L’autre côté de la barrière.

Texte de ma consœur Claire (je suis en congés cet été, je termine mon prochain roman, je partagerai donc seulement des textes de patientes ou de soignantes. Photos : ICI )

Bonjour Baptiste,

Je lis avec grand plaisir votre blog depuis vos débuts et j’ai aussi lu tous vos livres.

J’ai 33 ans, 2 enfants de 4 et 6 ans, et je suis (ou plutôt j’étais) médecin de famille (pas seulement généraliste, mes patients me le disent et vous le diraient aussi). Depuis le plus loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu faire ce métier, ou plutôt toujours eu cette vocation, m’occuper des autres. Je soignais des familles entières des arrière grands parents aux arrière-petits-enfants.

J’ai fait mes études au CHU de J., j’exerçais dans l’Aude dans un petit village. Une petite vie heureuse et bien remplie, et les matins, lorsque je poussais la porte de mon cabinet, et que j’en sentais l’odeur, une sensation de bien être et de bonheur d’être là s’emparait de moi à chaque fois.

Un lundi soir après mon cours de gymnastique, lors du moment que la prof appelle « retour au calme » (c’est de la relaxation) j’ai ressenti une sensation vasculaire inhabituelle au niveau abdominal. Et en rentrant chez moi, je me suis gratté le cou et j’ai trouvé une adénopathie sus claviculaire droite. Je n’ai pas bien dormi la nuit qui a suivi, la sensation d’avoir une masse battante dans mon ventre, et puis ce ganglion. Le lendemain matin, 10 visites, m’occuper des autres, c’etait dans un coin de ma tête, mais pas aussi présent. J’ai parlé de l’adenopathie à une consœur qui m’a dit : « va faire une bio et fais quand même une échographie abdominale et une radiographie thoracique dans une semaine si ça persiste ». Bio faite et parfaite. Mais 2 jours après la sensation de masse battante abdominale est toujours là, plus présente encore. Il y a des antécédents familiaux d’anévrisme chez moi, je demande donc à une copine médecin vasculaire de me faire une échographie l’après-midi même : « Tu vas pouvoir bien dormir ce soir Claire, tout est parfait ! »

Oui mais moi je sens bien que quelque chose ne va pas. Le soir après l’echo des douleurs basi thoraciques droites vont commencer, elles seront insomniantes et iront crescendo jusqu’au diagnostic. Au début j’espère qu’un zona va sortir, c’est bête comme on essaie toujours de se rassurer, j’ai guété l’éruption pendant plusieurs jours, et puis la fatigue le samedi, et la petite toux sèche le dimanche, et le ganglion toujours là… Je savais que j’avais un épanchement pleural et la petite case « lymphome » clignotait déjà dans ma tête. J’ai lâché le mot à mon mari et ma mère, mais aucun ne l’a entendu.

Le lundi matin je suis allée consulter mais pour la première fois de ma vie, je n’y étais pas : la douleur, la fatigue, et l’inquiétude pour moi même. A midi je suis allée faire une radiographie thoracique : j’ai bien un épanchement pleural et mon médiastin est tellement élargi que j’ai fait un malaise vagal en le voyant.

L’après-midi le scanner a retrouvé une masse mediastinale de 10 par 11 cm qui comprime l’artère pulmonaire : mes confrères ont appelé l’oncopole. Je suis rentrée le lendemain à l’hôpital L. pour initialement une biopsie mediastinale qui s’est transformée en une ablation de l’adenopathie sus claviculaire. Couac sur couac : je suis hospitalisée en pneumologie allergologie, je vois un premier interne de chirurgie thoracique qui me dit qu’il va m’opérer le lendemain (alors qu’il sait déjà qu’il n’en sera rien), il me présente ensuite un interne plus jeune : « Je vous présente Alix qui sera avec moi demain au bloc. »

Le lendemain le bloc est désert : il y a une opération sous robot à l’autre CHU, ils y sont tous pour voir, sauf Alix. L’infirmière au bloc opératoire a ouvert mon dossier, elle lit : « biopsie mediastinale ». Je lui réponds : « Ah non, je suis marquée au niveau du ganglion ». Puis elle dit : « Mais Alix, tu n’attends pas Pierre pour commencer ? » et Alix de répondre : « Il est à l’autre CHU ! » L’intervention durera 1h30 à la place du quart d’heure initialement prévu. Et depuis j’ai un lymphocèle qui me gêne beaucoup et a dû être ponctionné à plusieurs reprises.

De retour en chambre Alix passe me dire : « C’est bon vous pouvez sortir, on aura les résultats dans deux semaines ! » Là c’est trop, je lui demande de contacter expressément les hématologues de l’oncopole, que j’avais eu au téléphone la veille de mon hospitalisation, et qui m’avaient donné un numéro d’urgence à faire dans la nuit que je passais chez moi si ça n’allait pas. Je me sens oppressée et refuse de rentrer chez moi dans ces conditions. Ils me garderont 3 jours en tout (mardi mercredi et jeudi), non sans remplacer par 2 spasfon mes corticoïdes du jeudi matin 😂. J’ai très vite pris le parti d’en rire, de rectifier leurs erreurs et d’en rire, que faire d’autre.

Mes confrères et mon cousin médecin ont contacté les anatomo pathologistes (qu’ils connaissent) de l’oncopole où est partie ma pièce opératoire pour qu’ils la regardent très vite. Tous sont très inquiets.

Je suis rentrée chez moi le jeudi soir, le vendredi matin, je suis passée au cabinet et un confrère m’a ausculté : l’épanchement pleural s’est majoré, l’oppression thoracique et les douleurs sterno chondrales sont permanents. Je lis l’inquiétude sur leurs visages : « Maintenant tu vas dans le cabinet, tu prends le téléphone et tu appelles l’hématologue, sinon c’est nous qui le faisons ! » Je l’ai fait, j’en tremblais de peur, d’angoisse, de voir des adénopathies cervicales sortir comme des champignons en quelques jours à peine. 15 jours d’anapath, ce n’était pas possible. L’hématologue me dit que les résultats tomberont l’après-midi même, au pire le lundi.

Le vendredi soir, nous sommes en train de visiter l’école de mon cadet qui fera sa première rentrée en septembre. Le téléphone portable capte mal, mais c’est « hématologie » qui s’affiche. La secrétaire me dit : « Vous êtes attendue en hématologie protégée à 19 heures (il est 18 heures et nous avons plus d’une heure de route, et il faut appeler mes parents pour qu’ils gardent nos enfants), donnez moi vos coordonnées et celles de votre personne de confiance pour que l’entree soit faite plus rapidement ! » Cela capte mal et coupe à plusieurs reprises, nous quittons l’école précipitamment, moi toujours au téléphone.

Pour moi c’est que l’anapath est tombée et que c’est tellement agressif que c’est très urgent. C’est la première fois que je perds pieds devant ma famille et surtout devant mes enfants, la terreur de ne plus les revoir s’empare de moi. Chaque jour depuis qu’ils sont nés je leur ai dit que je les aimais, ça c’est bien déjà, je n’aurais pas ce regret. Je pars avec mon mari en pensant ne jamais les revoir.

Dans la voiture, je dis comment je voudrais être incinérée à mon mari et quoi faire de mes cendres. J’ai l’impression que je vais mourir de manière imminente. Tout cela n’est pas rationnel mais j’ai cessé de l’être quelques heures ce jour là.

Voilà, depuis 1 mois et demi je suis hospitalisée en hématologie protégée pour le traitement d’un lymphome lymphoblastique T. Rien que son nom semble barbare. Il se traite comme une leucémie. Donc 3 ans de chimiothérapie, les médecins ont annoncé la couleur d’emblée : 3 ans sans travailler pour moi, je serai immunodeprimée, donc impossible d’être au quotidien en contact avec des personnes malades. Quelle ironie…

Demain je pourrai enfin rentrer chez moi et revoir mes enfants car ils sont interdits dans le service ces petits nids à microbes. J’ai eu une chimiothérapie d’induction, et là direct en suivant le premier bloc de chimiothérapie de consolidation. Le TEP scan dit : rémission complète, tout le monde se réjouit, les médecins, mon entourage, je reste sur ma réserve. Les nausées et la fatigue sont mon lot quotidien, mais je tiens bon pour mes enfant et mon mari. Je serai rapidement en aplasie à la maison, donc moins de câlins avec mes enfants, ça ça va être difficile. Mais 14 jours à la maison quand même, ça me semble un cadeau depuis tout ce temps bloquée ici.

Merci de m’avoir lue Baptiste.

Mes enfants me manquent, mes patients me manquent…

Claire.

45 réflexions sur « L’autre côté de la barrière. »

  1. Carok

    ….
    ….
    Cette histoire illustre à merveille ma peur des hôpitaux. Courage à elle, bonne guérison maintenant que ce semble en bonne voie, et merci de son témoignage (même si je retourne chez le psy lol).

  2. Fleur4429

    Bonjour
    Prompt rétablissement à vous
    Prenez soin de vous
    Que d émotion à la lecture de votre texte mais aussi de la colère et de l impuissance car je comprends aussi que c est grâce à vos connaissances et votre réseau que votre prise en charge à pu être plus efficace

  3. Carole

    Courage !
    Tenez bon, pour eux mais surtout pour vous !
    Votre famille a besoin d’une maman, épouse, fille, amie, cousine, etc.
    Ils me l’ont tous dit APRÈS.
    Vous allez y arrivez, j’en suis convaincue.
    Carole

  4. Louise

    Toutes mes pensées pour vous Claire, prendre soin de vous et laissez les autres prendre soin de vous également doivent être votre priorité. Il faut savoir se faire chouchouter, vous avez beaucoup fait pour les autres.
    Même conseil pour vous, Baptiste, pensez à vous !
    Bel été entouré des vôtres !
    Louise

  5. Islita

    Bon courage à vous, merci pour votre témoignage, on vous envoie plein de bonnes ondes on est avec vous. Ma petite soeur a eu une leucémie, elle s’en est sortie même si nous avons eu peur plus d’une fois de ne plus la revoir. J’imagine qu’il est encore plus dur d’être du coté des patients lorsqu’on est soignant soi même.

  6. kamille

    même physiquement à bout, vous avez gardé votre sens critique et votre désir de sortir de ce gouffre… respect ! c’est affolant tout de même : si vous n’étiez pas de la partie, médicale j’entends, que seriez-vous devenue ? affolant
    heureuse et belle vie pour vous et les vôtres !

  7. Françoise Bofill

    bon courage Claire et bon rétablissement. Merci pour ce témoignage très personnel et émouvant. C’est bon de savoir qu’il y a quelque part des gens comme vous pour prendre soin de nous…mais pas très rassurant pour tous ceux qui doivent passer par la case maladie et hôpital ou clinique et qui ne sont ni médecin ni infirmière. Je vous embrasse

  8. Carolinelamalouine

    La maladie n’arrive pas qu’aux autres hélas. Bravo pour votre parcours bienveillant avec tous vos malades. Espèrons que vous croisez aussi de tels médecins, infirmières, audes soignantes, secrétaires, ambulanciers… sur votre chemin. La route est longue, nourrissez vous de l’amour de votre famille et de vos proches pour tenir la distance. Chapeau: vous êtes une sportive de haut niveau…

  9. agnes

    Vous êtes médecin, vous avez pu exprimer vos symptômes, vos douleurs avec les mots adéquats , vous avez pu avoir les bons interlocuteurs………. malheureusement quand on sent que quelque chose ne va pas mais qu’on n’ arrive pas à l’exprimer avec les bons termes, on n’est pas pris au sérieux 🙁 Pensez à vous et vos enfants d’abord. amitiés

  10. Isabelle

    Toutes mes pensées à vous pour une rémission tellement durable que ça sera une guérison.
    Je vous comptends parfaitement car peu m’importe pour moi (j’ai déjà failli mourir deux fois) mais juste voir un peu grzndir ma poupette.
    Je vous adresse du fond du cœur toutes mes prières.

  11. 40

    Courage! C’est absolument effrayant. Heureusement que vous étiez de la partie, et encore. Tous mes voeux de bon rétablissement, pensez d’abord à vous, le reste suivra.

  12. AnneduSud

    Claire, toutes mes bonnes ondes et mes pensées sont pour vous. Sans doute un peu moins de câlins aux enfants mais vous allez pourvoir continuer à leur dire que vous les aimez. Je vous embrasse fort.

  13. Rofine

    Claire, je viens de lire votre témoignage avec beaucoup d’émotí on, en ayant froid dans le dos. Je suis bouleversée par votre récit, par les difficultés que vous avez rencontrées pour diagnostiquer votre mal alors que vous avez été attentive aux signes que votre corps vous a envoyés, à la capacité que vous aviez, par votre formation médicale, de comprendre ce qui vous arrivait. Je suis effarée du peu d’écoute, de considération rencontrées auprès de certains de vos collègues. J’admire votre courage, votre obstination, votre détermination à aller au bout de cette épreuve grâce à l’Amour de votre mari et de vos enfants. Vous savez que vous vous battez pour eux, pour ce trésor inestimable de votre vie. Je vous souhaite beaucoup de force, d’énérgie positive puissance mille pour vous en sortir. Je vous serre bien fort dans mes bras virtuels en toute confiance, et souhaiterais avoir des vos nouvelles, dans les prochains mois, par l’interm de Baptiste et son blog.
    Une chaîne de solidarité se crée avec ses lecteurs pour vous soutenir dans votre combat.

  14. JB

    (sans vouloir cassé l’ambiance) Je ne peux m’empêcher de penser aux personnes qui ne sont pas du milieu médical, qui ne connaisse pas les bonnes personnes pour appeler les bons services, qui sont obligés d’attendre pour des rendez-vous, pour des résultats et de se battre pour se faire entendre et a qui on fini par annoncer un diagnostic souvent trop tard.
    Claire, je vous souhaites une guérison totale et beaucoup de calins avec vos enfants

  15. Nath69

    Courage, courage, courage Claire… Prenez tout l’amour que vos proches vous donneront même si c’est de loin pendant l’aplasie. Toute cette force et votre mentale vous aideront à continuer à vous battre et à gagner ce combat !
    Prenez soin de vous.

  16. Christine

    Quelle merde! Bon c’est un mauvais moment à passer, une épreuve de la vie, un peu costaude celle-là. On en a tous, vous en rirez un jour! J’essaie de détendre votre atmosphère…
    Du fond du coeur, courage, ça va passer, et après ça ira! 😀

  17. Rogil

    Bonjour Claire, Merci pour ce récit sensible, émouvant mais aussi inquiétant. Inquiétant parce que que personne n’est à l’abri de rien, mais inquiétant parce que malgré votre profession, vos connaissance, votre intuition, vous n’avez pas vraiment écoutée et donc malgré tout, maltraitée. Je vous sens au travers de vos mots, forte, positive mais peut-être trop pudique pour dévoiler la douleur, la tristesse et peut-être la résignation que j’imagine de se sentir impuissante devant des confrères qui ne vous prennent pas au sérieux …? je me trompe peut-être … ne sais pas mais de toute façon, votre histoire donne à réfléchir et me laisse plein d’admiration devant votre force de vie. J’aime savoir que vous continuez à vous battre pour votre vie et pour vos enfants. Vous avez encore sans doute beaucoup à donner et à transmettre à ceux qui vous entourent et qui doivent être heureux de vous avoir près d’eux. Je vous souhaite des vagues de tendresse et que le meilleur soit devant vous après cette épreuve

  18. anne

    bonjour Doc Claire, je suis atterée de la maniére dont cela a été géré… en plus vous donner du spasfon pour une pleurésie ? En tant que médecin, j’ai honte … courage, pour la suite… plein de pensées positives.

  19. Scotty

    Vous êtes pleine de courage et de ressources, vous êtes jeune, bien entourée… vous avez tout ce qui faut pour ce combat ! Toutes mes pensées et mes encouragements pour ces moments difficiles! Laisser les autres s’occuper de vous avant de revenir vous occuper des autres encore plus forte!

  20. isabelle

    Toutes mes pensées à Claire; je suis toujours le médecin traitant d’un patient ayant eu la même pathologie en 2012, il va actuellement parfaitement bien.
    Sinon c’est assez troublant ces bilans biologiques qui reviennent strictement normaux alors qu’une pathologie grave évolue, on voit ceci de temps en temps, et on peut se sentir faussement rassuré, mais seule la clinique compte…

    1. Aouchkamam

      “seule la clinique compte” dites le et redites le, car c’est trop souvent oublié par les jeunes médecins qui ne se fient qu’aux résultats d’examens divers et variés (biologie et imagerie), et qui oublient d’écouter ce que ressent le patient dans son corps…

  21. Annick

    Il est temps de prendre soin de vous Claire et de prendre du temps pour vous !

    Cette suite de vie ne sera plus jamais comme avant et elle sera assuremment bien belle.

    Dans quelques temps viendra le moment où vous pourrez de nouveau vous occuper des autres 🙂

    Merci pour ce témoignage !
    Belle et heureuse continuation !

  22. Nadezda

    Un témoignage émouvant, courage , c’est facile a dire : courage, mais derrière ce mot se cache un combat de titan. Lors de notre passage sur cette terre nous sommes appelés a remporter des victoires, celle-ci sera la votre, vous avez vos enfants et votre mari comme buts. Cordialement .

  23. Magali

    Je voulais juste vous dire qu’on s’en sort aussi. Mon mari s’en est sorti il y aura 30 ans l’année prochaine. Je vous embrasse très très fort.

  24. Marie-Eve

    Bonjour Claire,
    Des pensées pour vous, que vos 14 jours à la maison soient doux comme les sourires de vos enfants.
    Vos patients vont bien vous manquer pendant ces 3 longues années, mais vous semblez être une si belle personne que vous inventerez une autre manière de vous mettre au service des autres en attendant de retourner au cabinet, j’en suis sûre.
    Je vous embrasse (sans microbes !)
    Marie-Eve

  25. Emmanuelle

    Claire, courage à vous… profitez des câlins des enfants, de la douceur de l’été, de la maison, de l’amour de vos proches. Toutes mes touches de clavier sont croisées pour votre rémission…

  26. Magali

    Merci Claire, d’avoir partagé avec nous votre témoignage. C’est la première fois que j’écris sur ce blog pour vous souhaiter beaucoup, mais alors beaucoup, de câlins de votre mari et de vos enfants, encore et encore! Prenez soin de vous comme vous avez su prendre soin des autres.

  27. Schlomp sabine

    Je viens de lire ton témoignage et il m’a vraiment bouleversé même si je prends souvent de tes nouvelles avec R.
    Je te souhaite plein de courage
    Ta famille a vraiment de la chance de t’avoir et de te savoir aussi forte
    Je t’embrasse tendrement et je pense fort à toi bisous
    Sabine

  28. faribole

    Vous allez vous soigner. Vous connaissez ce qui vous attend. Pas terrible, en fait, d’être médecin, quand on est malade. Ceux qui disent que c’est une “chance” d’être de la partie… mmm… pas sûre.
    Et puis vous allez être convalescente. Profiter de la vie, de votre famille.
    Et un jour, reprendre tranquillement cette activité professionnelle qui vous plait tant (e suis audoise aussi, on a tant besoin de médecins par ici).
    Je vous souhaite de la force. Et n’oubliez pas de vous faire aider côté psy si besoin (et le mari aussi ! et les loulous aussi ! cordonnier mal chaussé, etc…). Des bisous.

  29. Tijac

    Mes 2 patients qui avaient la même pathologie, s’en sont sortis tous les deux. Claire, on vous embrasse tous très fort sur ce blog et on vous souhaite de retrouver vos enfants et votre mari très vite, nul doute qu’ils vous feront guérir encore plus vite.

  30. Hervé Cruchant

    Il y a la médecine. La technique, le savoir, parchemins et reconnaissances professionnelles. Ces interventions assistées du Robot, celui qui nous tirera de tout.

    Et puis, il y a la douleur, l’alien qui pèse et qui envahit après avoir toqué à la porte, visage masqué, comme un cauchemar de carnaval. Et qui devient prégnant. Te prive peu à peu de tout. Même de la tendresse de tes enfants. Déclenche des alarmes insensées. Détresses. Détresse.

    L’intrus s’aménage des nids de malheurs, ici ou là, qui vont être enfumés par la chimio. Il reste à rénover tout l’édifice mental. Nettoyer, repeindre, ravaler l’esprit durement violé; la conscience de la réalité que la disparition est non seulement possible, mais bien réelle. La sienne. Le monstrueux envahisseur gagne d’abord en grignotant nos certitudes. “J’aime ce métier et tous les matins en entant dans mon cabinet, je sens la vie…”.

    Compassion est un gros mot. Et, comme tous les gros mots de cet ordre, il est convenablement mensonger: comment peut-on avoir une passion négative commune avec un patient désespéré ? Si tel était le cas, pourrait-on le sortir de sa misère sans avoir un minimum de recul ?
    Un thésard a peut-être fait une étude sur l’impact de la maladie sur le raisonnement lucide du patient cancéreux. Un autre aurait-il eu l’idée d’étudier l’environnement soignant dans les premiers instants de la manifestation du cancer ?

    On pourrait dire ici que les collègues n’ont pas été pertinents. Que les rythmes et plans de charges ne dégagent pas assez de temps. La réservation d’un bloc robotisé fige les agendas et les priorités des équipes, des budgets, etc. Que le recours à des examens hors cursus entrepris grâce à la bonne volonté de copains copines ne concerne qu’u membre du sérail. (et le bas peuple, alors?). Que les délais normaux. Que les horaires. Les fatigues. La vie familiale. L’attention portée à la maladie… l’attention portée au malade.

    Dans ce témoignage, vécu et écrit comme une montée en haute montagne sur une crête, d’un côté patiente et de l’autre médecin, en équilibre sur la seule voie possible pour faire valoir la solitude et la volonté de vivre, on ne voit jamais la chaleur de l’humain. Alors que tout est là, exposé aux collègues, aux amis, à la technique. Le cancer a-t-il aussi cette capacité de dissocier les liens humains ? Ce serait tout de même lui accorder une importance qu’il impose et ne lui est pas due.

    Un jour, quand on aura réussi à chasser l’intrus, à redonner des couleurs à la vie de cette patiente, elle prendra le temps d’écrire un mot à Bibi pour lui dire que çà va. Et qu’on peut très bien gagner sur l’alien.

  31. Jac

    Que serait-il arrivé à une personne qui n’est pas médecin, n’a pas d’amis médecins, n’a pas de parent médecin ?
    Votre histoire en dit long aussi sur l’état de s services de santé dans un pays dit développé.

  32. Marine (med gé)

    Bonjour Claire,

    Courage ! C’est une longue bataille qui vous attend. Mais vous savez comme moi qu’un premier TEP en rémission totale est une très bonne chose, vous répondez bien à la Chimio et aux corticos.
    Et ne vous en faites pas pour vos patients, si vous êtes autant aimée que vous le dites ils doivent tous etres derrière vous pour vous soutenir !
    Courage encore pour supporter les hospitalisations. Vous y arriverez !

  33. Biquette

    Bonjour Claire,

    Votre témoignage me ramène 5 ans en arrière et me replonge dans cette impression de tsunami quand on m’a annoncé que j’allais passer des semaines enfermée, subir des traitements lourds, pour faire face à une LAM3…
    Je ne suis pas médecin mais je savais que leucémie aiguë ça ne rime pas souvent avec longue vie!
    Même si on est bien entouré (c’est mon cas!), la lutte est solitaire et angoissante. Pendant les longues heures d’hospitalisation, quand les effets délétères des chimios nous submergent, quand on attend les résultats des examens sanguins ou autres: on est seul.
    Pourtant toute cette chaîne d’amour et d’affection m’a portée, m’a aidée, et je suis encore là, bien vivante, en rémission prolongée comme vous dites, vous les médecins!
    Je vous souhaite de la patience, beaucoup de patience, de la rage car le courage dans une telle situation ça veut dire quoi? Je ne supportais pas qu’on me dise “courage”, a t’on le choix?

    1. Claire

      Bonjour,
      Merci pour votre message. Le chemin me semble encore bien long, j’ai actuellement un “bloc” de chimiothérapie toutes les 2 semaines, et je passe une dizaine de jours à la maison en inter-cure. Cela me permet de profiter de mes enfants et d’avoir quelques jours où je me sens à peu près bien (sans trop d’effets indésirables) une fois l’aplasie passée. J’essaie d’avoir la “rage”, et j’espère bien pouvoir un jour retrouver une vie “normale”.

      Claire

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