Archives de l’auteur : Baptiste Beaulieu

Kaboom !

Mon sujet de thèse : “modification des bébêtes dans le tu-tube digestif par d’autres bébêtes achetées en pharmacie : quel intérêt dans le traitement des maladies pas cools qui vous donnent mal au ventre et vous donnent l’impression de faire des lames de rasoir…”
À ce propos, vous êtes de plus en plus nombreux à m’écrire, à venir sur le site (déjà 340 000 visiteurs…) et cela signifie que vous êtes de plus en plus nombreux à me faire confiance pour notre réconciliation… Cela me touche et, comme je ne peux répondre à tout le monde, je vais écrire les choses avec pudeur et entre parenthèses (vous connaissez maintenant mon goût pour les parenthèses entre parenthèses…) ainsi que dans une police plus petite car il n’y a pas mieux qu’un petit voile de pudeur posé sur l’objet du désir pour mettre en relief le fameux objet, donc voilà : ((je vous aime aussi !))

Père castor, raconte-nous une histoire !

(Anecdote rapportée par Mahatma E., infirmier quelque part en France, conteur hors pair, qui a toujours su nous faire rire même quand on pensait ne plus y arriver. Tu es une grande âme ! PS : Mahatma a une toute petite tendance à l’exagération mais c’est aussi pour cela que nous aimons ses récits… l’écriture c’est moi. Merci !)

“Alors nous vl’à le chef, l’interne, l’ambulancier et moi appelés pour une défenestration du huitième étage. On est à fond : je ne sais pas ce qui traîne dans l’air, mais ce jour-là, bon dieu ce qu’on est à fond ! L’ambulancier ne conduit pas : il pilote, on est comme une team de super héros qui va sauver la veuve et l’orphelin. Arrivé au pied de l’immeuble j’attrape le scope (10 kg) le sac de réanimation (10 autres kg), on surgit dans le hall. Y a un ascenseur ! Pas d’ascenseur, dit le chef, s’il tombe en panne quand on est dedans le patient est cuit !
Ah oui, c’est vrai, le patient ! On va l’avoir celui-là ! Putain de bordel de Dieu, on va le récupérer ce défenestré, on va le ramener chez les vivants en le tirant par la corde du string s’il le faut !
On saute quatre à quatre les marches d’escalier, on court, on flotte, on glisse, on est des petits photons de lumière qui volent !
Enfin nous voilà, huitième étage, transpirant, suant mais enthousiastes et fiers d’avoir fait si vite, d’être là pour sauver ce pauvre type qui s’est pris pour un albatros. Une porte s’ouvre : une femme, petite, en tablier de cuisine, écarte largement ses bras et crie avec l’accent pied noir :
– EH BÉ, QU’EST-CE QUE VOUS FAITES LÀ ! Mon fils, il s’est défenestré, c’est en bas qu’il a besoin de vous !

Et E. de nous faire doctement :
– Vous voyez les enfants, il y a une morale à cette histoire…
Légère pause pour que nous, tous en cœur, fassions :
– Oh oui ! Dis-nous père Castor !
– Quatre personnes dans une même voiture peuvent cumuler plus de 25 ans d’études à elles toutes et pourtant être plus connes qu’une valise sans poignée.

J’adore les chutes qui ponctuent les anecdotes de Mahatma E., je veux dire : j’aime VRAIMENT les chutes de Mahatma E.

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Le secret de pourquoi je n’aurai plus peur des dobermanns.

(Le sujet de ma thèse ? je vous le donne demain… Parce que c’est vous !)

Petit/Grand souvenir de l’externat…

Alors voilà le SAMU appelé pour un petit gars de 3 ans. Crise d’épilepsie. Lorsque nous arrivons, cela fait déjà 21 minutes que le petit convulse. Il a inhalé dans ses poumons tout son repas.
Il est en train de mourir.
Je ne vous parlerai pas de la mère choquée, des gestes héroïques de l’infirmière, de la détresse de C., un ambulancier, solide gaillard dont je croise le regard effondré.
Je vais vous parler du chien de ce petit gars de 3 ans, cet énorme Dobermann, mélange du chien des Baskerville et de la bête du Gévaudan.
Il nous accueille sans un aboiement, la queue entre les jambes, ouvrant le chemin.
Cinq gars débarquent chez lui mais le molosse ne bronche pas.
Pire, il pleure.
Il tourne/retourne derrière la fenêtre, nous observe autour du corps de son petit maître et il geint, il gratte, il gémit à n’en plus finir.
La catatonie de la mère, le courage de l’infirmière, la détresse de l’ambulancier… ça je ne peux pas vous en parler. Mais ce Dobermann monstrueux qui sait, déjà, que tout est fini, qui le sait avant nous-même, avant le destin lui-même, cela a quelque chose de déchirant et mystérieux, je veux dire : c’est VRAIMENT déchirant et mystérieux.
Quand nous emportons le petit corps de son petit maître, l’énorme bête renifle une dernière fois les pieds menus déchaussés par la mort.

Le retour de Chef Viking !

Alors voilà Chef Viking appelé dans un camping où une jeune fille serait tombée : sa jambe ferait un angle de 90′ ce qui n’est ni physiologique, ni idéal pour courir le 100m. Anatomiquement, ça coince.
Le régulateur, par téléphone, à l’équipe déjà lancée sur la route :
– J’ai oublié de vous dire, y a une surprise…
En général, Chef Viking n’aime pas être surpris.
À l’arrivée au camping, un premier bonhomme, une bonne femme, trois enfants, une mamie, deux papis et finalement toute une foule.
– Bordel, ils sont tout nus !
Le régulateur :
– Surprise !
En général, Chef Viking n’aime pas être surpris. Surtout par des gens sans textiles…
– Venez docteur, venez, elle est là-bas. Elle avait froid alors on l’a couverte.
À cet instant de son récit Chef viking me regarde et dit : “j’ai vu la chose la plus drôle de ma vie. La jeune fille avait froid, ils l’ont couverte… Un pull. Posé en travers du ventre. En haut : rien. En bas : rien. Balcon et cave en plein courant d’air.
Après l’avoir stabilisée, pour rédiger mon observation, je me suis assis au pied d’un arbre.”
Il secoue la tête :
– Tu sais B., il y a une leçon à retenir en cas d’intervention dans un camp nudiste. La position assise est déconseillée. J’avais pas fini d’attraper mon stylo que tout un cercle s’était formé autour de moi : des papis, des mamies, des femmes, des hommes (beaucoup d’hommes. Trop…).
Un bobo par ci, un bobo par là, ils avaient tous quelque chose à me montrer. Mais c’est pas vraiment leurs petits bobos qui me sautaient aux yeux à cette hauteur-là. Jamais je n’ai été cerné par autant de pubis de ma vie. Crois-moi, c’est une image qu’on n’oublie pas. On aimerait, mais on ne peut pas.

“Ne t’assois jamais dans un camp nudiste, tu m’entends B. ? Ne t’assois VRAIMENT jamais dans un camp nudiste.”

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Le retour du Stakhanoviste ! Partie 2

Suite :

Chef TIS! se tourne vers moi, je me lance :
– Alors Voilà Mr. H. 93 ans, resté au sol 16 heures avant d’être amené à l’hôpital. Il n’arrivait pas à se relever.
[info : dans le Syndrome de la Tortue, le patient est coincé sur le dos sans pouvoir se retourner. C’est pas très très bon pour la santé…]
Je termine ma présentation, plutôt satisfait. Chef TIS!, plutôt dubitatif :
– Ton patient, tu l’as mis par terre ?
– Pardon ?
Chef TIS!, comme si j’avais de la fêta dans les oreilles :
– EST-CE QUE TU AS MIS LE PATIENT PAR TERRE ?
Je pense : “Oui ! Je l’ai déshabillé, jeté au sol, fouetté avec une pelle en hurlant des chants militaires allemands après avoir mis ma combinaison Lapin en latex rose que les vieux de 93 ans adorent.”
Alors je dis :
– Non. Pou…pourquoi ?
Chef TIS!, change de ton et dit simplement :
– Ton patient, tu le mets par terre, tu regardes pourquoi il ne se relève pas et tu lui apprends. Comme ça, quand il retombera -et crois moi ils retombent toujours- tu lui auras appris à se relever. Ok ?
Dix minutes après : Mr H., affolé, allongé sur le dos, se tortillant sur le sol comme la tortue sur le sable. Comment me dépatouiller de cette situation ubuesque ? En faisant la seule chose sensée : je m’allonge à côté et, tous les deux, on apprend à se relever.

Erratum : si tu changes beaucoup de lettres à “pédagogie spartiate” cela fait “grands coups de pieds au cul riches en leçons de vie”.
Chef TIS! est un grand professeur.

La leçon du jour : avant de soigner celui qui boite, enfile ses mocassins.

Notre métier sert aussi à relever les gens qui sont tombés, je veux dire : notre métier sert VRAIMENT à relever les gens qui sont tombés. Littéralement.

(PS : je n’ai pas de combinaison Lapin en latex rose, c’est de l’humour. Et de toute façon, inutile de demander, je ne la prête pas, elle est à ma grand-mère.)
PS 2 : BiBi prépare officiellement sa thèse, donc si vous le voulez bien le WE ce sera relâche, on se retrouve lundi avec…. Le Retour du Chef  Viking !!

(Les illustrations sont trouvées sur les réseaux sociaux où elles sont libres de droit ce qui n’est pas le cas sur CenterBlog. Si vous connaissez les artistes, on veut bien connaître leurs noms et l’afficher ! Redde Caesari quae sunt Caesaris)

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Le retour du Stakhanoviste ! Partie 1

(Anecdote racontée par A., mais j’étais là aussi ! Merci !)

(Le chef dont il est question est le même que dans “Stakhanoviste du toucher vaginal”. Si vous aimez les coups de pieds au cul, l’inventeur c’était lui!)
Le stakhanoviste du toucher vaginal…

Chef TIS! : pour les cinéphiles, cela veut dire “Chef This Is Sparta !”

Alors voilà les externes en réunion. Grand messe du jeudi. Chacun présente 1 patient au chef TIS! .
Chef TIS! pratique la “pédagogie spartiate”(si tu changes beaucoup de lettres à “pédagogie spartiate” ça fait “grands coups de pieds au cul”…).
Chef TIS! fait peur : certains jours, faut pas le chatouiller, malheureusement pour nous, c’est souvent.
A. commence :
– On lui a fait une thyrodoido…thyrododo (elle bute)…thyroectododi… Bref, on lui a sorti la thyroïde.
Chef TIS! :
– On lui a QUOI ?
A., avec d’infinies précautions :
– On a retiré la thyroïde native du patient de la loge thyroïdienne, Professeur.
– On dit “thyroïdectomie”. Ça gagne si peu un externe qu’il ne puisse pas se payer une orthophoniste ?
Rire du sous-chef qui doit avoir la langue râpeuse à force de lécher des culs.
Moi, je pense : “Tagada ! Youpla Boum ! Allez ! On peut rien contre l’ambiance ! Allez ! Youpla Boum”
A. finit sa présentation.
Elle veut être urgentiste et les précautions langagières, les urgentistes s’en cognent un peu…
Elle sera une merveille de médecin, la A., le genre que vous serez content de voir tendre sa main par la fenêtre de votre voiture encastrée dans un platane.

Le professeur se tourne vers moi. Je pense encore ” Tagada ! Youpla Boum ! Allez ! On peut rien contre l’ambiance ! Allez ! Youpla Boum” et je me lance :
– …
La suite… Demain… et ça vaut le coup ! Croyez-moi…

(Les illustrations sont trouvées sur les réseaux sociaux. Si vous connaissez les artistes, on veut bien connaître leurs noms et l’afficher ! Redde Caesari quae sunt Caesaris)

Ce “je-ne-sais-quoi” appelé “élégance française”.

(L’histoire c’est L., l’écriture c’est moi)

Alors voilà L. : cheveux longs, rouge à lèvres, grand sourire, joli minois, fringues pas données. Manque juste la paire de Louboutin. Elle est ce que le monde entier nous envie : elle est une “femme française”, digne représentante de ce “je ne sais quoi” que les américains nomment “l’élégance française” (à prononcer avec l’accent).
Elle explique à une patiente de 57 ans les principes de son examen.
– On va vous faire une coloscopie madame.
– Colo-quoi ?
– On met une fibre optique depuis le sigmoïde jusqu’au côlon gauche pour rechercher une anomalie.
– Une fibre-quoi ?
L. qui est d’une patience d’ange :
– Une caméra téléguidée dans le fondement pour voir si il y a un problème.
– Hein ?
L. à court de vocabulaire :
– Euh on va vous mettre un tube dans l’anus pour filmer l’intérieur ?
– C’est quoi l’anus ?
[la patiente a vraiment posé la question !]
– Euh l’anus c’est par là où vous évacuez… Où vous faites la grosse commission.
– Je ne comprends pas
– On va vous mettre un tube dans le trou du cul pour regarder si vos tripailles pissent le sang !
– Ah ! Ben fallait le dire ! Par contre mon mari m’a jamais fait ça alors bon courage ça doit être poussiéreux !

“L’élégance française” n’est pas la qualité la mieux partagée en France, je veux dire : “l’élégance française” n’est VRAIMENT pas la qualité la mieux partagée en France !
À prononcer avec l’accent.

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Les héros très discrets.

Photo de René Maltete

L’anecdote c’est B., l’écriture c’est moi. Merci !

(Hier : mail du conseil de l’ordre “le blog respecte en tout point le respect du secret médical et représente même à cet égard un modèle du genre”. Vous savez ce que cela signifie ? Cela signifie que nous pouvons continuer à nous réconcilier !)
(Pour le fiston de Mr et Mme S. Pour A., un héros très discret.)

Alors voila Roméo et Juliette, 56 et 55 ans, mariés, hospitalisés pour éthylisme aigu.
Plusieurs années déjà qu’ils sont malades de l’alcool. Quand on les hospitalise en service spécialisé nous les mettons côte à côte, dans la même chambre. Ils essaient de s’en sortir ensemble, replongent souvent ensemble.
La situation pourrait prêter à sourire ou même à s’attendrir si le Montaigu et la Capulet n’avaient eu un fils, 27 ans, qui n’a aucune envie de sourire et n’a plus la force de s’attendrir.
À cinq ans, il appelait déjà les secours et roulait ses parents sur le côté pour qu’ils n’inhalent pas leurs vomissements. À cinq ans…
Étonnamment, le fiston s’en sort bien : un petit garçon, un travail stable, petite amie stable, logement stable. Sa vie est “stable”. Il ne touche pas à l’alcool, il en a été vacciné très jeune…
Il connaît la maladie qui grignote ses parents et la combat du mieux qu’il peut : étonnamment, dans toute la merde immonde que l’alcool a déversé sur sa famille, il s’est fait un devoir de protéger son père et sa mère… Seulement lui, l’adulte et l’enfant de cinq ans qu’il a été, qui le protège et qui l’a protégé ?

Quand nous marchons dans la rue, nous ne le savons pas assez, mais nous croisons des héros. Des héros VRAIMENT très discrets.

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De l’évidence des miracles en milieu hospitalier.

(L’histoire c’est S., l’écriture c’est moi, mais elle m’a bien mâché le travail ! Merci !)

Alors voilà Mme F., jeune femme fraîchement débarquée en France.
Elle vient à l’hôpital accoucher de son troisième enfant.
La maternité est petite, les contractions de la patiente viennent de débuter, les chambres sont déjà toutes occupées. On l’installe donc en salle de pré-travail.
Précautionneuse, la sage-femme dit :
– Surtout : appelez-moi s’il y a un problème. Entendu ?
– Bien sûr.
Une heure passe, Mme F. hèle la sage-femme par la porte :
– Pourriez-vous m’apporter une paire de ciseaux s’il vous plait ?
La sage femme entre dans la chambre. Mme F. tient son bébé dans les bras. Tout est tranquille : on pourrait croire que l’enfant est né pendant le sommeil de sa mère.
– C’est pour le cordon, dit Mme F.
– Pourquoi n’avez-vous pas appelé ? s’exclame la sage-femme complètement affolée.
– Vous m’avez dit d’appeler s’il y avait un problème. Il n’y a pas eu de problème.

La vie est un miracle, je veux dire : la vie est VRAIMENT un miracle.

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Ceux qui nous tiennent droits.

A. pour Amélie.
Ce texte devait être lu lors des obsèques d’Amélie. Je n’ai pas pu. La personne qui devait me remplacer n’a pas pu. Je le livre en l’état avec la photo à la demande de la famille. C’est, je crois, la chose la plus intime que nous livrons sur ce site alors, amis lecteurs, pardonnez-nous.

Ceux qui nous tiennent droits.

Alors voilà une soirée à l’internat. On attend des nouvelles d’Amélie qui n’a pas embauché aujourd’hui.
On mange, on discute, on rit. Des bonbons, du chocolat, des blagues.
Les hydrates de carbone font leur effet : L. propose de mettre de la musique. On éteint la lumière, on danse.
On n’est pas inquiet : Amélie a 25 ans et à 25 ans les balles passent à côté.
M. l’interne en pédiatrie a eu une mauvaise journée, elle décide, à 23h de faire du Pilate sur le canapé. On danse dans le noir et elle fait le poirier : contre le mur, contre la chaîne Hi-Fi.
H. débarque de son astreinte, se trouve un coin de table, mange sa soupe dans le noir, nous regarde.
Très (trop ?) joyeux.
M. à son Pilate nocturne, H. à sa soupe, L. et moi à nos gesticulations.
T. et E. fument sur la terrasse.
Le téléphone sonne, H. décroche, la musique s’arrête.

[…]

Ceux qui nous tiennent droits.

C., amie d’Amélie, de garde aux Urgences, a été inquiète toute la journée.
Il est 2 heures du matin, elle nous voit débarquer. Elle comprend, ses yeux rougissent, elle me repousse, a ces mots magnifiques :
– Et maintenant, comment voulez-vous que je fasse mon boulot ?
2 heures du matin, elle sait que son amie est morte, elle pense aux patients dans leurs chambres.
C. interne en médecine générale.
Et moi, de dire : “Je ne sais pas comment tu vas faire ton boulot, mais aujourd’hui, là, maintenant, je sais que quelqu’un va le faire à ta place.

[…]

Ceux qui nous tiennent droits.

On se souvient d’Amélie.

Les gens qu’on aime ne meurent jamais. Ils sont toujours là. Ils sont le doux et le sucré. Ils insufflent en nous le bon, le beau et le fort. Ils inspirent ce que nous sommes de franc, juste et vrai.
Ils sont les bonnes décisions que nous prenons dans la vie. Ils sont le chocolat chaud qui nous attend au bas des pistes en hiver, le vent tiède sur nos joues au printemps ou le parfum qui monte du sol échaudé après la pluie en été. Ils sont le soignant qui relève le soigné, ils sont le fruit généreux et le cri des nouveaux-nés.

Ils sont.

Certains jours nous vivons lâches, vils et méprisables.
Certains jours nous vivons généreux, superbes et triomphants : ces jours là, nos morts sont derrière nous et nous poussent au sublime.
Ils sont ceux qui nous tiennent droits.

On se souvient d’Amélie.
VRAIMENT.

Les amitiés singulières.

Alors voilà Chef Viking et Reine Espagnole, deux chefs aux urgences.

Un jour, Reine espagnole a été appelée sur un accident de voiture, elle a dû annoncer à deux enfants de 8 et 11 ans que leur mère, qui conduisait, ne serait pas là pour les amener passer leur bac et ne viendrait pas le jour de leur mariage.

L’autre jour, Chef Viking a été appelé sur un carambolage, il a dû annoncer aux parents que leur fils unique de 17 ans, né après plusieurs années d’essais de FIV et d’AMP, est mort sur le coup.

Reine Espagnole et Chef Viking ont respectivement un mari et une femme. Ils ont chacun des enfants et ne se voient pas en dehors du boulot, ne vont pas boire de café, ne jouent ni au tennis ni au Scrabble ensemble.

Reine Espagnole et Chef Viking sont simplement collègues.

Parfois, quand c’est dur, quand il/elle a besoin de parler, il/elle appelle l’autre le soir et parle. Il/elle lui confie les mots trop durs et les images trop terribles.
“Parce que, tu comprends B., il y a des choses que personne d’autre ne peut comprendre, que personne d’autre ne peut VRAIMENT entendre.”

Petit aparté : du fait du succès inattendu du site et de l’audience grandissante, les cyniques et les blasés sont arrivés et ont décidé de déverser leur bile. S’il vous plait, passez votre chemin : ici on se réconcilie.

Quant à quelques objections concernant le secret médical, soyez rassurés. BiBi est quelqu’un de cool : il a donc plein d’amis internes dans toute la France. Les histoires racontées ne se limitent pas à son lieu d’exercice. BiBi change SYSTÉMATIQUEMENT les initiales des lieux et des patients, y compris leur âge de quelques années (gentleman : j’en rajoute aux hommes, j’en enlève aux femmes). Beaucoup d’anecdotes remontent à plusieurs années (et oui BiBi est un vieil interne maintenant) et sur des lieux de stages très différents. Enfin, dernier brouillage de carte : qu’importe le Genre pourvu qu’il y ait de l’Humain. Il m’arrive donc très souvent de modifier le sexe du patient cité dans l’anecdote (par exemple la dame qui accouche au Vietnam était en fait un homme…).
PocahonTas d’émotions
Je n’ai qu’un seul intérêt : celui des patients, les (vous/nous) réconcilier avec le monde médical. Et si je réussis avec une seule personne alors je suis heureux et j’ai fait le job.
Allez, à demain, on continue parce que la réconciliation n’attend pas.

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