Le festival de la nouille, PARTIE I.

Alors voilà, les patients entrent et sortent à toute vitesse. J’ai pas eu le temps de manger, j’ai pas fait passer la douane à mon café et pire que ça, j’ai même pas eu le temps de faire ma sieste : mon petit péché mignon, ma came, c’est me mettre entre 13 heures et 14 heures environ 15 minutes sur la table d’examen. Là, je prends mon téléphone, puis je pionce. J’ai une application, un truc tordu qui reproduit les bruits utérins et est sensée vous endormir en deux secondes (Freud aurait froncé les sourcils…). Chez moi, ça marche mieux qu’un Xanax. D’ailleurs, si le paradis existe, il doit ressembler à ça : 28 degrés Celsius, une table d’examen entre 13 heures et 14 heures, puis le bruit monotone d’un coeur maternel en train de battre.

Mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui, c’est festival. “Festival de la nouille” pour être exact : problème de gonocoques, problème de miction, mycose, etc., bref, Festival de la nouille en feu. 

Soudain, une jeune fille en larmes entre dans mon bureau. Je ferme la porte, elle me bégaie dessus en restant debout, toute prête à repartir, l’air de dire “Ne me secouez pas, je suis pleine de larmes” et vous savez quoi ? Elle EST pleine de larmeS. 

– B-bonjour j-je voudrais savoir si v-vous faites d-des in-interruptions mé-médicamenteuses de gr-grossesse. [reniflement / larmes / reniflement]. J’ai déjà vu deux médecins, qui ont refusé. Je ne sais plus quoi faire, ni à qui m’adresser.

Moi : tête de caribou. Je viens d’apprendre – avec Stupéfaction (cherchez pas, c’est une copine qui m’accompagne depuis ce début d’année pourri) – que des médecins refusent d’aider les patientes à procéder aux interruptions médicamenteuses de grossesse. Clause de conscience. A priori, c’est comme “ça” qu’on appelle “ça”. Clause, pas close (je sais, mais pourrait y avoir confusion sémantique…). Je n’ai pas d’avis sur la clause de conscience (autorisée), mais j’ai un avis sur le refus de soin et d’orientation d’une patiente…

Je regarde la jeune fille :

– Venez, je ne l’ai jamais fait, mais on va apprendre la marche à suivre ensemble. Je ne vous laisserai pas tomber.

Je prends mon téléphone, j’appelle le planning familial pour avoir des renseignements. Fermé. Nous sommes en plein pendant les fêtes.

J’appelle l’hôpital mère-enfant le plus proche. Je tombe sur une infirmière qui 

La suite, DEMAIN !

Des bises,

Baptiste Beaulieu

(PS: grève des transports en Belgique oblige, me venue au Petit Filigrane est décalée ! Je vous en dis plus quand j’en saurais plus…)

47 réflexions sur « Le festival de la nouille, PARTIE I. »

  1. Soulalune

    C’est le parcours “de la combattante”pour de très nombreuses jeunes filles, jeunes femmes … notre société bien-pensante régresse et les pousse à mettre leur santé en danger … quelle tristesse 🙁
    Merci d’avoir été là pour elle Baptiste et … vive les siestes (j’aime aussi mais hélas je n’en ai pas souvent l’occasion) 😉

  2. helene

    mais t’en a pas marre de nous faire languir à chaque fois… ? ? ?
    Tu ne sais pas ce que c’est que d’être accro à un blog ? ! ?
    C’est dur ! je veux dire : vraiment c’est dur !

  3. Pissenlit

    Cette jeune fille a eu de la chance de finalement être tombée sur vous. Moi je suis tombée sur un gynéco abject, qui, bien qu’il ait pratiqué l’intervention, m’a bien fait sentir tout le mépris qu’il avait pour moi.
    J’espère que tu auras su lui l’accompagner dans son choix comme il se doit !

    1. Cath

      Ça me fait penser à mes minettes de nièce qui nous saoulaient de leurs pleurs ( ben si) et s’endormaient illico la tête sur l’épaule de leur père quand celui-ci venaient les prendre dans ses bras pour les consoler… Bah 😉

  4. Nanou

    Salut! Ma fille (de 14 ans) dort depuis sa naissance avec son “nounours-ronron”, qui a dans le bidou un mécanisme qui reproduit les sons intra-utérins. Et elle est accro! Et je pense que ce nounours serait bien plus charmant pour vous qu’un trivial téléphone. Sinon, comme Pissenlit, il y a plus de 20 ans j’ai traversé un enfer pour “obtenir” une IVG, alors que c’était déjà suffisamment compliqué et traumatisant comme ça. J’ai erré de gynécos en gynécos, et finalement celle qui a fait le sale boulot (à deux semaines du délai légal, tellement j’avais été bringuebalée, mais de son plein gré hein), m’a donné, à mon réveil…le sexe du foetus. Avec une lueur malsaine de jubilation sadique dans les yeux. Alors voilà. maintenant j’y pense, souvent, trop souvent, comme le garçon que je n’ai jamais eu. GARCE. Vraiment.

    1. DOMINIQUE

      Une amie a eu la même aventure que toi, Nanou. Un soir, en larmes, elle m’a raconté son histoire, c’était une fille. Son avortement remontait à 15 ans, elle vivait si difficilement avec “ça”…
      Baptiste : sur France Inter, ce matin, une chronique “livres de poche” a parlé de ton premier livre. Avec, en conclusion, que tu devrais être remboursé par la Sécu ! A réécouter vers 7 heures 45.

    2. Cath

      Oui, homme ou femme, de vrais s… Et c’est pire dans la profession médicale où les gens sont sensés aider et soigner, non pas heurter et blesser, et gratuitement ( enfin au sens moral). C’est un véritable déni de la souffrance de la personne qu’on a en face de soi. De la jeune fille, de la femme. Souvent seule dans cette détresse.
      Et ces “braves” gens seraient les premiers à faire bénéficier leurs propres filles de cette procédure si adolescentes elles se trouvaient dans cette situation de grossesse non désirée, accidentelle…

      Personnellement, je n’ai jamais compris la jouissance à faire souffrir les autres. Une parole maladroite, cela nous arrive à tous, mais la méchanceté et la saloperie gratuites, non. Le sentiment de puissance sur les autres ? Mais
      cela me semble précisément la marque des impuissants et des incapables.
      Alors merci BB d’être là, à la place de ces absents et de ces handicapés du coeur et de l’esprit.

    3. Pissenlit

      Le gynéco à qui j’ai eu à faire n’est pas allé jusque là, en revanche, avant, j’ai clairement lu un “petite idiote inconséquente” dans son regard … Exactement ce dont on peut avoir envie à ce moment là !

  5. Agnès

    Bibi Baptiste, remboursé par la Sécu!!! En voilà une solution à bien des maux, ( comme la suite dépressive d’une vilaine épilepsie, elle même due à un vilain AVC par exemple) tes livres, ton blog, quand on connaît, on se dit que l’on a fait là une sacrée rencontre!! Vivement la suite de l’histoire, tu ne tardes pas, hein, cette jeune fille aussi, elle a fait ce jour là, une sacrée rencontre.
    Plein de grosses bises

  6. Cath

    La sieste en 15 minutes ?
    Mais comment fait-on ?
    Moi, une heure de cadran pile. Deux heures si la bête est fatiguée.
    Pas de battements de coeur – je crois que ça me filerait les jetons ( j’ai vu un film de Robert Hossein où les battements de coeur amenaient le suspens et la terreur, juste les battements de coeur). Faudrait peut-être que j’essaie…
    Mais si les cigales chantent ou les colombes roucoulent, là, oui, tout de suite partie main dans la main avec Morphée 🙂

    1. untel

      Quand j’étais enceinte, je faisais un quart d’heure de sieste pendant ma pause de midi, c’était très récupérateur et facile.
      A croire que les battements de cœur du bébé m’endormaient. 🙂

    2. vivent

      15 mn c’est extra! Je pratique depuis longtemps…Beaucoup plus et j’ai l’après midi foutu. La tête à l’envers (pour être poli)

  7. Agnès

    PS: je suis en cours de lecture de ton livre et je n’ai toujours pas deviné la fin, tu avais raison à Limoges ( mais je fais toutefois quelque supposition…)

  8. Julie

    “Je ne vous laisserai pas tomber”.
    Je n’y connais rien en jeune fille enceinte et en pleurs, mais je sais que cette phrase a certainement eu un impact très fort pour elle. Comme pour tous ceux qui recherchent un peu d’aide et d’écoute.
    “Je ne vous laisserai pas tomber” pour moi ça ne veut pas dire “je vais trouver La solution” mais “quoi qu’il arrive, quelle que soit la réponse, on fera ça ensemble. Je suis là”.

  9. josecile

    Eh ! Mais on est DEMAIN !!!
    Merci pour tout Baptiste, pour les sourires, les rires, les émotions et les poils qui se dressent (sans jeu de mots ni allusions aucuns)

  10. annaick

    Il devrait être interdit de refuser un acte autorisé par la loi sous prétexte de religion, de morale ou de toute autre chose ! Les soignants n’aiment pas pratiquer des avortements, je peux le comprendre, mais la loi est la loi et il est impensable de laisser une femme – ou une jeune fille – dans la détresse pour son petit confort moral, d’ailleurs, si on refuse de pratiquer soi même, on est dans l’obligation de trouver un confrère et d’orienter la demandeuse vers une structure compétente !

    1. Fleur

      Non il devrait etre interdit d’interdire.
      Et de supposer qu’il s’agit d’un “petit confort moral”.
      Pour certains, un avortement c’est supprimer une vie, et l’on peut aisement comprendre qu’ils se refusent a le pratiquer. Il ne s’agit pas de juger la femme qui souhaite un avortement. A l’inverse il ne s’agit pas de juger les praticiens qui ne souhaitent s’en occuper. Recommander a un collegue, voila.

  11. annaick

    Et au passage, bonjour à Stupéfaction, qu’elle t’accompagne, c’est bien, mais dis lui qu’elle amène sa copine Émerveillement, elle est plus sympa !!!

  12. AnneC

    En attendant la suite de l’histoire et pour m’éviter un cachou qui fait dormir je serais ravie de connaitre le nom de cette application magique de bruits utérins.

    Merci

  13. genevieva

    je suis passée par là il y a très longtemps et à l’époque ce n’était pas autorisé, c’est en Suisse que cela s’est fait ce fut un déchirement

      1. Biquette

        Qui parle de Biquet? Du coup ça me réveille de ma sieste! Et on est demain! Et le soleil brille dans un ciel tout bleu!
        Promis: on ne se laisse pas tomber hein?

        1. Mésange

          Euh… un ciel tout bleu ? Veinarde, Biquette ! Chez moi, il est plutôt du genre à tomber en (grosses) miettes mouillées… et à me faire aller sous la couette en plein milieu d’après-midi. 🙁
          Mais on ne se laisse pas tomber quand même !

          1. Julie

            Un ciel tout bleu ? Allez, tous chez Biquette !!
            Je crois qu’on a le même ciel Mésange… Courage, en attendant le retour du soleil.
            Bises !

          2. untel

            Ici, dans la moitié nord de la France, c’est carrément l’été. 🙂
            Bisque bisque rage, les sudistes, na !!! 😉

    1. Mésange

      Règle politicienne n° 1 : “les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent” ! 😉
      D’accord, Biquet 😀 n’est pas politicien, mais gardons la règle n° 1 à l’esprit. Tout en dormant peu, et en faisant des siestes courtichettes sur son lieu de travail, cet homme est fort occupé… même qu’à l’heure où Heliotrope écrit, il pouvait être en train de faire la fête… entre autres (choix cornélien sur le coup de minuit entre jour pair/jour impair… ou pas !)

      Pour en revenir au sujet de cet article, je suis d’accord avec Julie : rien que le “je ne vous laisserai pas tomber” est apaisant pour le patient qui se sent enfin non-rejeté, écouté ; en plus, voir le médecin essayer de trouver des solutions, quel soulagement ! Même s’il n’est pas sûr que le problème soit au final résolu.
      Quant à la clause de conscience, les témoignages montrent bien qu’elle est hélas bien trop souvent “close de conscience”… quand elle ne s’associe pas aussi à un certain sadisme : c’est révoltant tant le respect de la loi, qui fait obligation à minima de renvoyer à un confrère disposé à, et le manque d’humanité sont absents.

      Caresses de plumettes à toutes celles qui ont eu à souffrir non seulement d’un choix difficile à faire mais aussi d’un manque d’écoute et/ou de malveillance volontaire de la part d’un soignant.

  14. Julie

    Il n’a pas écrit “promis” ! Et puis, si on savait exactement quand les histoires seraient publiées, il n’y aurait plus de surprises. 🙂
    Suspens…

  15. Myriam FdF

    Tu parlais du “demain” de quel jour ??? 😉
    J’me la joue “schtroumpf grognon” : moi, j’aime pas attendre la suite de l’histoire… 🙁

  16. Margot

    Grave. Je veux pas donner l’impression de râler mais bon, hein! 🙂

    Sinon, une histoire d’avortement, moi je dis, ça sent le troll qui approche

    1. Libellule

      C’est vrai, pas encore le retour d’Odile ou de AnneDuSud… Mais ça ne saurait tarder 🙁 (contrairement à la suite de l’histoire, dis Baptiste pourquoi maintenant tu les coupe presque toutes en 2 alors qu’au début ça n’arrivait pas ??? Tu nous fais un sevrage progressif ou bien ?)

  17. renaud laetitia

    kikou, et oui même aujourd’hui les jeunes (ou moins jeunes) filles ont bien du mal à trouvé un patricien conciliant, l’ayant vécu il y 12 maintenant, je l’ai vraiment mal vécu, le personnel soignant n’était pas agréable, et je me suis sentie comme une m……de, aucune once d’humanité, ni dans leurs actes ni dans leur paroles que se veulent dures, on vous met en garde et vous jette la pierre de ne pas être attentive à votre moyen de contraception, dsl, je la prenais tous les jours à 19h précises et j’ai rien loupé du tout, j’aurais peut-etr du prendre double dose pour leur faire plaisir et rencherir avec stérilet et préservatif, mais bon, aujourd’hui je suis maman de trois enfants, dont une petite fille, et si un jour ça lui arrive, je serais heureuse qu’elle tombe sur un médecin comme vous.

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