La femme qui me lisait.

La femme qui me lisait.

Alors voilà une lectrice. Appelons-la Mme Spino. Elle m’envoie plusieurs mails. Je reçois beaucoup de messages, je ne peux pas répondre à tous, mais je réponds à Mme Spino.
Parce que c’est comme ça…
Sixième cure de chimio :
– Ça m’aide de vous lire, écrit-elle. On voit les choses différemment. Vous mettez plus de couleurs derrière le blanc des blouses.
Je suis content de l’aider : après tout, soigner c’est mon métier. En paroles ou en actes, tout est soin.
– Il n’y aura pas de septième cycle. C’est terminé, les carottes sont cuites, dit-elle.
Elle ajoute qu’elle aurait été curieuse de lire le livre, mais qu’elle ne sera plus là quand il sortira.
– J’aime votre façon de raconter. Elle me rassure.
Elle aime.
[…]
Moi, j’aime bien mes patients. J’aime aussi mes lecteurs. Mme Spino appartenait aux deux. Je n’ai pas réfléchi. Ça m’arrive souvent : j’ai un cerveau reptilien trèèèèèèès développé et un néocortex aussi gros qu’une cacahuète. Je suis piloté par les sentiments, jamais par la raison. Un cerveau, oui, mais deux hémisphères ! Je pense de façon binaire : yin/yang, poum/tchak, bien/mal, plaisir/douleur, blanc/noir, Luke Skywalker/Dark Vador, Figolu/Pim’s, Jésus de Nazareth/Christine B., musique/Christophe Hondelatte, etc.

Je suis très primaire comme garçon (je peux regarder une cascade de chocolat trois heures sans me lasser, vous voyez le genre !). Un peu con.

J’ai mis (1) (le 1 entre parenthèses, qui a l’air tout petit et de s’ennuyer ferme, c’est pour dire qu’il faut regarder en bas, devant l’autre petit 1 entre parenthèses…) bref, j’ai mis les feuillets dans une graaaaaaaaaande enveloppe. La poste n’était pas loin, j’ai pesé, payé, envoyé…(bon j’ai attendu aussi, mais vous savez ce que c’est, la Poste…)
[…]
Finalement, Madame Spino a enfourché la jument multicolore numéro 7 (la rose, celle avec les étoiles dorées sur la croupe, qui s’appelle Britney et chante très mal, comme la vraie).
Là, je viens d’avoir sa fille au téléphone :
– Elle a été heureuse de vous lire. Ce que vous écrivez, ça l’a apaisée sur… vous savez… sur la suite…
– La mort ?
((( mon côté Jean-Marie Bigard : j’aime dire les choses crûment, on s’économise du temps.)))
– Oui, la mort.
Je lui dis que c’est bien, que c’est mieux que bien, même, que c’est la vie qui va et que rien ne peut aller contre ça. Je l’embrasse sans la connaître puis je raccroche.

Qu’importe les détracteurs, les cyniques et les pisse-froid : je suis content d’avoir créé ce blog, je veux dire : je suis VRAIMENT content d’avoir créé ce blog.
J’arrive à faire de bonnes choses avec, et elles me tiennent en joie.

“Un homme courageux est un homme qui s’efforce de bien faire et de se tenir en joie.”
Spinoza (maxime que j’ai tatouée sur mon torse en latin, pour me souvenir de ne pas devenir un gros connard !).

“Si tu dors et que tu rêves que tu dors, il faut te réveiller deux fois pour te lever.”
Jean-Claude Van Damme (dans “Ma vie, mon oeuvre” Volume 13).

(1) j’avais un doute sur la conjugaison du verbe “mettre” au passé composé (je suis très mauvais en naurtaugaffe). Quand on tape “j’ai mis” sur Google, la quatrième proposition est : “j’ai mis enceinte ma sœur” puis “j’ai mis enceinte ma mère” et enfin : “j’ai mis des lardons dans le couscous”.
Sérieusement ? On vit dans un monde bizarre…

14 réflexions sur « La femme qui me lisait. »

  1. cristel

    hahaha ! j’adore ton site ! je vais aller acheter le livre ! je n’ai pas pu m’empêcher de vérifier les propositions de google ( les infirmières doutent de tout ! ) . On vit vraiment une drôle d’époque!

  2. Caro

    Bien le bonsoir. Je découvre votre blog, avec joi, et émotions. Et comme je suis secrétaire de rédaction, je fais de la correction de textes, entre autres. Et donc du coup, quand vous écrivez un de vos jolis textes et que vous avez un doute de conjugaison, je peux vous recommander de plutôt demander à Google de vous trouver le site Le Conjugueur. C’est certes édité par le Figaro, mais c’est une vraie pépite !!
    Et continuez, pour le reste. Parce que c’est beau.
    Bonne nuit,
    Caro

  3. patiente

    J’ai RElu “la femme qui me lisait”. Il est beau ce post. Très beau et il finit par un sourire… merci Doc. A lire ou relire par tous les soignants qui ont du mal à voir partir les malades sur le poney multicolore. Bises à Cilou …

  4. rimlinger

    Vous êtes un homme bon. Que bien sûr j’aimerais rencontrer. mais pas en tant que patiente. Pour ça, je saurais être patiente. Continuez à être un homme bon et à irradier, cela nous rend un peu meilleurs aussi. merci.

  5. Raphaëlle Devos

    Génial!
    Un prince! Si on peut trouver le gène d’humanité, pensez à être donneur!
    Pssit: n’oubliez pas ce que dit cette petite voix: et pour vous, qu’avez vous fait aujourd’hui?
    Bye, Doc

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