Pensée magique, anthropologie et rougissement de jeunes filles.

L’histoire c’est Dr M., l’écriture c’est moi. Merci ! Si vous souhaitez raconter, c’est ICI

Alors voilà, aujourd’hui, Bibi vous fait remonter le temps… 2010…2000…1990…1980… fin des années 70, le docteur M. est jeune remplaçant dans une petite ville…
Peu de monde en salle d’attente, effet concret de ce qu’on appelle entre nous “l’effet remplaçant” : J’ai tellement tellement mal !.. Je dois ABSOLUMENT aller chez mon médecin ! Quoi, vous aussi vous attendez ? Quoi ? C’est pas le docteur X., c’est le médecin remplaçant ? Celui qui n’a pas de lunettes et qui écrit bien ? Le jeune ? Ah… Je repasserai mourir demain dans ce cas…

(Croyez-moi, même 50 ans après, c’est toujours pareil, et pareillement vexant…)

Malgré tout, Docteur M. était bien occupé… Les consultations s’enchaînaient en flux tendu, quand ce fut enfin au tour de Miss Betty Boop. Impossible de la rater : un vrai bonbon pour les yeux… petite, accorte, maquillée (trop ?), une coupe à la Jessica Rabbit. Belle, rousse, et jolie.
Docteur M. l’a fait entrer, puis s’asseoir.
– Bonjour.
– Bonjour.
– Vous ?.. a commencé M.
Elle a penché la tête sur le côté, a rougi. Timide ou mutine ?
– Je viens… pour… un renouvellement de pilule.
Après les questions d’usage et les examens habituels à cette époque, M. lui a fait l’ordonnance et la lui a tendue. Mais son air inquiet l’a interpellé.
– Ça va ?
-Docteur, puis-je vous poser une question ?
-Mais bien sûr, mademoiselle.
(On parlait un peu comme des robots, à l’époque… On parlait en noir et fer-blanc)
– Ce n’est pas pour moi, a-t-elle dit en rougissant de plus belle, mais pour ma soeur… elle prend la même pilule que moi, et… son mari est parti en déplacement depuis quelque temps et… (Son visage était franchement cramoisi maintenant, elle s’inquiétait vraiment beaucoup pour sa sœur)… elle a fait la connaissance d’un autre homme… Je, enfin elle, ma soeur, est très inquiète, et…
– … Et ?.. l’a encouragé Docteur M.
Réponse véridique (et magnifique quand on a un master d’anthropologie comme Bibi !) de la patiente :
– Et ils ont fait l’amour 5 fois dans la nuit, alors je voulais savoir : pensez-vous que cette pilule est assez forte pour ça ?
[…Je vous laisse apprécier la beauté anthropologique de cette question… Pensée magique, quand tu nous tiens ! ]
– Vous savez, lui a répondu Docteur M., il n’y a pas de pilule forte ou pas forte… Ne vous en faites pas… enfin que votre soeur ne se fasse pas de souci.
Elle est partie comme elle était venue. Belle, rousse, et jolie.

On ne peut vraiment rien contre l’amour fraternel, je veux dire : on ne peut VRAIMENT rien contre l’amour fraternel !..

Dates de dédicaces, ICI.

29 réflexions sur « Pensée magique, anthropologie et rougissement de jeunes filles. »

  1. Lauriane

    J’adore cette pensée magique !
    Ça m’a toujours paru simplisme d’utiliser la pilule, mais quand j’entend les anecdotes de mon ami médecin, je comprend que pour certains, ça l’est moins (la pilule dans la soupe du soir partagée par la famille, la pilule en alternance entre les conjoints…)
    Des bisous chez toi B. !

  2. daysy

    Dans le même genre mais dix ans plus tard, alors que nous parlions contraception avec mes élèves – pas au programme mais je faisais ma part d’info quand même – un grand ado baraqué m’a sidéré avec cette remarque : “Oui, m’dame, mais y en a qui exagère, elle la prenne tous les soirs” !

  3. Mamzelle B.

    Bonsoir !
    J’ai adoré l’histoire et ça m’a rappelé une autre anecdote (qui ressemble à une histoire drôle mais qui est véridique, juré-craché) d’un copain dont le père était médecin : une patiente se plaignait d’être tombé enceinte malgré la pilule. Après quelques questions, il découvre que c’est le mari qui la prenait car elle “n’arrivait pas à l’avaler” (sic !!!! siiii !). (Sinon l’abstinence, y a qu’ça d’vrai !)
    Bise.

      1. Cath

        Mouais, mais comme disait l’autre ” on est tous les enfants de la méthode Ogino”…
        Et puis c’est bien connu, les mathématiques, c’est pas une science exacte 😉

  4. Julie

    Fin des années 70 ou 2015, je crois qu’il n’est jamais facile de demander certaines choses à son médecin. Ces histoires de pilules me semblent toujours d’actualité. Je me demande tout de même si le visage de la jeune femme était cramoisi parce qu’elle était inquiète ou bien terriblement gênée ? Hmm ?
    Tic tac tic tac. C’est sympa de remonter le temps et de changer d’époque.
    Depuis peu, ma grand-mère (87 ans) m’écrit régulièrement des histoires, celles qui racontent sa vie et ses souvenirs. Au téléphone elle me dit “je me suis dit : ça va la soûler”! … “Tu veux rire mamie !? Tu sais, j’adore les histoires. j’en lis toutes les semaines sur le blog d’un jeune médecin. Continue à m’écrire mamie, c’est mon patrimoine que tu me racontes”. Je crois que ça l’a motivé. Chaque semaine, j’attends deux histoires désormais. Les deux auteurs écrivent tellement bien !

    1. marie

      toi ma loute t’as trop de la chance , c’est “essenciel” fondamental émouvant et bâtisseur d’avoir des grandes mutti qui racontent j’encourage tous ceux qui ont des GP a les interviewer de un ça leur fait une bonne gymnastique cérébrale, ça créer un lien inestimable et ça les dopent mieux que de l’epo , le prix nobel de littérature dans son discours en suède disait qu’il écrivait pour laisser une trace de tous les anonymes de l’histoire, ah bein tiens rien à voir avec la contraception, un peu de culture G http://www.lemonde.fr/prix-nobel/article/2014/12/07/verbatim-le-discours-de-reception-du-prix-nobel-de-patrick-modiano_4536162_1772031.html , comme dirait un pote à moi ça peut pas faire de mal…et gros kiss a ta mémé tu peux aussi lui demander comment on faisait pas les bébés y’a longtemps, après tu nous dis !!!

      1. Raphy

        Je confirme mille fois les propos de Marie : j’ai eu la chance de prendre un peu de temps pour discuter avec mes grands parents de leur vie passée… et ces histoires ou ces anecdotes font toujours parties de mes biens les plus précieux.
        Connaître ses racines, savoir d’où on vient, ça aide vraiment à grandir ! Je plains vraiment tous ces gens qui regardent les vieux avec mépris. Ils ont tellement de choses à nous apprendre… et ça permettrait sans doute à pas mal de jeunes cons de ne pas reproduire les erreurs qu’on préférerait ne plus revoir. Enfin c’est mon avis.
        Mes grands parents m’ont permis de réaliser qu’on pouvait tous être résistant à notre manière et à notre humble niveau. Qu’on pouvait jusqu’au bout garder un œil bienveillant sur la vie. Qu’on pouvait traverser bien des épreuves en s’entraidant. Bref, plein de belles choses qui m’ont aidé à me construire (et d’autres moins belles aussi, soyons honnête, mais que je préfère faire semblant d’oublier).

      2. Julie

        A y est !! J’ai demandé à ma grand-mère comment faisaient les femmes qui ne voulaient pas tomber enceinte. Je vais essayer de vous faire un résumé.
        Ma grand-mère, née en 1928 nous parle donc des années 40, lorsqu’elle était toute jeune femme.
        La méthode la plus couramment utilisée est (vous le devinez sans doute) Bingo ! la méthode Ogino. Seulement voilà, elle ne valait que pour les femmes avec des règles régulières et qui pouvaient calculer pile poil leurs jours d’ovulation.
        Une autre méthode moins connue consistait à introduire dans le vagin une petite éponge naturelle reliée avec du fil. A la fin du rapport on la retirait et “ça balayait tout” (les guillemets reprennent mots pour mots les paroles de ma mamie, je n’invente rien). C’est une sage-femme et un médecin qui lui ont raconté cela à l’époque.
        Ma grand-mère m’a surtout dit qu’il y avait beaucoup d’avortements. Clandestins bien sûr. Ces femmes qui pratiquaient ces avortements étaient appelées les “faiseuses d’anges”. Elles risquaient la prison (et le bannissement de l’Eglise) car interdit à l’époque. D’autres femmes tentaient de se faire avorter seules, comme l’un des membres de son entourage qui l’a fait avec… des aiguilles à tricoter. Résultat: septicémie, hôpital, curetage. Mamie me dit qu’il “y avait des morts”… et me rappelle que la condition des femmes à son époque “était très dure”.
        Vous savez quoi ? Je suis heureuse de vivre en 2015. Il y a encore du boulot, mais je suis heureuse malgré tout. Et heureuse que certains continuent à se battre pour les droits des femmes.
        Bises à toutes et à tous.

        1. Suze Araignée

          La méthode de l’éponge, existe toujours aujourd’hui, mais pas pour les mêmes dessins. C’est une méthode de prostituées pour ne pas s’arrêter pendant les règles. L’éponge au fond du vagin récupère le sang et les clients n’y voient que du feu.

          (Oh le lapsus bizarre ! Au lieu de “clients”, j’ai failli écrire “patients”. Oo)

    2. Julie

      mimi: Ah ! non, je laisse les blogs à ceux qui savent faire 😉

      marie, c’est vrai que ça créé un lien, et oui c’est émouvant (elle a réussi à me tirer des larmes lorsque j’ai reçu sa première histoire) et effectivement ça la “dope” bien ! C’est ce que je lui ai dit la dernière fois; on en retire toutes les deux des bénéfices. Promis, je lui demande comment on faisait pas les bébés à son époque et je te dirais !

      Raphy, je suis d’accord, c’est tellement précieux. Je conserve avec soin et amour ces feuillets et je découvre une partie de mon passé à travers ces récits. Son écriture manuscrite est tellement jolie en plus ! Je suis certaine de les relire avec émotion lorsque ma grand-mère partira faire du poney multicolore (z’avez remarqué que cette expression du poney multicolore est en train de rentrer dans le langage courant de ce blog ? 🙂 ) Bref, c’est un peu mon héritage.
      Si un jour elle me raconte une anecdote médicale, peut-être que je l’enverrai à Baptiste, ne serai-ce que pour qu’il découvre un nouveau talent littéraire ! (bé oui, on parle de ma mamie quand même).

  5. Julie

    Diantre ! Je viens de relire l’histoire et une chose me frappe soudain !! “ils ont fait l’amour 5 fois dans la nuit” Okééé. A mon avis il n’y a pas que la pilule contraceptive dans l’histoire. Quoique… la bleue n’existait pas encore à l’époque…? Mais alors, ces hommes existent ? Messieurs, vous êtes formidables, j’en suis sûre. (Je veux des témoignages !!)

  6. Nanou

    Hello! Je lis régulièrement mais je crois que c’est la première fois que je commente, et en plus pas directement en rapport avec le billet (quelle punk!) Bref, hier je suis allée chez mon médecin (depuis 14 ans). Visite de routine, renouvellement d’ordonnance, rien de très excitant. Mais généralement il est très à l’écoute, il pose des questions, il demande des nouvelles des autres membres de la famille. Là je l’ai tout de suite senti absent. Il a consulté un dossier sans rapport avec moi à plusieurs reprises, et il m’a fait répéter deux questions. Pas son genre. Alors je lui ai demandé s’il avait des soucis. Il s’est excusé, m’a dit qu’il était “un peu pensif” et les larmes lui sont montées aux yeux. Je n’ai pas insisté, je me sentais un peu couillonne. Il s’est repris et en me quittant à la porte il m’a tapoté la main et m’a dit à voix basse “ça va aller”. C’était étrange. Je sais bien que c’est un homme comme les autres avec des tracas et des peines, et j’aurais aimé pouvoir un peu l’aider. Mais quelle est la limite à ne pas dépasser avec son médecin? Je sais que tu en as parlé récemment. J’ai envie de lui offrir une boîte de chocolats avec un petit mot. Si ça ne fait pas de bien, ça ne pourra pas faire de mal.

    1. Myriam FdF

      C’est une bonne idée, la boite de chocolats : il saura que tu n’es pas restée insensible à son mal-être. Nos médecins traitants prennent soin de nous, pourquoi, parfois, ne pas prendre soin d’eux ?

    1. Denis

      Ah enfin le commentaire que j’attendais… car je le partage! :-)))
      Vieille et d’autant plus puérile astuce que le maître de céans doit bien connaître même s’il ne l’évoque pas….
      L’occasion d’un prochain billet sur ce thème j’espère…
      A suivre si je peux une anecdote sur le même sujet
      D’ici là bonne nuit à toutes (bah oui y a que des dames qui postent 🙂 ) et prenez soin de vous.

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