Petit coup de gueule (ben oui, ça faisait longtemps)

(Dessin : Joséphin Bastiere, un artiste incroyable. Je vous encourage à visiter son site : ICI)

Alors voilà..,

L’autre jour, une jeune fille de 17 ans entre au cabinet médical et me demande :

« Bonjour, je voudrais savoir si le vaccin contre le papilloma virus est recommandé pour les jeunes lesbiennes ? ».

Que dire ? Je ne sais pas. J’en suis resté à l’idée très très floue que le papilloma virus -qui est responsable entre autre du cancer du col de l’utérus- s’attraperait essentiellement en passant des muqueuses masculines vers les muqueuses féminines.

Alors oui, j’ai eu de formidables professeurs de medecine, des hommes et des femmes extraordinaires, mais le cas particulier des lesbiennes, on ne me l’a pas appris à la fac.

Les études françaises sur le sujet sont inexistantes (presque autant que les lesbiennes invitées sur les plateaux TV pour causer de la PMA en ce moment, soit dit en passant).

Les seules études que j’ai pu trouver sont américaines et elles sont assez rares.

Rendons-nous compte : les personnes trans, bi, lesbiennes, gays, représentent 4 à 7% de la population et pourtant elles restent l’angle mort de nos facultés de médecine. Ce ne serait qu’une discrimination de plus si, en l’occurrence, l’angle mort n’était pas… mortel.

Parce qu’on ne nous l’enseigne pas, parce que la santé des minorisées sexuelles comme les lesbiennes n’intéresse personne, parce que la médecine est excessivement normative, parce que nous avons peur de dire à nos patientes « je ne sais pas madame on ne me l’a pas appris », parce que TOUT ÇA, les femmes lesbiennes sont en moyenne 4 fois moins vaccinées contre le Papiloma virus que les femmes hétérosexuelles.

QUATRE. FOIS. MOINS.

Aux USA, on estime que 35% des femmes lesbiennes ne se sont jamais vues proposer de frottis de dépistage parce que nous, les médecins, croyons qu’elles en ont moins besoin que les femmes hétérosexuelles. Ce qui est faux, ARCHI FAUX !

N’imaginons pas que l’homophobie, ou la lesbophobie, ou la transphobie se cantonne à de pauvres types bas du front dans la rue qui violentent des personnes transgenres à la sortie du métro Place de la République en criant « à mort les guouines et les Pd ».

Le cancer du col de l’utérus est le deuxième cancer féminin dans le monde (274 000 décès en 2002).

Combien de femmes lesbiennes mortes doucement, sans bruit, sans même savoir que la raison précise pour laquelle elles sont passées sous les radars diagnostics est que notre système de santé est hétéronormatif ? Combien ?

21 réflexions sur « Petit coup de gueule (ben oui, ça faisait longtemps) »

  1. Anne Marie Magnier

    et oui…
    Une de mes patients trans, m’a demandé de ne pas l’écrire dans son dossier. Car depuis son opération, à chaque fois qu’elle en parlait à un médecin, celui ci n’avait de cesse de l’examiner pour voir comment elle avait été transformée . Je ne l’ai jamais examinée et je n’ai rien mis dans son dossier. Je me suis dit que mes internes, si par hasard, tombaient sur ce dossier me trouveraient piètre médecin car je l’inondais d’hormones sans jamais faire de frottis. J’ai assumé et cela ne s’est jamais produit.
    J’étais surtout honteuse de l’attitude de mes collègues : medecins centrés sur les prouesses techniques plus que sur l’être humain qui vient les consulter.
    Continuez à vous indigner.

  2. Lorraine

    Je m’excuse mais je vais poser completement idiote mais est ce que on peut l’attraper lors de relations sexuelles buccales..par exemple une bi avec une homo?

    1. Etheran

      La question de la transmission du papillomavirus par relation buccales est intéressante, mais je ne vois pas l’intérêt de mentionner une orientation sexuelle dans ce cas.

    2. karine_Frim98

      je n’ai pas la réponse à cette question mais sachez qu’ AUCUNE QUESTION n’est idiote en matière de prévention, que ce soit pour les MST ou le reste d’ailleurs… ;o)

  3. martine

    une de mes patients ????…
    il faut déjà choisir entre le masculin et le féminin, voire le neutre…
    ou c’est volontaire pour brouiller les pistes, ou c’est un superbe lapsus très freudien…

  4. SANNIER Francoise

    On vit vraiment à l’âge de pierre
    Quelle honte pour l’enseignement médical
    Heureusement qu’il y a des médecins humains
    Merci

  5. Anne

    En même temps il me semble que les recos c’est de vacciner toutes les filles à partir d’une dizaine d’années, et on parle d’élargir aux garçons… je ne vois pas pourquoi l’orientation sexuelle entrerait en ligne de compte dans l’indication d’un vaccin qui prévient des cancers !

  6. Fred

    Ben d’abord jamais un patient ne m’en a voulu quand j’ai répondu » je sais pas,je vais me renseigner et je vous rappelle ».
    Mais il faut dire que j’ai eu des profs qui m’ont dit eux mêmes: je ne sais pas tout sur le sujet,mais revenez demain j’aurais des éléments de réponse.
    La sexualité étant sujette à variations,même occasionnelle ou de curiosité,il vaut mieux proposer le vaccin à tout le monde,non?
    J’ai bien écrit proposer.

  7. Brigitte Lajugie

    On peut toujours faire ce vaccin : qui dit que dans quelques années cette femme n’aura pas un, peut-être un seul, rapport avec un homme ? En attendant, si cela ne lui fait pas de bien, cela ne lui fera pas de mal !

  8. laurence

    bonjour
    Ce que j’ai du mal à comprendre c’est pourquoi ce vaccin est préconisé pour les femmes et non pas pour les garçons (à part les homosexuels ou bi de moins de 26 ans si j’ai tout compris) alors que le papilloma virus est transmissible par l’homme ? une raison technique, sociale.. j’aimerai que l’on m’explique?
    je sais que c’est en discussion pour que hommes/femmes soient vaccinés sans distinction mais pourquoi encore simplement en discussion et non pas appliqué?

  9. b2c

    Permettez-moi de tenter de défendre la Médecine française et de modérer l’article initial.
    Les médecins ne peuvent assimiler tous les maladies, et encore moins les particularités concernant des populations spécifiques. Y a t’il un médecin qui maitrise parfaitement le déficit en G6PD des populations arabes, la béta-thalasémie des africains, la maladie périodique des Turcs, et l’ensemble des IST, dont la papillomatose des lesbiennes ? Je ne crois pas
    Moi, médecin, j’assume mon ignorance : je ne sais absolument pas si le papillomavirus peut se transmettre aux jeunes femmes homosexuelles, et si cela représente un risque pour elles.
    Mais parce qu’elle m’a demandé de répondre à une question qui la perturbe, je me dois de l’écouter, et d’y répondre. Je vais donc appeler un collègue virologue, un pote gynécologue, et je reviendrai vers elle avec une réponse (ou pas).
    Je vous tiens au courant

  10. Giroflée

    Un angle mort qui n’en est plus vraiment un pour le coup : ) Angle mort ou pavé dans la mare, l’essentiel c’est de faire avancer le débat et on ne peut pas rêver meilleur porte-voix que vous Baptiste Merci : )

  11. Anne lise

    L’HPV se transmet très bien par contact manuporté.
    Il est responsable de 3000 cancers du col de l’uterus, 190 cancer vulve et vagin, 1400 cancers de l’anus, 1680 cancers de la gorge (dont le conjoint d’une de mes patientes) et 90 cancers du pénis PAR AN SEULEUMENT EN FRANCE !
    L’HPV ne concerne pas que les femmes hétérosexuelles, mais potentiellement toutes les femmes et tous les hommes…
    Et la vaccination contre l’HPV est remboursée depuis peu (de façon expérimentale) pour tous les garçons dans les régions Grand Est et Rhône-Alpes Auvergne.
    Merci Baptiste !!!

  12. Audrey

    Bonjour Baptiste,
    D’abord un grand merci pour ce blog que je commente pour la première fois. Mon commentaire ne concerne pas directement votre coup de gueule (avec lequel au demeurant d’adhère à 100%).
    Je suis tombée récemment sur un article d’un blog (que vous connaissez déjà peut-être), sur ce vaccin, que je me permets de partager: http://www.martinwinckler.com/spip.php?article908
    Etant totalement profane en médecine, je trouve néanmoins que l’argumentation de cet article est solide et convaincante. Cela m’interroge beaucoup en termes de santé publique et de coût pour la collectivité, sachant qu’une dose du vaccin coûte autour de 100 euros il me semble. Je serais donc curieuse de connaître votre position globale sur la question, si vous re-passez par là et que vous avez un instant pour cela.
    Bonne journée 🙂

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