Madame BIM BAM BOUM.

Alors voilà, elle se tient au milieu de la salle d’attente, BIM, BAM, BOUM, le visage tuméfié, multicolore. Le pan gauche de son pantalon est imbibé de sang, ça lui tombe dans le pied, elle a une tennis rouge, l’autre blanche. Elle est complètement ivre, elle se jette à mon cou :- Scusez-moi, ça vous embête si je passe devant ces gens ?

“Ces gens”, les patients en salle d’attente, me fixent, mains resserrées sur leurs effets personnels, hochant leur tête de concert, l’air de dire “prenez la, docteur, on n’en veut pas, on n’en veut plus, c’est sale, ça pue, et c’est dangereux”. 

La Titubante entre. 

– M’suis battue et on m’a donné des coups d’poings et des coups de couteau et des coups d’pieds et je sais même pas pourquoi, et c’est dégueulasse !

Et, disant cela, elle enfonce un doigt noir de crasse dans une des sept plaies béantes de sa fesse. On voit le muscle. CHLAK ! CHLAK ! Tranché sept fois. Le grand glutéal, le rouge et le noir des caillots. Des trous, des trous, des trous ! Mon regard glisse, nauséeux, sur la boite de sushis de midi abandonnée dans la poubelle. 

– C’est une copine, docteur. J’ai pas compris pourquoi elle a fait ça. Au début, elle a voulu m’larder le visage. 

Ce faisant, elle lève ses bras, me montre comment elle s’est protégée. BIM BAM BOUM. Fière, la Titubante. S’est pas laissée faire.

– Kèke vous auriez fait à ma place ?

Je lève les mains, comme elle, mime un boxeur qui esquive : 

– Qu’est-ce que j’aurais fait ? Je me serai protégé, Madame, comme vous.

Mais, dans ma tête “À quel moment, tu t’es retournée pour présenter ton postérieur à l’agresseur ?”

J’appelle les Urgences. Deux heures plus tôt, m’informent-ils, ils ont DÉJÀ envoyé une ambulance, mais elle a refusé de monter dedans. Je proteste :

– Mais elle était ivre ! Là, elle a décuvé un peu. Elle sera d’accord. 

– On envoie une fois, pas deux.

Et ils raccrochent. Et je pense : “Et si c’était votre Fille, mecs ? Ou votre Soeur ou votre Femme ? Et si c’était juste un être humain, hein ? ”

J’appelle une ambulance privée pendant que la patiente fourre ses doigts souillés dans ses muscles, en couinant. Elle n’a pas de carte vitale, pas de CMU, pas d’AME… pas d’Acronyme, pas d’ambulance. OSEF ! (On S’En Fout !).

Je rappelle les Urgences :

– Dites-lui de sortir du cabinet, me disent-ils. Sur sa droite. De prendre la ligne B. Puis de sortir à Vauvegard d’Artois, puis la ligne A et là elle sort à “Hôpital Joseph Pointou”. 

– Vous vous moquez de moi ?!?!? (Là, je me débats avec les mains de madame qui fouillent son muscle de toute la longueur de ses doigts).

– Elle peut marcher ? Oui ? Elle prendra le métro.

Et ils raccrochent. Et la patiente m’explique : “Ce sont les keufs. Quand j’ai pas voulu monter dans l’ambulance -je le regrette hein, m’sieur- quand j’ai pas voulu monter dans l’ambulance, ils m’ont prise et amenée ici.”

Voila. Des flics l’ont jetée dans ma salle d’attente. Sans toquer à ma porte. Sans attendre que je termine ma consultation. Rien. Même pas un post-it :

<< Salut Doc Bibi,

on est pressé, voilà Madame BIM BAM BOUM. On ne sait pas quoi en faire. Soyez gentil avec elle, hein ? XOXO.

Signé : les keufs. >>. 

Ils l’ont prise et l’ont déposée là. Puis ils sont partis. 

En vrai, de bout en bout, cette histoire est celle d’une femme que personne ne voulait. Si vous la croisez dans la rue, vous la reconnaîtrez : elle est chaussée d’une tennis blanche, et d’une tennis rouge. 

56 réflexions sur « Madame BIM BAM BOUM. »

  1. Act

    Merci de ce témoignage, à pleurer !
    Vivre en société c’est vivre ensemble, me semble t’il .
    C’est vrai que tendre la main c’est difficile et je ne sais pas si je serais capable de le faire face à une personne sale et ivre.
    Par contre, j’espère que je saurais aider quelqu’un de blessé qui a besoin de soins.
    Je ne peux jeter la pierre, c’est trop facile.

  2. mimi

    Bien triste, mais un “fait divers” que l’on peut rencontrer dans de nombreux endroits de France, et en particulier aux urgences bondées et débordées.
    Il ne faut pas en vouloir à la police qui fait de moins en moins son métier de protection, de prévention mais de plus en plus un métier de médiateur voire d’assistant social…
    Quant à vous, médecin, je comprends votre désarroi devant une telle situation. Pas d’interlocuteur, chacun se renvoie” la balle” (juste une expression bien entendu), mais c’est très fréquent.
    Des gens dans cette situation, il y en a de plus en plus, tout particulièrement dans les grandes villes et malheureusement, aucune structure pour les accueillir.
    Si, par-dessus le marché, aucun droit, aucun accès à la santé, ces gens sont “oubliés”. Mais, peut-on venir en aide à tous . Là est la question !

  3. indignée

    Envie de vomir, envie de pleurer !
    Et ce ne serait la faute de personne ??? Ça s’appelle de la non assistance à personne en danger je crois. Mais peut- être que quand on vit dans la rue, on n’est déjà plus une personne.

  4. Myriam FdF

    Je me dis souvent qu’être dans la peau d’un médecin ne doit pas être facile tous les jours.
    Mais là, c’est le pompon ! Et les flics se débarrassent comme ça d’une personne blessée ? Ils ne connaissent pas la loi ? Non assistance à une personne en danger, ça ne leur parle pas ? Délit de fuite (j’exagère, mais je suis sûre qu’un bon avocat en tirerait quelque chose) non plus ?
    Comment t’es tu débrouillé avec cette pauvre femme ? As tu été obligé de reprendre ta tenue d’urgentiste ou as tu réussi à la faire prendre en charge par un hopital ?
    Ce n’est plus un commentaire, mais un interrogatoire en bonne et due forme, que je te laisse là, désolée.
    Je suis effarée par cette histoire. Totalement effarée. Triste époque.
    Bises

    1. mimi

      Myriam, vous semblez révoltée par ce récit. Mon mari a travaillé dans le 93, dans le milieu medical et je pense que tout ce qu il me racontait remplirait plusieurs tomes.
      Misère, désintérêt, maltraitance, violence, fraude aux cartes vitale, agressions dans les cabinets medicaux, abus en tout genre…
      Croyez moi, il faut avoir la foi et peu font des carrières complètes.
      Les services sociaux sont impuissants, avec peu de ressources. Quant à la police, elle a bien d autres chats à fouetter.
      Bonne soirée.

      1. Myriam FdF

        Mimi, ce qui me mets en colère, sur ce post, c’est qu’en général, lorsqu’il y a “ivresse sur la voie publique” les policiers embarquent de force les personnes concernées pour les mettre en cellule de dégrisement. Pourquoi ne pas faire la même chose pour une personne alcoolisée et blessée mais en direction de l’hôpital ???
        J’ai vécu de longues années en région parisienne. Je sais le désintérêt porté aux sdf, aux alcoolisés, aux drogués par les passants. Mais là, on parle de service de santé (l’ambulance) et des forces de l’ordre. Blasés ou pas, ils doivent faire leur boulot. Ou, effectivement, changer de job. Je peux vous sembler radicale dans mes propos, mais l’indifférence des passants dans les situations délicates (il a suffit que je m’interpose entre un sdf et deux gamines qu’il agressait pour que d’autres personnes interviennent, une autre fois, il a fallu que je me mette vraiment en colère pour que l’on m’aide à déplacer un type ivre mort qui était dangereusement affalé le long du quai du métro ) m’insupporte déjà. Dans cette situation, on parle de professionnels. Et leur attitude, dans ce cas précis, est inadmissible de mon point de vue… Belle journée à vous.

        1. didier

          vous dites “c’est qu’en général, lorsqu’il y a « ivresse sur la voie publique » les policiers embarquent de force les personnes concernées pour les mettre en cellule de dégrisement”, je suis content de l’apprendre…. vers chez moi, ils font sortir les pompiers pour l’emmener à l’hôpital… Et on a beau argumenter qu’elle n’est ni blessée ni en danger, on finit par craquer et faire ce qu’ils veulent… ben oui, une piche, ça pue, ça peut vomir dans le véhicule et/ou dans la cellule alors c’est toujours mieux quand c’est chez les autres.

          1. Myriam FdF

            Je pense sincèrement qu’une personne alcoolisée est bien mieux à l’hôpital qu’en cellule… mais de là à appeler les pompiers pour ne pas avoir à la transporter… c’est ce que j’écrivais plus haut : triste époque.
            Heureusement qu’il existe encore des personnes pourvues d’humanité, Baptiste en est le meilleur exemple.

        2. mimi

          Myriam,
          Je comprends, mais pensez vous que l hopital a les moyens en chambre ou personnel de s occuper des gens qui s alcoolisent ? Quand vous constatez qu une future maman doit faire 45 mn de trajet pour aller accoucher ou consulter son gyneco, Je pense que ce n est plus “son rôle”.
          C est juste un rush insupportable aux urgences et qui dit urgences…
          Les medecins, infimieres et personnel ne peuvent gérer. Le problème, les causes, les solutions sont ailleurs. Ces gens alcoolisés deviennent “des abonnés” des urgences. Désolée Myriam pour ce mot, mais nous l entendons…
          Bonne fête des mères si vous etes maman.

          1. Myriam FdF

            Mimi, je vous comprends, ainsi que Didier, mais je ne pense pas non plus que ce soit le rôle d’un médecin généraliste. Maintenant, reste à savoir à qui doit échoir ce genre de cas ? Sujet épineux…
            Et oui, maman et mamie 🙂
            Bonne fête des mères à vous aussi, si vous êtes concernée.

          2. marie

            Juste mettre autour dune table un medecin um pompier un policier un represantant alcoolique anonyme ,un de femme battue, une AS, un de la préfectorale et vogue ca s’appelerai prise en charge des personnes en détresse sur la voie publique y compris pour les recidivistes de la picole et des herbes bleues.

  5. Laurence

    Merci pour ce témoignage, pour ces faits rapportés, pour le silence sur votre ressenti, qui nous laissent face à nos propres pensées.

  6. Grand33

    Bonjour Bibi
    encore une histoire Bim Bam Boum.
    Et juste pour défendre un peu la police, je vous
    livre une réflexion de mon fiston, gendarme
    depuis quatre ans : Mais merde Papa tu vois
    j’ai pas voulu faire ce métier pour faire
    assistante sociale……
    voilou
    la bise

    1. blobette

      Entre “faire l’assistante sociale” et déposer une personne tailladée jusqu’à l’os dans la première salle d’attente venue sans prévenir personne — et au médecin de se démerder, c’est pas nos affaires — y’a quand même une sacrée marge. Le toubib, c’est son rôle à lui de faire assistance sociale? Il a plus le temps, lui?

      1. marie

        Binvenue dans notre monde et en france en particulier ou cest un peu le bazar , quand les policiers faisaient des animations dans les quartiers chauds genre foot en bas des barres pour détourner les gosses des miseres de banlieux il a été décidé que ce netait pas leur role est donc stop plus danimation …10 ans plus tard ça flambe….il a été aussi décidé de rentabiliser les hopitaux t’es infirmiere de nuit tu as ton chariot de médoc tu es toute seule dans le couloir ca clignote rouge sang a la 13 ,reflexe tu vas soulager le patient et bam tu prends un blâme …parce que tu as abandonné le chariot, alors peut etre toutes ces injonctions dassurance qualité de rendement de cest pas mon job tuent la logique l’humanité la bienveillance l’entraide la solidarité et on en arrive a des aberations comme cette femme tabassée ivre et en sang dont personne ne veut…dans des cas comme ça il faut des reflexes de pays en guerre le doc demande a ses patients qui attendent si n’y a personne pour emmener cette femme a l’hosto en mettant des sacs poubelles pour pas mettre du sang partout et si il n’y a personne cest grand chagrin.
        Et oui Manon folie et chagrin se galopent l’un l’autre une course sans fin si tu ne soignes pas le terreau terrible des deux.
        Grosse pensée damour a toutes les mamans de la terre et du ciel

  7. Caroline

    Et bien moi je suis fille d’une telle dame… et malheureusement je comprends la réaction de la régulation et des flics car j’en suis arrivee à avoir aussi peu de compassion. En même temps, c’est parce que moi j’ai des raisons de ne plus avoir de compassion pour elle que j’en attends des professionnels qui doivent garder suffisamment d’objectivité et de distance pour faire les choix nécessaires.

  8. Bulledesavon

    Personne n’en veux, c’est le “boulot” de personne … pas assez de moyens … ou seulement pas assez de coeur 🙁
    Que c’est triste …

  9. leslie

    Ça me fait bizarre quand je lis que les policiers ne veulent pas être assistants sociaux… Certes, je peux le concevoir mais leur mission première n’est-elle pas de protéger les personnes? Quel sens mettent ils derrière ? Et les urgences ne sont-elles pas là pour prendre en charge les patients blessés, les soigner ? Notre société va mal si elle ne sait ou ne veux plus prendre soin des siens… (Je ne dis pas que ce sont des métiers faciles, loin de là)

    1. Vero

      Je pense quand même que police et assistants sociaux sont des métiers bien différents, ne serait_ce que par le port de l’arme ! Entre délinquance et misère, il y a un fossé même si souvent le second entraîne le premier!

    2. grand33

      @leslie
      Comme tu le dis très bien : leur mission première n’est-elle pas de protéger les personnes? si ! les prendre en charge socialement ou médicalement, non. Les forces de l’ordre, en général, ne sont surtout pas du tout formées pour cela. Après peu importe l’uniforme, derrière il y un homme ou une femme qui doit aussi fonctionner en être humain (beaucoup le font), là en l’ occurrence ils étaient très loin de la “conscience du Monde” d’Hervé.

      1. Leslie

        Je comprends bien que ce sont des métiers totalement différents, rassurez vous sur ce point 😉 Pour moi “protéger” signifie quand même que lorsque l’on croise une personne blessée ou en danger, on a à réagir… Je pense que ce n’est pas jouer aux assistantes sociales que de faire cela… Accompagner quelqu’un à l’hôpital ce n’est ni le prendre en charge médicalement (on ne le soigne pas) ni socialement (on ne va pas résoudre ses problèmes). C’est juste le mettre hors de danger… à mon avis bien sûr.
        Comme tu le soulignes, Grand33, beaucoup ont heureusement un positionnement humain et citoyen!

  10. Rofine

    J’ai vraiment la nausée en terminant de lire ton post… As-tu essayé d’appeler le 18 pour que les pompiers la prennent en charge ?
    Un après-midi, en sortant de mon travail avec une collègue, nous avons vu un sdf allongé sur le trottoir. Nous ne savions pas s’il avait été pris d’un malaise et ne répondait pas à nos questions. Ma collègue appela le 18 depuis son portable. Les pompiers sont arrivés très vite et l’ont transporté à l’hôpital. Nous étions rassurées d’avoir agi en tant que citoyennes responsables. La Loi nous oblige à porter assistance à une personne en danger. Si nous ne le faisons pas, nous pouvons être condamné-e-s à cinq ans de prison et 75 000 € d’amende.
    Dans le département où j’habite, une structure médicalisée prend en charge des femmes et des hommes, de tout âge, vivant dans la rue pour leur proposer des soins d’hygiène, des vêtements propres, des soins médicaux gratuits et un lit où dormir la nuit… ils arrivent de Paris et de la proche banlieue dans un car et repartent le lendemain. C’est vraiment une goutte d’aide dans un océan de besoins.
    Bises à toi Baptiste

    1. Hervé CRUCHANT

      Il a couru sur le net une vidéo montrant un comédien tombé par terre à l’orée d’un pont passant à Paris (France). Première séquence, le gisant est habillé classe. La seconde passante s’arrête et téléphone aux secours. Deuxième prise : le soit-disant est habillé sdf. Vingt minutes de laissé pour comptes après, l’équipe arrête le jeu de l’oie. Personne sur une bonne vingtaine ne s’est arrêté. Ou alors pour constater une à deux dizaines de secondes, hocher la tête et repartir d’un haussement d’épaules. Ce post n’a pas recueilli beaucoup de likes.
      Il faut écouter Rofine, la Copine-à-la-Jambe-d’Alu, celle qui remplace le Code.
      Çà me fait penser qu’il y a manif tout à l’heure. T’as remarqué que les CRS-Gentils n’envoient pas de gaz au poivre, de grenades assourdissantes ou de flash-balls mais, dans un geste élégant qui rappelle le joueur de hockey sur glace en phase finale devant la cage du Grand Masqué de Toronto, te triquent les pattes de derrière avec leur grand bâton souple-dur ? un geste de faucheuse, de gare-toi-de-là, de j’y-suis-presque. Çà peut faire mal et te gonfler le membre. Avec la pulsion qui t’a amenée là, çà fait beaucoup !
      Salut Rofine.

      1. Rofine

        Bonjour Hervé !
        Tu m’as rafraîchi la mémoire en parlant de cette vidéo que j’ai eu l’occasion de voir. J’ai été effarée d’assister à l’indifférence de la plupart des passants…ça fait peur !

        Pour ta manif de tout à l’heure, soit prudent et fait attention à tes guiboles si tu ne veux pas jouer, avec moi, aux Copains-à-la-Jambe-d’Alu ! 😉

        Bises à toi.

  11. Marie-Eve

    Avant de lire ça, j’étais contente de payer des impôts, je pensais qu’ils servaient justement à Madame Bim Bam Boum et ses confrères sans le sou…

    Je ne jette pas la pierre aux patients, quand on est pas habitués c’est sur qu’on peut avoir peur, mais les urgences qui refusent d’envoyer une ambulances je n’arrive pas à comprendre.

    Ont-il fini par venir ?

  12. kath de Belgique

    Parfaitement à la hauteur de qui tu es. Tu écris donc comme tu es. Et c’est vraiment bien.
    Par contre quelle a été la suite pour Madame Bim Bam Boum ?

  13. Cia

    pourquoi la police n’a pas déposé cette dame aux urgences directement ? Ce n’est pas de la compassion, juste de la logique…

  14. Libellule

    … malheureusement ce n’est pas un cas isolé. Ici aussi un titubant, moins tailladé (donc pas d’urgence vitale, une des causes du refus de prise en charge), plus délirant : 5 jours de négociation pour obtenir enfin une intervention conjointe SAMU + police : direction urgences psy, qui a réorienté vers les urgences “classiques”… 🙁

  15. Martine

    bond en arrière de 42 ans, j’en avais 14. Aux urgences suite à une intoxication au monoxyde de carbone… une dame de l’âge que j’ai à présent est soûle, elle a fait une tentative de suicide. Dans l’ascenseur qui nous mène à nos chambres respectives, elle est agressive, hurle, bouscule le brancardier pour tenter de sortir, il ne sait plus quoi faire pour la calmer. Je lui prends juste la main, elle baisse son regard vers moi, soudain de grosses larmes roulent sur ses joues, mais elle s’est apaisée.

    1. Hervé CRUCHANT

      C’est juste çà qu’elle cherchait partout. Devant l’incompréhension générale -demander de l’amour gratuit, tu imagines bien comme c’est louche!- elle a tenté de s’expliquer…
      Merci d’avoir été là, Martine. Pour nous tous, auxquels il arrive de temps en temps dans la vie de crier dans le désert.

  16. Manon

    Bonjour Bibi,

    Je lis toujours tes articles avec autant de -rayer la ou les mentions inutiles- rage, empathie, tristesse, joie, naïveté, passion, impatience. Vivement les nouvelles du 1er juin, vivement Noël juste pour le livre qui va tomber (je préfère Anna).
    Et je pense à toi en me remémorant les livres de Lola Lafon, notamment “Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s’annonce”. Je ne te dirai pas tous ces il faut que. Tu. Le. Lises. Mais entre l’antipsychiatrie et l’envie de se faire entendre, je vous trouve des points communs. Ceci n’est pas l’histoire d’un oiseau qui tombe.
    Et si par malheur, et si par bonheur tu l’as déjà lu, accepterais-tu de me dire quoi ?

    “Est-ce que la folie ça n’est pas aussi simple que le chagrin ? Peut-être que c’est l’inverse.”‘

  17. mimi

    Myriam,
    Je suis hors sujet et je m en excuse. Je suis maman de 5 enfants et nous apprenons hier qu un 6eme petit enfant se prépare !
    Juste pour écrire que demain est la plus belle des fêtes pour une maman.
    Alors, si vous le permettez, une belle et douce pensée à toutes les mamans du monde.

    Bonne soirée.

    1. Myriam FdF

      Waouh… bientôt 6 enfants…. permettez moi de vous féliciter, sincèrement.
      Belle et heureuse fête à toute votre petite tribu, demain.
      Bonne soirée à vous aussi

  18. MarionLR

    Si j’ai bien compris, cette dame a refusé de monter dans l’ambulance appelée par les policiers…. Alors, oui, ce n’est pas cool de leur part de l’avoir laissée dans la salle d’attente de doc bibi…
    Pour le reste , ils ont quand même tenté de s’occuper d’elle…
    S’est elle débattue? Fallait il lui mettre les menottes ? Fallait il la sédater de force et la faire rentrer contre son gré dans l’ambulance?
    Je pense que quand quelqu’un refuse qu’on s’occupe de lui, comme cette femme, il doit être difficile de décider quoi faire… On la force? On lui ôte tout pouvoir de décision sur sa propre personne? Je trouve que, parfois, ce genre d’action déshumanise aussi la personne…
    Alors, je sais, c’est pour son bien, on estime qu’elle n’est pas en état de prendre les bonnes décisions…
    Mais c”est difficile…

  19. Nicole B.

    Tout le monde a raison, tout le monde a tord dans cette affaire ! Bien sûr que l’on voudrait tous plus d’humanité … surtout dans une branche que l’on juge sans la connaître…. Bien sûr que chaque branche manque de moyens …. on le sait surtout si c’est “notre branche”.
    En fait, il y a tellement à faire dans toutes les branches et c’est si facile d’accuser “les autres” !!…. si les solutions étaient à portée de mains, tout se réglerait en un coup de baguette magique.
    Être du côté des donneurs de leçons vautrés dans leur petit confort, ça me dérange, être parmi les indifférents, ça me dérange.
    Alors je resterai sur mon quant à moi ! Tout en continuant à appeler le 15, le 18 ou le 17, bien que je connaisse BIEN ( très bien même, dans un petit département du sud ouest que BB connaît bien aussi) leurs moyens et leurs limites et à acheter une baguette au “traine-savate” dans la rue, ou un sac de croquettes pour son chien ( pcq je peux le faire et sans me priver en plus !). La petite goutte d’eau du colibri pour le feu de la forêt.

  20. titou59

    quelle tristesse …
    @ cia : pourquoi la police ne l’a pas déposer directement aux urgences ? très simple, si elle avait eu un problème (malaise ou autre) la police en aurait été “responsable”, donc ordre de ne pas prendre de risques engageant un possible et hypothétiique responsabilité pénale de l’administration … c’est horrible, mais “LOGIQUE”… Quelle tristesse …
    @ Marion : pourquoi ne pas utiliser la force ? parce qu’il est interdit légalement de faire subir un soin non voulu par le patient. (d’où tous les problèmes avec les témoins de jéhova qui refusent des transfusions pour leurs enfants ou pour eux même).
    La seule échappatoire est l’absence ou l’altération de discernement(coma par exemple) qui permet d’imposer un soin le temps que la personne reprenne ses esprits. Là où il y a “bug”, c’est que le taux d’imprégnation alcoolique est reconnue comme une altération du discernement(puisque cela permet d’annuler un mariage) donc la question à se poser, c’est “POURQUOI la police ou l’ambulance ne l’ont-ils pas embarqué “de force” malgré son état d’ivresse pour la soigner le temps qu’elle décuve ? Il est vrai qu’une personne ivre qui vomit dans un véhicule, c’est atroce, l’odeur est tenace et c’est difficile à nettoyer …. j’ai honte de me dire que c’est la seule explication que je trouve à cette histoire … quelle tristesse …

    L’amertume des services de santé et/ou de police face aux difficultés croissantes dans l’exercice de leur métier, les “ordres” reçus dans une optique de rentabilisation à l’extrème font que de plus en plus, on se trouve devant de telles situations ubuesques, au détriment des soins, de la personne…

    Quelle tristesse …

    J’espère que Madame BIM BAM BOUM s’en est sorti sans trop de séquelles …

  21. dédé

    Cher Bibi,

    Je lis beaucoup de commentaires désillusionnés, tristes, désespérés sur ce que tu racontes. Beaucoup en voudraient à la police/pompiers/SAMU de ne pas avoir fait son/leur travail. “A quoi servent “nos impôts” ?” serait une des questions.

    J’ai d’autres questions, et je n’ai bien sûr pas la réponse à celles-ci :
    – A force de déléguer à d’autres (police/SAMU/etc.) la charge de l’expression de notre solidarité, n’avons nous pas 1/ alourdi démesurément la charge de travail 2/ déshumanisé complètement notre société ? L’histoire de cette dame n’est-elle pas déjà, avant tout, l’histoire d’une société qui a oublié le pardon (et sa signification : où sont les parents/enfants/cousins/amis ?), qui a oublié aussi la responsabilité immense, insupportable parfois, de la prise en charge de ses proches ?

    – et quand les proches ne peuvent plus et ne veulent plus, comment a été organisé le relais ? En amont de la rue, en amont de l’alcool et de la drogue, ou à ce moment là justement, etc. ? Où sont les voisins, les amis, etc. quand il y a de si énormes problèmes ? souvent partis…N’avons nous pas créé une société qui a force de volonté d’aller plus vite, toujours plus vite, impose à tous un rythme incompatible avec les simples gestes de solidarité ? aujourd’hui on parle beaucoup d’aider les aidants, ceux qui veulent à tout pris, pardonner et assumer, mais les aidons nous assez ? acceptons nous suffisamment la différence ? ou avons nous peur que cette différence et cet échec déteigne sur nous ?

    – l’histoire de cette dame n’est-elle pas d’abord l’échec de notre prise en charge psychiatrique en France ? La France enferme (en prison surtout), ou jette dans les rues, celles et ceux dont elle ne veut pas voir l’existence, ceux qui ne “pensent pas droit”, qui voient parfois des mondes imaginaires (ou pas) terrifiants, et se soignent à coup d’alcool et de drogues…Il ne s’agit pas là de l’échec de soignants, ou d’institutions, il s’agit de l’échec d’une société à accepter l’existence d’une partie de la population qu’elle engendre elle-même : ceux qui ne suivent pas le rythme, qui ne sont capables, qui n’y arrivent pas, ou qui ont tout simplement un petit bout de cerveau qui commence sérieusement à déconner un jour.

    En vouloir à la police, aux soignants, à l’école, etc. n’est-ce pas simplement se décharger de notre responsabilité, immense, sur la nature de la société que nous contribuons tous les jours à construire, individuellement et collectivement.

    Evidemment, face à la violence, aux délires, et aux blessures, chacun d’entre nous est démunis. Mais au moment de voter, ou d’interpeller ? Saurons-nous exiger des projets solidaires qui ne laisseront pas à la rue ceux que nous ne savons pas voir et accompagner aujourd’hui ? Notre société aujourd’hui sait-elle s’occuper des plus vulnérables ?

      1. dédé

        Merci.
        je n’ai malheureusement pas de solution….
        je voudrais tellement pouvoir faire plus, individuellement, pour changer un peu le monde qui m’entoure.
        et je courre. je courre tout le temps. En sachant un peu quand même, qu’une partie des choses après lesquelles je courre, ….sont artificielles.
        ça, à l’échelle de la société toute entière…sans me prendre pour étalon du fonctionnement de la société toute entière bien sûr.

  22. grand33

    Bonjour Dédé
    Je ne peux que donner mon accord pour tes propos, j’allais presque dire malheureusement.
    Mais bon on fait le colibri comme dirait Bibi.
    Et surtout ne t’arrêtes pas de courir …….

    1. dédé

      merci ! je continue de courir, il faudra cependant peut-être un jour que je définisse/redéfinisse mes objectifs ;-).
      j’interviens peu, mais j’en profite pour te dire que j’aime lire Bibi, …et parmi ses fidèles commentateurs, j’aime aussi te lire.

      1. Nicole B.

        Merci@Dédé pour ce message fort, je partage tout à fait cet écrit !
        La question : saurons-nous voter pour une équipe capable d’installer un développement solidaire, un regard et des actions solidaires ? Faudrait-il qu’une équipe ayant ces objectifs, se propose pour “gouverner” ! Pour le moment ( je suis petit-être mal voyante, lol !) cela ne semble pas voir le jour. Ayons espoir en la jeunesse, il faudra, un jour, que cela soit ainsi.
        Ça fait un peu “vieux machin” comme commentaire…. mais je suis un vieux machin…. ou plutôt une vieille machine !!

  23. Agnès

    Bonjour.
    Je découvre ton blog et sa mine d’articles grâce au journal Sud-Ouest du jour.
    Cet ancien article ci-dessus me renvoie à mon quotidien d’il y a peu, où 12 années durant , dans un centre de soin pour toxicomanes ( bcp SDF), j’ai accueilli cette femme ( si si, presque la même !) , piétinée, poignardée, méprisée, “balancée ” dans mon bureau par la police , et je rajouterai la plupart du temps violee, meurtrie…. Et j’en passe dans les horreurs.
    Le commentaire de Martine me pénètre , me fait monter une émotion intense. Elle avait 14 ans et elle avait tout compris.
    J’ai pris tous les jours ces patients dans mes bras, j’ai attrapé la gale, j’ai ri, j’ai pleuré, et, grande peureuse devant la vie, j’ai appris a ne pas avoir peur de l’Autre, de la différence, de la projection , de la saleté , et que regarder l’autre comme s’il était unique, ce qui est le cas, nous donne à nous-meme une part d’humanité.
    Ensuite, piétinée à mon tour par le système, les cadres incompétents- indifférents et exigeant une rentabilité à la place justement d’une main serrée , je me suis enfuie.
    Et j’en suis morte un petit peu….
    Merci Martine.
    Merci Baptiste.
    C’est bon de lire tout cela… Oserais-je le dire?…. De la plume d’un medecin….

  24. Petit Bleu

    Je me permets de répondre même avec quelques mois de retard au cas où quelqu’un me lirait, un peu comme une bouteille à la mer.
    Fonctionnaire de Police depuis maintenant 6ans, les bouteilles je les préfère à la mer que dans la gueule ou dans le pare-brise.

    J’entends beaucoup/souvent/trop (rayer la mention inutile) de critiques sur mon métiers, mes collègues et nos interventions. Je ne les rejette pas toutes en bloc. Nous avons la chance de vivre dans un pays où chaque citoyen a le droit de critiquer sa police sans risquer la prison, des représailles, un trouver creusé dans le désert et une balle. Alors autant en profiter.

    Cependant j’ai remarqué qu’une (grande) partie de ces critiques viennent d’une méconnaissance de notre métier et des procédures qui le régissent.

    Une ivresse publique et manifeste est régie par le Code de la Santé Publique. Il s’agit d’une contravention (de mémoire de 2ème classe) qui entraîne la rédaction d’un procès verbal simplifiée (en clair une amende). La personne ramenée en IPM au commissariat est placée en chambre de sûreté (cellule de dégrisement) sous le contrôle du Chef de Poste et ce jusqu’à complet dégrisement.
    Il s’agit d’une procédure administrative qui n’entraîne pas de poursuite pénale.
    Sauf exception, la personne est, après avoir été fouillée au commissariat, transportée aux urgences pour y être examinée par un médecin qui rédige un Certificat de Non-Admission.
    Si l’état de santé de la personne n’est pas compatible avec un séjour au commissariat, elle est alors admise à l’hôpital et n’est plus sous la responsabilité de la Police.

    Ça c’est une chose, si banale de mon métier qu’on est parfois à court de cellule de dégrisement.
    En règle générale les pompiers ne prennent en charge une personne en IPM que si celle-ci a eu une perte de connaissance ou qu’elle n’arrive pas à tenir debout.

    Mais dans la nouvelle que Bibi nous conte ici, il me semble plutôt qu’il s’agit d’une personne morte ou blessée grave de cause inconnue ou suspecte.
    Celle-ci est alors régi par un cadre juridique spécifique inscrit au Code de Procédure Pénale et elle donne lieu à une enquête ouverte par un Officier de Police Judiciaire.
    L’enquête vise à déterminer les circonstances des blessures et leur auteur, le Procureur de la République étant seul juge des éventuelles poursuites, qu’il y ait eu un dépôt de plainte ou non.

    Ça c’est dans le monde idéal de oui-oui, quand tout se passe bien, qu’on a suffisamment de véhicules dehors, qu’on a un Officier Police Judiciaire de disponible/ de présent, etc…
    La plupart du temps on fait simplement ce qu’on peut avec ce qu’on a et finalement on se retrouve avec une sdf blessée qui a refusé de monter dans l’ambulance, que personne ne veut prendre en charge, pas plus les pompiers que SOS médecin ou la SAMU.
    Alors voilà, il faut quand même faire quelque chose. Parce que finalement c’est ça le métier de policier: faire quelque chose. Je ne pourrais dire toute les fois où on m’a appelé pour faire quelque chose. “Allez voir sur place” comme on nous dit.
    La petite mamie qui ne sait plus où elle est et qu’on ramène chez elle. Le sdf ivre qui dort dehors et qu’on ramène parce qu’au final il dormira au sec avec un repas chaud. Tout ceux qui viennent d’avoir un accident de voiture et qui ne savent pas remplir un constat. La fille qui vient de découvrir sa mère pendue dans la douche et pour qui on commence un massage cardiaque même si on sait que c’est trop tard. Le locataire qui n’arrive pas à dormir parce que son voisin fait la fête et enfin pour tout ceux et celles qui ont cru voir un individu louche, un véhicule suspect, une valise bourrée d’explosif, un djihadiste derrière chaque barbouze ou un barbouze derrière chaque barbu.

    Alors voilà, mon métier c’est faire quelque chose et parfois c’est emmener une sdf chez le médecin sans rien dire à personne parce que en vrai on ne devrait pas être là mais à la garde du commissariat ou la surveillance des gardés à vue. Mais voilà, il faut bien que quelqu’un fasse quelque chose et ce quelqu’un c’est nous…

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