nettoient. Pendant 2 heures…
Son corps est si imposant ! Elle pourrait tomber des deux cotés du lit en MÊME TEMPS.

L. lui parle santé, diététique, diabète : Mme P. la remercie, lui demande de s’écarter car “je ne vois pas la TV quand vous vous tenez devant moi”.
L. est déstabilisée, elle nous en parle, elle ne comprend pas.
Y-a-t-il à comprendre quoi que ce soit ?

C’est un choix de vie. On le fait tous : être cancérologue, avocat fiscaliste, expert comptable, danseur au grand opéra de Rome…
On fait des choix.
Mme P. a choisi : elle sera mythologique, de ces déesses préhistoriques-là, obèses et callipyges, qui ornent les murs de nos grottes et les vitrines de nos musées.
D’organique, elle a fait le choix de redevenir minéral.

L’Homme est un grand mystère pour l’Homme, je veux dire : l’Homme est VRAIMENT un grand mystère pour l’Homme.

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Le miracle de Noël. (Partie II : la FIN)

(Suite de l’anecdote précédente)

Moi, un peu honteux, de répondre :
– Pas du tout madame, et puis il y a des choses plus graves que d’arriver en retard au repas de Noël.
(Phrase maladroite et j’aurais mieux fait de me fouetter avec une pelle que de la dire car :
– elle a un cancer qui lui bouffe le lobe frontal;
– elle va passer Noël toute seule dans une chambre d’hôpital.
Effectivement, il y a “des choses plus graves”…)

Elle me sourit, me remercie de ma gentillesse (???), je lui explique où elle va, lui caresse la joue, et sans trop savoir pourquoi (Noël ? hypoglycémie ? besoin irrépressible d’un peu de chaleur humaine ?) je l’embrasse sur le front, juste au dessus de son méningiome, en lui souhaitant un agréable Noël. Ça l’a fait sourire jusqu’aux oreilles.

Le surlendemain, en arrivant, j’apprends qu’elle a guéri subitement de son méningiome et qu’il n’y a plus une trace détectable de tumeur. Elle remarche et semble 20 ans plus jeune. Sa famille est venue la récupérer et la ramener à la maison en s’excusant de leur manque de compassion et d’amour.

Vous y avez cru ? Vraiment ? Moi, je me suis vraiment imaginé cette fin là quand j’étais en train de manger le foie gras et les treize desserts.

Elle est morte le lendemain matin. On n’est pas à la TV, il n’y a pas d’angelots sur les rebords de toits enneigés et (ATTENTION révélation) le père Noël n’existe pas. Désolé. Même si j’aurais adoré cette première version de l’histoire, j’ai jamais vu de miracle. Il n’y a pas de chute drôle ou spectaculaire à cette consultation, juste une femme qui meurt, un cancer, un petit con qui regarde sa montre et embrasse un vieux front ridé sans trop savoir pourquoi.
Cette année, Noël n’a servi à rien.

Je ne comprends pas ce que cela signifie, je veux dire : je ne comprends VRAIMENT pas ce que cela signifie…

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Le miracle de Noël. (Partie I)

(J’ai vraiment hésité à raconter cette anecdote, je me suis dit “les gens vont penser que je pipeaute, c’est trop… étrange”)

Alors voilà le soir de Noël, 19h30, de garde jusqu’à 20h, puis une heure de route pour retrouver toute la famille. Je prie pour que le SAMU ne soit pas appelé. L’alarme sonne : le SAMU est appelé. Je me décompose, l’équipe jour aussi (tous pressés de rentrer). C’est une blague des régulateurs. Moi, qui suis plutôt très drôle, je n’ai aucun humour le soir de Noël quand il s’agit de retrouver ma famille pour :
– m’engueuler avec ma mère,
– me réconcilier avec ma mère,
– rire avec la grand-mère (qui nous parlera de la guerre et de comment elle “n’avait droit qu’à une orange pour Noël”),
– manger les treize desserts préparés par mes sœurs,
– ouvrir les cadeaux (petit garçon un jour, petit garçon toujours…).

J’ai le temps de voir une femme, 74 ans, méningiome frontal depuis 14 ans, en soins palliatifs, hospitalisée pour convulsions. Je lui trouve une place en neuro (le neurologue : “ne compte pas trop sur sa famille, ils s’en débarrassent à la moindre occasion et m’étonnerait pas qu’elle n’ait pas convulsé mais qu’ils aient eu besoin de sa chambre pour loger des amis”… ambiance…), je prépare les prescriptions tout en guettant le tic-tac de l’horloge. Elle surprend mon regard :
– Je vous fais passer un bien mauvais Noël. Vous êtes pressé de rentrer. Je suis désolée.
Moi, un peu honteux, de répondre :

(La suite demain…. Je veux dire : la suite c’est VRAIMENT demain !)

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Sautons-lui sur le ventre en faisant Glou-Glou !

Anecdote racontée par C., l’écriture c’est moi ! Juste Merci !

Sautons-lui sur le ventre en faisant Glou-Glou !
(Désolé pour le titre, je me suis laissé emporter)

Alors voila Mr L. sans domicile, retrouvé dans la rue à 2h du matin, fin bourré, 3g d’alcool dans chaque orteil, une fièvre inquiétante et des douleurs pelviennes.
C. :
– On va vous faire un examen d’urine, prévenez quand vous avez envie.
Une heure après, toujours pas de pipi.
Mr G., voix tortillante du mec encore grisé :
– Ça veut toujours pas venir. Dis-moi Blondie, y aurait moyen de monter un peu le chauffage et de fermer la lumière ? Je me sens bien parti pour roupiller.
– 38C de température + mal là-où-vous-savez : je lâche pas l’affaire. Pas de pipi, pas de…(elle cherche)… pas de pipi. Voilà.
Une heure après, elle l’a dit donc elle le fait : Blondie ne lâche pas l’affaire.
– Ça vient ?
– Hé, on t’a jamais dit que tu avais un problème avec le pipi ?
Blondie, 4h du matin, prête à tout pour un échantillon d’urine :
– Hé ! On t’a jamais dit que tu avais un problème d’infection à la prostate ?
Mr G., mouché :
– Écoute Blondie, je demande qu’à te faire plaisir, mais quand ça veut pas ça veut pas. Tu sais ce qui activerait bien “l’urination” ?
Blondie, très pragmatique, de penser : “Monter la réhydratation à 11 L/24 h, 5 ou 6 g de diurétiques, m’asseoir sur ton ventre avec l’infirmière en faisant des bruits de lavabo pour que ça vienne…”
Mr G., encore plus pragmatique puisqu’il a le pragmatisme utile :
– Une bonne pinte de brune, Blondie, une bonne/grosse pinte de brune !

Blondie, 4h du matin, prête à tout pour un échantillon d’urine.
Mr G., 4h du matin, prêt à tout pour une bonne/grosse pinte de brune.

Vous n’imaginez pas les combats de titans qui se déroulent la nuit dans les hôpitaux pendant que vous dormez, je veux dire : vous n’imaginez VRAIMENT pas les combats de titans qui ont lieu la nuit dans les hôpitaux pendant que vous dormez.

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Tagada ! Tagada ! Merci Mamie pour le poney !

Tagada ! tagada ! Merci Mamie pour le poney !

(Histoire de T., l’écriture c’est moi ! Juste merci !)

Alors voilà la vieille Mme D. au fond de son lit d’hôpital. Autour d’elle : son fils et sa belle petite fille de 26 ans qui, détail non négligeable, adore l’équitation (qui n’aime pas ça ?).
T. jeune interne plutôt bien mis de sa personne examine Mme D., lui pose quelques questions, s’assure qu’elle se remet de son opération.

À l’hôpital, ce n’est pas parce que les gens meurent, souffrent ou que la nourriture est dégueulasse que la vie doit s’arrêter. Et même une fracture du col du fémur peut être une bonne occasion pour faire du poney.

Le soir, l’interne trouve une nouvelle demande d’ami sur FaceBook : c’est la petite fille de Mme D. Elle a lu son nom sur son badge et, détail non négligeable, elle adore l’équitation (c’est une redite, je sais, mais c’est important l’équitation, c’est bon pour la santé !).
Ils vont boire un café, parler de tout et de rien, du temps qu’il fait, du temps qui passe, du dernier film vu au ciné, de la dernière chanson à la radio, parler un peu de Mamie, de son kiné, de ses progrés, etc…

L’heure tourne, il la raccompagne au pied de son immeuble.

Elle le regarde, lui sourit, lui dit qu’elle adore l’équitation. Il la regarde, lui sourit, cela tombe bien, il adore monter.

VRAIMENT

Tagada ! Tagada ! Merci Mamie pour le poney !

(Les morales de cette histoire :
1- toujours avoir son badge sur soi,
2- Facebook a vraiment malmené les mots “amis”,”j’aime” et “commenter” en les vidant de toute substance signifiante. Mais on pardonne à Facebook : ce réseau a tant fait pour promouvoir l’équitation…)

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Le premier des “autres” que j’ai vu.

(Ou : pourquoi nos chefs sont des chefs… parce que là aussi vous vous posiez la question…)

Alors voilà Mr F., 61 ans.
Il consulte aux Urgences, à 23h, pour des hoquets intempestifs depuis six mois !
Le concours du plus grand mangeur de saucisses, la réunion des amateurs d’omelettes aux œufs de pingouin, la fête du slip… peu importe la raison, Mr F. n’a pas jugé bon de voir son généraliste plus tôt.

Moi, pensant à une blague que me joue le PDI*, j’expose le cas au chef avec une touche d’ironie.
– Il fume ? me répond-il très sérieusement.
– Environ 40 PA.
– Alors tu lui fais une radio, j’appelle la Pneumo pour lui réserver une place, lance-t-il en tirant une gueule qui semble dire : “Un bus de l’amicale des Hémophiles vient de se renverser sur la route ET l’Etablissement Français du Sang vient d’appeler pour dire que leurs stocks sont vides.”

Heu… j’ai raté quelque chose ?

À la radio : horrible Lâcher de Ballons (terme faussement festif pour dire que Mr F. est dans une merde noire).
S’il rote/hoquette/éructe, c’est parce que son diaphragme est enlacé par un crabe mortel qui fume des Havanes sans filtres en essaimant des petits partout.
Les morales de cette histoire ?
1- Même un cas foireux peut révéler une Urgence (parfois plus notariale que médicale),
2- Si les chefs sont chefs c’est bien parce qu’ils “en ont vu d’autres”.

Pour moi, ma liste des “autres” a commencé ce soir-là, avec le visage de Mr F. et de ses reflux intempestifs.

“Forgeron tu deviens en forgeant, oui, forgeron tu deviens en VRAIMENT forgeant”.
Maitre Yoda dans Star Wars épisode XXXIV.

PDI* : Petit Dieu des Internes

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Un peu de tragédie, de latin et de toucher vaginal.

Ambiance : trois coups du théâtre : Toc toc toc toc toc toc… Toc…Toc…Toc !

Alors voilà B. interne aux urgences gynécologiques. Il reçoit Mme H. 27 ans, qui vient pour des douleurs vaginales avec pertes malodorantes (cf le post : “Charlie et la chocolaterie” où tout est très bien expliqué de façon exhaustive : parce que c’est important les fluides, très important).

Donc les acteurs en présence : B., interne, et Mme H., patiente.

Ils ne le savent pas encore mais la tragédie est déjà en marche (fatum est accidenda accidunt).

Fin de garde, B. est fatigué, la patiente désagréable (“je n’aime pas les médecins, l’hôpital et vous vous êtes un peu jeune pour jouer au docteur”).
Arrive le moment fatidique : B. enfile le doigtier, il se souvient de la leçon du Professeur : “le secret d’un toucher vaginal TRÈS BIEN VÉCU par la patiente c’est de ne pas la quitter du regard”.

Bon élève, B. fait tout comme il faut : il tend son bras en arrière, attrape le pousse-pousse de lubrifiant, pousse en regardant la patiente. La patiente, aussi, le regarde. Ils pourraient presque jouer à une partie de “Tu me tiens-Je te tiens-Par le barbichette-Le premier qui rira aura une tapette”. Mais ça serait une situation bizarre alors ils n’y jouent pas.

En vérité, personne ne va rire car, là, acta fabula est, la messe est dite.

[

ce qui suit est trop douloureux pour être écrit, nous laissons donc un espace que le lecteur remplira avec son imagination quand il aura compris le drame qui vient de se nouer sous ses yeux.

]

Quod erat demonstrandum ?
La leçon que retiendra l’interne de cette consultation ?

– Écouter le professeur c’est BIEN, et même si on a fait comme Prof a dit et “qu’on n’a pas quitté la patiente des yeux” le fait de confondre le lubrifiant et le pousse-pousse de gel hydro-alcoolique, ça, par contre, c’est MAL.

La leçon que retiendra Mme H de cette consultation ?

– “Définitivement, je n’aime pas les médecins, l’hôpital, les gels hydro-alcooliques et je n’aime VRAIMENT pas les internes”.

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J’avais oublié la famille…

Alors voilà Mr. W., 83 ans, sur un banc dans un square, au soleil de 11h. Ça pousse vert sous la neige. C’est le printemps. Pas pour lui : une pointe au cœur, il se couche doucement sur le coté, une voisine appelle le 15.

Le chef masse, l’infirmier perfuse, je ballonne un visage aussi ridéqu’un pruneau. C’est beau une vieille tête, beau et lourd, c’est plein de souvenirs.

Je me dis : ” 83 ans, essayons. S’il meurt, il meurt… Ça devait être là, maintenant, dans ce square. Y a moyen d’être “moins concerné” que pour la gamine de l’autre nuit. Ça va aller, 83 ans… Y a moyen…”

Soudain, un hurlement : une dame se jette à la tête de Papi-Pruneau. Son peignoir, ses bigoudis, ses joues, tout est rose.
Y a moyen de rien : j’ai oublié la famille…
Parfois, les papis ont des filles.
Dame-BonBon se change en petite fille pleurant dans les bras de son papa. La mort a ce genre de pouvoir là.

Je ballonne, j’essaie de ne pas entendre ce qu’elle lui dit, nos épaules se touchent…
Je n’entends pas comment elle le supplie de ne pas la laisser, je n’entends pas qu’elle a peur du monde sans lui, qu’elle ne sait pas quoi faire, qu’elle l’aime, qu’elle est terrifiée par la vie sans lui, qu’elle ne sait pas COMMENT être seule sans son père.
Je n’entends que le ronron de ma main sur le ballon d’insufflation.
Un des bigoudis chute, la tension artérielle de Papi-Pruneau aussi.

Ça va encore me coûter cher en resto, en coups à boire et en billet d’avion pour le Tibet cette histoire là.

Ce soir, je n’oublierai pas d’appeler mon père, je veux dire : ce soir je n’oublierai VRAIMENT pas d’appeler mon père.

(J’avais bien envie de mettre une anecdote drôle, ou qui fait sourire, et puis je me suis dit : la distribution des cadeaux c’est demain et demain, justement, tout le monde ou presque sera en famille, alors dites-leur ce qu’on ne leur dit pas assez… et demain matin, c’est promis, c’est cadeau, je balance un post très drôle, je veux dire : VRAIMENT très drôle…)

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