Archives de catégorie : Anecdotes

Pour qui payons-nous des impôts ?

Photographie sublime de Jean-Louis Audebaud

Alors voilà Fabienne, aide-soignante, 40 ans, qui va spontanément dans la chambre de Mr T. pour lui masser le côlon durant 15 minutes le matin et durant 15 minutes le soir. Elle fait cela sur son temps libre : elle embauche plus tôt et quitte le service plus tard.

Mr T. a un mal de Pott (sur lequel le petit plaisantin a eu la judicieuse idée de rajouter un SARM !). En gros il doit rester STRICTEMENT allongé pendant 9 mois sinon sa colonne vertébrale se cassera comme un cure-dent.

Fabienne masse son ventre, comme pour les bébés, dans le sens des aiguilles d’une montre, avec douceur et patience. Pourquoi ?
Pour que Mr T. aille à la selle : quand on est alité aussi longtemps, avoir une défécation normale est quasiment mission impossible. On pourrait utiliser des laxatifs mais, parce que Fabienne prodigue son massage colique, Mr T. va à la selle naturellement.

Un jour, Mr T. présente Fabienne à sa famille en riant : “C’est elle, l’aide-soignante dont je vous ai parlé. Vous savez quoi ? Je n’ai jamais AUTANT aimé une femme qui me fasse AUTANT chier !”

Fabienne rosit. Elle a pas l’habitude des compliments, la Fabienne ! Pourtant elle en mériterait : au moins 15 minutes le matin et 15 minutes le soir.

J’adore Fabienne, je veux dire : j’aime VRAIMENT cette personne-là.

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Il est plus facile de faire rire que de consoler…

Alors voilà Mme S., 32 ans, sympathique patiente, douleurs fosse iliaque gauche. Je l’examine, son époux à la bonne bouille est là. Ils veulent très fort un bébé. Je les fais rire pour dédramatiser un peu, elle me dit en souriant d’arrêter, que “ça me ravive la douleur quand je ris”.

30 minutes après, l’ordinateur (insensible merde !) livre les résultats de la prise de sang. La gynécologue (qui en a vu d’autres) confirme. Maintenant, comment dire aux deux amoureux ce qui en substance revient à annoncer : “Bonne nouvelle : vous êtes enceinte. Mauvaise nouvelle : c’est une grossesse extra-utérine, on va devoir vous faire avorter.”

J’y mets toutes les formes du monde, elle pleure quand même, je reste comme un con, je pose ma main sur son épaule.

Plus envie de faire rire qui que ce soit pour la journée.

Je déteste les leçons de ce métier : je veux dire, je hais VRAIMENT les leçons de ce métier.

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Une femme…

Alors voilà Mme D., 73 ans, tout en rouge à lèvres et coquetterie, à qui on annonce un cancer. Elle sourit tout en serrant les dents, serrant la main de sa fille, serrant son sac à main, serrant ce qu’elle peut serrer et qui ne lui échappe pas encore.

On lui parle chimio, rayons etc… Elle accepte tout sans broncher, élégante et digne, elle dit qu’elle se battra, qu’elle a connu pire dans sa vie. Elle est convaincante : même moi je la crois.

Quand le médecin termine l’inventaire des festivités -et qu’elle sourit toujours- il lui tend l’ordonnance, LA fameuse Ordonnance.

Elle : ” Qu’est-ce que c’est ?”

Le chef, l’air évident :
-” L’ordonnance pour la perruque. Ils font ça très bien”.

Mme D. desserre son sac et desserre la main de sa fille, son masque se brise et elle pleure pour la première fois, discrètement, comme font les vieilles personnes : par petits morceaux.

Je lève les yeux : ses cheveux sont magnifiques.

Mme D. : 73 ans et pas un fil blanc dans le tissu de sa chevelure. Juste un chignon tendu, le même chignon qu’elle fait depuis des années. Le même.

J’adore ce qui fait qu’une femme se sent femme, je veux dire : j’aime VRAIMENT ce qui fait qu’une femme se sent femme.

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Même ici il sont là…

(Pour ma sœur)

Alors voilà le Dr. O., médecin à J., en périphérie de M. qui est la périphérie de D. qui est la périphérie de rien du tout. Bref, J. est ce qui se rapproche le plus de la définition géographique du trou du cul du monde.

Dr. O. est un bon médecin, un vieux médecin aussi, usé et très… pointilleux. Ce n’est pas qu’il déteste les juifs, les arabes, les noirs, les PD, les enfants qui crient trop, les enfants qui ne crient pas assez, les fibromyalgiques, “les profiteurs et les assistés”, le président normal, etc… non, ce n’est pas cela, non, mais “tu comprends, le monde part en sucette…”.

Un jour on croise une femme noire dans les rues de J., elle tient son gamin dans les bras et l’emmène vers l’école. “Même ici ils sont là…” lâche-t-il l’air désespéré.

Moi je pense à une de mes grandes sœurs, à la peau plus noire que les rayures les plus noires d’un tigre bengali. Ce soir je l’appellerai pour lui dire de me faire PLEIN de petites nièces et de petits neveux noirs.

Avec eux, j’irai à J., sous les fenêtres du bon Dr. O., dans une dizaine d’années. On y dansera la bamboula en portant des ceintures de bananes autour de la taille, des os dans le nez et en faisant semblant d’égorger un poulet. Juste comme ça, pour effrayer le bourgeois qui trouve que “même ici ils sont là”.

J’adore ma sœur, je veux dire : j’aime VRAIMENT les rayures noires de ma grande sœur…

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La mamie qui m’aimait !

Alors voilà Mme P., 93 ans, vieille et douce Mme P., qui ne se rend pas compte qu’elle souffre de démence sénile. En fait, elle ne se rend plus compte de rien. Elle attend dans le couloir des urgences. Une place doit se libérer dans les étages. Elle est un peu amoureuse de moi : à chacun de mes passages devant elle j’ai droit à un tonitruant :

“Salope !”

Petit privilégié va ! Elle ne le fait qu’à moi ! Je ne sais pas trop : dois-je me sentir flatté de cette marque d’attention exclusive ?

“Salooooope !” “Saloooope !”

Au bout de la dixième fois, je prends un air interdit, un air de caribou pris dans les phares d’un 4×4 en plein hiver canadien, je me tourne vers l’équipe et lance :
– Mais comment a-t-elle deviné ce que j’ai fait cette nuit ?
Éclat de rire général. J’en rajoute une couche :
– En même temps, elle ne peut pas savoir, sinon elle dirait bien pire.
Et là, sans mentir, à ce moment précis exactement, nouveau couplet venant du couloir :
– Sale chienne !
Moi :
– Well ! Je crois qu’elle a deviné…

J’adore les mamies amoureuses de moi, je veux dire : j’aime VRAIMENT les mamies amoureuses de moi !

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Toujours se méfier du poète qui sommeille en nous…

Anecdote racontée par un interne en chirurgie (donc soumise à caution quant à sa véracité) :

Alors voilà le Dr. F., chirurgien tout en délicatesse et subtilité, entrant au bloc pour opérer Mlle G. d’une liposuccion des cuisses.
Mlle G., dénudée, est couchée sur le ventre. Dr F. voit l’anesthésiste sur les starting blocks, il en conclut que Mlle G. est déjà terrassée par le petit coktail de son collègue.

Règle numéro 1 en médecine : toujours se méfier des apparences.

Vous sentez venir le truc là ?

Dr F. s’approche, lève une main grosse comme la nageoire d’un lamantin en rut et assène une grosse claque sur le postérieur dodu de Mlle G. :
– Vla’ du bon cuissot d’hippopotame ! Y a à manger dans les grosses pinces !
Et Mlle G., terrifiée, de lever la main et de souffler à l’anesthésiste :
– Finalement, je crois que je vais prendre une anesthésie générale.

J’adore la poésie des chirurgiens, je veux dire : j’aime VRAIMENT la poésie des chirurgiens.

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