En guerre et contre tout.

Alors voilà,

En Guerre, on donne des ordres.

En Crise, on donne des moyens.

Devinez quel champ lexical on a choisi d’utiliser ?

Avant-hier soir, allocution d’Angela Merckel à la télévision allemande.

« C’est notre plus grand défi depuis la seconde guerre mondiale ».

Darmanin, ministre, l’autre soir : « pas de polémique en temps de guerre ».

Pauvre choix de mots, certes.

Mais surtout : j’ai peur.

Peut-être suis-je démesurément cynique, mais si j’étais un gouvernement ultra-libéral préparant les peuples à réduire leurs droits sociaux au prétexte patriotique, obligatoire, inévitable, d’une « économie de guerre », eh bien je ne m’y prendrais pas autrement.

La baisse de productivité, ce sera aux travailleurs et travailleuses de la payer. Et la pilule passe mieux quand on use et abuse d’un langage symbolique patriotique, belliqueux, sacrificiel.

Voilà pourquoi je me méfie du champ lexical héroïque et guerrier pour désigner le travail des soignants (« ils partent au front », « ils sont en première ligne », « c’est la guerre » etc).

Je vous renvoie à cet article de Marianne (pas vraiment un journal de gauche pourtant) : le gouvernement pense déjà l’après confinement, un projet de loi prévoit la limitation des congés payés, la fin des 35h, des licenciements facilités, etc.

On dira que c’est de la « relance économique ». Et en ayant abusé du narratif guerrier, héroïque, toute personne qui se lèvera pour protéger des acquis sociaux durement gagnés par nos anciens passera automatiquement pour un lâche ou un traitre à la nation. Parce qu’on sortira « de la guerre ».

Pourtant… Un virus ne nous fait pas la guerre. Quelle idée absurde… Un virus vit sa vie de virus.

C’est le capitalisme, l’épuisement des ressources naturelles, le productivisme effréné, voilà ce qui a déclaré la guerre à l’humain.

Apprendrons-nous quelque chose de cette épreuve ?

37 réflexions sur « En guerre et contre tout. »

  1. dupont

    Guerre est effectivement inapproprié. En revanche, j’aurais bien vu “combat” : contre la maladie, bien sûr, avec le courage que cela implique, pour les soignants entre autres, mais aussi pour tous ceux qui continuent de travailler, de livrer, de réparer…

    Et combat aussi contre les attitudes non-solidaires, qui seront les premières à s’exprimer si on n’y prend pas garde : que les autres se crèvent la paillasse pour que je puisse continuer à bénéficier de mes petits avantages.

    Donc, pour une fois, pas tout à fait d’accord avec vous !

    1. Anne

      je partage votre point de vue
      je suis même plus sévère : j’appréhende une sorte de guerre civile, menée par de petits groupes armés et sans foi, ni loi… pour grappiller ce qui resterait
      aux USA, certains s’y préparent activement, voyez in “le courrier international”

      sans aller dans ces extrêmes que j’espère nous ne connaîtrons pas, il est certain qu’à la longue, ce deviendra difficile pour certains de manger quand il n’y a pas de rentrée d’argent, puisque sans job, sans pension, sans revenus financiers ou immobiliers… comment feront-ils ? font-ils ?

      pourtant, quand je vois les actions de bienveillance, de soutien, d’entraide… alors je garde espoir

  2. genevieva

    le mot guerre n’est pas à utiliser par nos politiques, nous ne sommes pas en guerre mais en devenir, cela mettra peut être du plomb dans la tête de certains, c’est à souhaiter, nous allons tous réfléchir à plus d’humanité à partager cet argent qui détruit le monde, tous on en a besoin pour vivre se nourrir élever ses enfants mais pas à faire des fortunes accumulées qui ne servent pas lorsque l’on devient poussière, et cela on doit le comprendre on n’est qu’un passage sur cette terre, alors gardons la belle, sereine, pour tous les humains et agissons pour le bien de tout le monde, noir, blanc, jaune, beaux, moins beaux, handicapés, et réussissons ce changement de société, mais je pense que je ne le verrais pas et c’est vraiment utopique, alors REVONS

    1. Jipce

      Oui Genevieva – cette crise pourrait être un nouveau point de départ pour un virage dans nos comportements . Trop de richesses accumulées par quelques uns – au prix d’une destruction de notre environnement – et pas assez pour l’immense majorité des humains ET de la biodiversité .
      Mais peut-être aussi sommes-nous TOUS trop riches ( de matériels – de déchets – de gaspillage etc) –
      La surconsommation nous concerne tous .
      Je suis tenté de mettre à part les biens culturels – même s’ils sont eux aussi à l’origine d’un immense gaspillage de papiers (livres et journaux) – ou de matériels électroniques quand les supports culturels sont immatériels .
      Cette crise que nous traversons devrait nous faire réfléchir à tout ça – et à prendre les bonnes décisions au jour le jour et ce dès aujourd’hui .

  3. Nadine

    de nouveau… BRAVO et merci. Prenez soin de vous (je sais c’est facile à dire en ces temps où les soignants sont exposés sans protection en 1ère ligne) mais essayez quand même 😉

  4. Rodjeur 69

    Bien sûr que ça sera différent, une fois cette pandémie résolue. Mais certains risquent d’être étonnés : pas sûr que la police reste du même côté de la lutte à venir. Elle qu’on envoie au charbon sans protection, elle ne va pas accepter de passer encore une fois pour les méchants…
    C’est sûr que l’après guerre va apporter du changement !

  5. delia

    Bien vu, je pense la même chose que vous. Tout les prétextes même les pires situations sont bons pour parvenir à leurs fins. Ils n’ont qu’une idée en t^te nous faire plier, nous asservir. Non ils ne veulent surtout pas le bien des populations. Ils veulent s’en servir et les contraindre par tous les moyens. C’est une de mes certitudes, elle n’est pas prête de tomber, bien au contraire, chaque heure qui passe la confirme.

  6. Mélanie Coudreuse

    Des moyens effectivement on en manque cruellement encore plus quand on est à Tahiti, Polynésie FRANÇAISE, non? Et pourtant ici on nous dit qu’on n’a pas les moyens de faire le nombre de tests nécessaires…!
    Les coréens ont trouvé les moyens mais nous non ! Mais enfin c’est quoi le délire ? Sous prétexte qu’on est loin on ne nous envie pas les moyens dont dispose la métropole ? Comment allons nous faire pour nous protéger ? Et pour encore dans nos îles, celles qui n’ont même pas un médecin pour les osculter? Cette crise exacerge les problèmes déjà présents. A nous de voir ce que nous apprenons et ce que nous changerons et ce que nous garderons de nos vieilles habitudes. Mais gardons l’oeil ouvert et renseignons nous sur la pilule avant de l’avaler. N’acceptons pas qu’on nous la fasse avaler de force, la période de crise sanitaire très grave que nous traversons ne doit pas nous faire accepter tout et n’importe quoi une fois qu’elle sera fini, gardons l’oeil ouvert et l’esprit vif.

  7. Pretty woman

    Moi aussi j’ai peur. Pas seulement du virus mais de tout ce qui va découler de ces événements… J’espère et j’attends l’après mais je l’appréhende énormément.
    Prenez toutes et tous soin de vous.

  8. AnneduSud

    La suite risque d’être compliquée. Pour le moment, toutes mes pensées vers toi et vers tous ceux qui luttent. Dont mon mari…

  9. Cecile FERON

    Hello, je suis une grande utopiste, cela me perdra sans doute mais j’espère au contraire une espèce de prise de conscience, une forme de “reset” du monde qui ne serait plus qu’économique et axé sur la fortune. Je pense que nous avons à prendre une autre forme de pouvoir, celui de la vraie démocratie, des vraies valeurs … peut être que justement ce confinement est là pour nous faire comprendre des choses … Je vous l’avais dit, je suis utopiste !
    En Belgique ces choses là n’ont pas encore été dites mais bon, ça suivra peut être … ou pas ! Prenez bien soin de vous !

  10. Valérie

    Le processus de reduction des acquis sociaux était déjà engagé au moins depuis la présidence sarkozy mais c est vrai que Macron aime les discours de Pere de la Nation, les heros aux Invalides, la répression policière et le contrôle des sources des Medias

  11. Linette

    SI juste, bien sûr c’est uniquement la “faute” des petits, des humbles, pas des nantis décideurs de la vie d’autrui. Mon père et mon grand père font partis de ces modestes qui ont participé activement à obtenir des acquis sociaux. Ils doivent se retourner dans leurs tombes ! Pauvre de nous, dirigé par des comptables financiers.

  12. Milie

    Tout comme Cécile j’espère que cette catastrophe histoire redonnera de la valeur à tout ce qui nous entoure tout ce dont nous avons vraiment besoin.
    Il faut y croire…

    Et bravo à tout le personnel soignant et aide soignant. Merci !

  13. Belén

    “NOUS NE SOMMES PAS EN GUERRE et n’avons pas à l’être…
    Il est intéressant de constater combien nous ne savons envisager chaque événement qu’à travers un prisme de défense et de domination.
    Les mesures décrétées hier soir par notre gouvernement sont, depuis ma sensibilité de médecin, tout à fait adaptées. En revanche, l’effet d’annonce qui l’a accompagné l’est beaucoup moins.
    Nous ne sommes pas en guerre et n’avons pas à l’être.
    Il n’y a pas besoin d’une idée systématique de lutte pour être performant.
    L’ambition ferme d’un service à la vie suffit.
    Il n’y a pas d’ennemi.
    Il y a un autre organisme vivant en plein flux migratoire et nous devons nous arrêter afin que nos courants respectifs ne s’entrechoquent pas trop.
    Nous sommes au passage piéton et le feu est rouge pour nous.
    Bien sûr il y aura, à l’échelle de nos milliards d’humains, des traversées en dehors des clous et des accidents qui seront douloureux.
    Ils le sont toujours.
    Il faut s’y préparer.
    Mais il n’y a pas de guerre.
    Les formes de vie qui ne servent pas nos intérêts (et qui peut le dire ?) ne sont pas nos ennemis.
    Il s’agit d’une énième occasion de réaliser que l’humain n’est pas la seule force de cette planète et qu’il doit – ô combien- parfois faire de la place aux autres.
    Il n’y a aucun intérêt à le vivre sur un mode conflictuel ou concurrentiel.
    Notre corps et notre immunité aiment la vérité et la PAIX.
    Nous ne sommes pas en guerre et nous n’avons pas à l’être pour être efficaces.
    Nous ne sommes pas mobilisés par les armes mais par l’Intelligence du vivant qui nous contraint à la pause.
    Exceptionnellement nous sommes obligés de nous pousser de coté, de laisser la place.
    Ce n’est pas une guerre, c’est une éducation, celle de l’humilité, de l’interrelation et de la solidarité.”

    Sophie Mainguy, médecin urgentiste

    1. natou

      Je venais pour relayer ce propos que j’ai trouvé très juste, vous l’avez fait, merci !

      Cher.e.s soignant.e.s ne vous laissez pas avoir par l’héroisation. Un héros ça réussit quelles que soient les conditions, ça ne demande pas des trucs aussi trivaux que de l’argent et des masques… Et ça arrange bien les ordures calculatrices qui ont laissé s’installer cette situation qui a besoin de héros.

      Vous êtes déjà toustes des héros et héroïnes au quotidien, a faire tourner cet hopital qui prend l’eau de toutes parts… a sacrifier votre revenu en une grève pas écoutée.

      On ne vous laissera pas seule pour la suite. Quand on sortira de confinement, les manif vont fleurir (et pitié, que ceux pour qui ce confinement est un ralentissement en profitent pour réfléchir à d’autres moyens d’action !!)

  14. mimi

    Je pense que oui. Ce qu’on vit en Alsace, là, déjà, ne pourra jamais s’oublier. Des étudiants en 4è année déjà réquisitionnés pour des urgences au CHU, en réa la semaine prochaine. Ils vivent déjà des choses qu’aucun des médecins qui les forment n’avaient vécu avant eux. Des Ephad où on meurt à tours de bras (savez vous que ces morts ne sont pas comptabilisés Covid?). Et beaucoup, beaucoup de malades (très faiblement malades) quasi toutes les personnes à qui j’ai parlé aujourd’hui ont des symptômes. Alors que les écoles sont fermées depuis 2 semaines ici. Tout ce qui n’est pas Covid ou vital arrêté. Imaginez ce que ça veut dire. C’est inimaginable. Personne ne pourra oublier.

  15. Nadezda

    Je suis totalement consterné par la gestion stupide et irresponsable de cette crise mais après réflexion je suis convaincue que tout cela est voulu pour se débarrasser d’une tranche de la population. Par contre je ne comprend pas que le corps médical a été laissé sans protection, je suis scandalisé. Avec 7 ministres de la santé , oui en Belgique on en a 7, aucun n’a pensé a vérifier les stocks de masques , gants et gel. C’est encore du grand n’importe quoi, les 7 doivent être virés, la Maggie De Block la première.
    L’avenir m’angoisse, il y aura un avant et un après covid-19.
    Prenez soin de vous.

  16. Roulant

    Rien ne sert d avoir peur mais … un peu emmène à la prudence, voire à la resistance de toute façon a la vigilance. On enlève autant que faire se peut la peur. On n.est pas en guerre. Mais bien en vigilance, avec des combats à mener.
    Je suis médecin du travail, observateur du travail… je le vois bien dans les tuyaux des puissants et de ceux qui les servent… ce que vous dites… ce sera tellement tentant malgré les si beaux discours et qlq mesures très pertinentes.
    C’est si gravement vrai ce que vous dites…
    Bien à vous
    Bien à nous
    Car enfin, on est coresponsable de ce qui a permis que cela arrive, de ce qui se déroule et se déroulera… et je ne parle pas que de l.évolution de l’épidémie virale mais de toutes nos interactions avec les vivants.
    A notre humanité possible…

  17. VIZZARRI

    Tout comme Cécile,

    Optimiste je suis née, optimiste je trépasserai…;)

    Prenez bien soin de vous Baptiste:)

    P.S. : MERCI à toutes les Petites et grandes mains qui œuvrent chaque jour : soignants, pompiers, caissiers, caissières, programmateurs informaticiens, livreurs à domicile, facteurs et factrices, enseignants…!!!!:)

  18. Barjavel

    Bonjour je suis personnel hospitalier administratif. Il y a quelques jours je ne comprenais pas pourquoi on ne renvoyait pas le personnel administratif, car je considérais prendre les masques des soignants.
    Aujourd’hui, je suis en arrêt car je dois m’occuper de mon mari qui ne supporte pas le confinement, et de mes enfants, mais j’apprends par une collègue qu’on lui demande d’aller en salle pour aider.
    J’avais peur de prendre les transports, et maintenant j’ai peur de mon mari et je préférerais aller travailler.
    Bon courage à tous

  19. Georges

    Bonjour,
    oui, comme Dupont moi aussi pour une fois pas du tout d’accord avec vous. Peut-être que les mots choisis ne sont pas les plus habiles, peut-être qu’ils auraient pu faire et dire mieux, mais n’empêche, il y a besoin de mots et de gestes et de décisions forts puisque trop de gens ont un comportement irresponsable qui risque de nous conduire comme l’Italie aujourd’hui, comme l’Espagne demain et comme beaucoup de pays dans un avenir proche, à la saturation de tous les services de réanimation. A quoi cela sert-il de prédire que Blanquer va supprimer les vacances des enseignants, que le gouvernement va profiter de tout cela pour détruire le droit du travail et abolir définitivement nos liberté ? Ne vous faites pas l’écho des discours populistes. La situation est effectivement extrêmement grave. J’ai quelques amis immunodéprimés qui sont seuls chez eux et ne voient personne. Ils risquent de mourir s’ils attrapent cette maladie. Ils le savent, nous le savons. Avec mes amis, nous communiquons beaucoup par internet. Nous rions, nous pleurons, nous nous disons des choses tendres. Nous soutenons ceux d’entre nous qui sont au front tous les jours à l’hôpital et qui nous rassurent en cachant leur souffrance. Nous n’avions peut-être jamais autant parlé ensemble. Moi j’espère, après tout ça, quand nous aurons pleuré nos morts, que nous aurons la force de reconnaître que les vraies valeurs ne sont pas dans la consommation effrénée, mais dans la richesse des relations humaines et dans la prise de conscience que la vie frugale que nous sommes contraints de mener a tout de même de bons côtés.

  20. p

    Le choix de vocabulaire de Macron est délibéré. Alors prenons-le au pied de la lettre! Après la guerre vient l’Armistice. Cette guerre ou combat nous savons déjà qu’on va la gagner, alors pensons à la suite. Est-ce qu’on veut un traité de Versailles qui conduit 20 ans plus tard aux mêmes problèmes en pire ? Ou saurons-nous tirer les leçons de la situation et changer fondamentalement notre fonctionnement? Laissons-les gérer la crise actuelle et ne pas lâcher après pour ne pas reproduire les erreurs du passé. Il n’a fallu que d’un ‘petit’ virus pour penser à abandonner nos libertés fondamentales, à avoir moins le droit de sortir qu’en Corée du Nord…

  21. Barbline

    Bonjour,
    je suis d’accord avec vous que le langage est important et peut être révélateur et que le champ lexical de la guerre n’est pas du tout approprié dans cette situation.
    J’étais juste étonnée par la citation du discours d’Angela Merkel, puisque j’avais entendu ce discours et ce qui m’était resté en mémoire n’était pas du tout l’image de la guerre. D’ailleurs le mot guerre n’était utilisé qu’une seule fois et dans la même phrase que la réunification de l’Allemagne, c’était plus une référence historique qu’autre chose. Les messages importants du discours étaient la responsabilité de chacun / chacune et la solidarité.
    J’espère tout comme vous que cette situation nous apprendra à remettre en cause certaines des faux valeurs de nos sociétés.

  22. Clem

    D’accord à 3000%!!!
    La gestion est scandaleuse, à tous les niveaux.
    Je vous lis et écoute depuis des années et vous avez svt raison Baptiste, mais on n’écoute pas svt les gens du terrain, hélas.
    Bon courage à vous et à tous les autres aussi!

    1. Baptiste Beaulieu Auteur de l’article

      Ben non, je ne pense pas. Sauf à considérer que Natacha Polony est la réincarnation de Bouboulina…

  23. Chrisalpine

    Entendu encore ce lundi matin( 6 avril) vous avé raison d’enfoncer le clou! En période de guerre , c’est marche droit comme un bon petit soldat . Si tu meurs , tu auras une medaille .
    On saura se souvenir , on se fera entendre , et on dira ce qu’on ne veut plus accepter

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