Le sens des priorités.

Souvenir de l’externat

PS : j’annonce pour ce post, le moindre commentaire déplacé finira à la poubelle…
Bon week-end à tous et profitez !

Alors voilà la jeune femme qui vient d’accoucher, elle est en service de “suites de couches pathologiques” et je dois l’examiner.
Elle refuse : elle n’a pas son voile, je ne rentre pas dans la chambre tant qu’elle n’a pas son voile. Ou alors il faut que je sois une femme. Comme je n’ai pas prévu de me faire châtrer aujourd’hui, je préfère attendre dans le couloir, croisant les doigts pour qu’elle ne soit pas en train de se vider de son sang.
LE sage-femme (ou maïeuticien, quel beau mot que nous utilisons trop rarement !) ne peut pas rentrer non plus. Il n’a, lui non plus, pas prévu de devenir une femme.
On attend.
Je peste dans mon coin. Dans un hôpital public, ce comportement est intolérable. Il sexualise une relation soignant-soigné qui NE DOIT PAS être sexualisée. C’est mon avis.
Entre vous et nous il n’y a pas de sexe féminin, il n’y a pas de sexe masculin. Il y a des humains couchés et des humains debout chargés de les relever. On est là pour remettre les patients sur les rails de leurs vies.
Point barre.
Le reste n’a sa place que dans une église, une synagogue ou une mosquée.
J’en suis là de mes réflexions quand le compagnon arrive, fichu noir à la main, entre dans la chambre et ressort deux minutes plus tard :
– C’est bon, elle a son voile.
J’entre en me disant que le plus difficile -la déshabiller- reste à faire…
Erreur !
Effectivement, elle a son voile. D’ailleurs, elle n’a que cela. Elle est sur son lit, fichu noir autour des cheveux et… c’est tout. Les jambes grandes écartées, le soutien-gorge bien rangé dans le tiroir, elle est prête à être examinée.
Tout va bien, elle a son voile. Elle est nue mais voilée.

J’aime bien le sens des priorités de nos religions, je veux dire, j’aime VRAIMENT le sens des priorités de nos religions.

7 réflexions sur « Le sens des priorités. »

  1. Léo

    Nos patientes sont drôles. Moi aussi ça m’énerve les voiles. Je veux dire, j’aime beaucoup faire du bateau, mais sur une femme, j’ai toujours l’impression que c’est une prison. Pourtant, certaines sont des fashionistas du voile.

    Bref, en lisant ce post j’ai repensé à elle :
    – malienne
    – enceinte
    – vient pour une quelconque consultation de son suivi “normal” de grossesse
    –> elle ne se déshabille pas, elle n’a pas besoin mais je le saurais plus tard.

    Elle s’allonge sur la table d’examen toujours désagréable, toujours trop haute sur la table, comme toutes les patientes. Alors je la déshabille. Elle n’a pas 1, ni 2, mais 3 boubous. Je dénoue tout, et je me dis qu’elle ressemble à un paquet cadeau, qu’elle est gentille de m’offrir ça.

    Je n’avais pas besoin de la déshabiller car elle ne portait pas de culotte. Mais si j’avais à le refaire, j’ouvrirais mon paquet cadeau, à nouveau.

  2. Bolliand Alexandra

    Quelle justesse dans le commentaire d’une situation qui ne devrait pas exister ! Ou alors, on ne se fait pas soigner ! Bien sûr que nous, les femmes, sommes parfois un peu gênées de dévoiler notre intimité à un homme, mais cet homme, il en a vu d’autres, des plus belles, des plus moches, des plus maigres, des plus grosses, et il n’y a plus rien de sexuel ou d’intime dans son regard quand il cherche à nous soigner. Laissons le faire son travail, sans entrave, et estimons nous heureuses d’avoir encore des médecins compétents dans notre pays. Point barre, comme dirait l’auteur de ce blog !
    Alexandra, cousine et belle soeur de médecins (homme et femme)

  3. Marina

    Je pense qu’il n’est pas si facile que ça de “déssexualiser” une relation, toute logique et professionnelle soit-elle. Vous êtes rompus à cette gymnastique, mais pour une femme, d’autant plus si on lui a professé que les relations homme-femme sont taboues (dogme présent dans nombre de religions), le déclic n’est pas automatique. N’arrêtez pas de indigner face à l’absurde, mais ne faites pas tous porter sur les épaules de l’individu, c’est aussi triste pour eux que pour vous…

  4. KatiaD

    En théorie, la relation patient-soignant est désexualisée. En pratique, les rapports de violence et de domination sont assez bien représentés dans le monde du médical, et je peux comprendre qu’une femme ait peur de l’intrusion, du manque de respect de sa personne, même hors contexte religieux.
    Dans le cas de cette femme, si je comprends bien elle ne voulait couvrir que ses cheveux : lui passer une pièce d’étoffe en attendant l’arrivée du compagnon aurait peut être suffi pour pouvoir l’examiner rapidement …

  5. AMINA

    Elle a mis son Voile parce que vous êtes un homme
    Elle s’est déshabillée parce que vous êtes médecin
    Mais voilà….
    elle n’a pas oubliée que vous êtes malgré tout un Homme….

    Keep Smiling
    Vous faites un si beau métier …
    Laissez toujours aux patients le choix des priorités
    Comme vous l’avez fait ce jour là

  6. LaetiM

    Bonjour!
    Enceinte ou pas, j’ai subi tellement de violence de cette gent masculine médecin ou pas, que je n’ai plus envie de me déshabiller devant eux.
    Cela ne me dérangeait pas à une époque, puis j’en ai eu assez de comprendre la personne en face de moi : j’avais envie d’être la personne comprise également.
    Dans mon coin il n’y a que des médecins hommes : je ne peux pas aller dans un cabinet médical ou à l’hôpital. C’est viscéral.
    Trop de malades, pas assez de soignants,fatigue accumulée,travail à la chaine, je comprends le manque de temps, le manque d’intérêt , de patience.
    Par rapport aux enfants, c’est pareil. Il n’y a plus vraiment d’humanité en hôpital. J’en veux à ces gens du gouvernement qui suppriment les aides, qui font que le personnel est moindre,surchargé : il devrait être permis aux soignants de rester humains, de pouvoir prendre le temps.
    MERCI d’être Celui que Vous Etes.

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