L’homme qui ne trouvait pas les mots…

Sì vous voulez raconter, c’est ICI !

Alors voilà, elle me dit qu’elle ne mange plus. Ses notes en classe s’effondrent.

Je l’examine, lui fais tirer la langue. Son haleine de morte me touche de plein fouet, je vois ses dents, un peu cariées, un peu déchaussées.

Des mâchoires qui crient famine. 

Je pourrais lui demander “Pourquoi tu te fais vomir ? ” mais c’est trop tôt. Je dis :

Pourquoi tu ne manges plus ?

Elle ne me répondra pas, pas comme ça. Je me tourne, m’assois à côté d’elle sur la table d’examen. 

Elle parle. Doucement, d’abord, puis la parole se libère. Elle veut être bonne. Bonne partout. À la gym, à la natation, à la danse, en cours de français et de mathématiques. 

Pourquoi tu veux être bonne ?

Elle baisse la tête. Ses longs cheveux bruns, elle les perd par poignées entières. 

Pour ne pas être mauvaise, répond-elle, et c’est d’une logique imparable, même moi je n’y aurais pas pensé. 

Ne pas être mauvaise, c’est être pure. Elle veut être pure. 

Pas de taches.

La jeune fille aux cheveux noirs a remarqué : quand elle se prive d’aliments suffisamment longtemps, ses cycles se dérèglent et elle parvient à ne même plus avoir ses règles. Elle se rassure. Elle ne risque pas “d’accidents”, ne salit pas ses petites culottes. Quelque part, elle reste encore une enfant.

Moi je ne sais pas quoi lui dire. Je préfère me taire, je risque d’aggraver les choses.

Qu’est-ce que je peux pour elle ? Je me sens tellement… impuissant… Merde, ça sert à quoi de lire des livres compliqués si je suis incapable de trouver les mots ?

Les cours d’anthropologie reviennent dans ma tête, je m’imagine, me levant brusquement et dressant devant elle un grand tableau blanc où je dessine des schémas compliqués en adoptant un ton professoral :

” Chère Mademoiselle B., toute l’histoire de l’Humanité s’est construite sur des systèmes de couples contraires. Ainsi, le froid et le chaud, le sec et l’humide, le salé et le sucré, le gros et le maigre, puis, évidemment, le jour et la nuit, le bien et le mal… En toute logique, au sein de ces valences opposées, une hiérarchisation s’est faite, et il a fallu statuer qui, entre le féminin et le masculin, l’emporterait.

Et la vie, c’est-à-dire le mouvement, la chaleur, le jour, le soleil, s’opposèrent à l’immobilité, au froid, à la nuit, à la lune. Malheureusement, le sang (humeur chaude, mobile, vitale) a toujours été considéré comme le “carburant” de l’existence, la substance la plus noble. Les femmes, parce qu’elles perdaient le leur une fois par mois, parce qu’elles étaient “incapables de le garder” contrairement à l’homme, se virent déchues de leur statut d’égale à égal.”

Et de conclure 6 000 ans d’anthropologie masculiniste d’un sec claquement de baguette contre le tableau :

“Comme la face du monde aurait changé, si les hommes avaient saigné aussi !”

Ça ne s’est jamais passé ainsi. Je n’ai tout simplement pas trouvé les mots. J’ai été nul et je ne l’ai pas soignée. 

Alors je vous pose une question : à quoi ça sert de lire des livres compliqués ?

Peut-être qu’on ferait mieux de vivre tout nus… abandonner la civilisation… boire l’eau à même le lit des ruisseaux… Qui me suit ?

113 réflexions sur « L’homme qui ne trouvait pas les mots… »

  1. Flo

    De toute façon, tu ne l’aurais pas soignée, ce n’est pas que tu es nul, mais ça ne se soigne pas comme ça, sinon on le saurait.
    C’est une histoire qui va durer des mois, des années. Tout ce que tu peux faire c’est poser un jalon, pour la suite.
    Bon courage.

  2. C'line

    Cher Bibi, vous l’avez écoutée, avec toute votre attention. Vous l’avez laissée s’exprimer. C’est déjà beaucoup, je crois. À mon avis, elle reviendra vous voir, et surtout vous parler. Affaire à suivre…
    Je vous embrasse.

  3. Julie

    Allez d’accord, on efface tout et on recommence. On abandonne cette civilisation et on reprend tout à zéro. Moi je veux bien suivre !
    Seulement… on risque d’avoir froid tout nus, donc on voudra sans doute se confectionner des vêtements. Pour ne plus craindre la pluie et la neige il se peut qu’on se construise des abris. Pour être sûrs de boire de l’eau saine, on inventera des systèmes pour l’épurer.
    Mince… finalement je crains que tout ne recommence. Retour à notre civilisation.
    On ré-inventera l’électricité pour s’éclairer la nuit et se rassurer, des moyens de communication lorsqu’on sera loin des autres, des armes pour chasser. Et alors ça re-déconnera peut-être.
    Et puis, comme on tombera malades, on ré-inventera le médecin. Et ça sera chouette, parce qu’on aura quelqu’un vers qui se tourner si on a mal. Arf…mais où qu’on aille, il y a des maladies qu’on soigne difficilement. (Chienne de vie!) Si notre médecin ne réussit pas à nous soigner, ou à trouver les mots, il n’est pas pour autant nul. Pas évident d’appréhender toutes les maladies. Parfois, les patients non plus n’ont pas les mots pour exprimer leur mal. Peut-être que cette jeune fille n’a pas eu les mots, ou bien peut-être que ce n’était pas le bon moment pour elle. Il lui faudra sans doute plusieurs professionnels pour l’entourer et l’accompagner dans cette démarche une fois qu’elle aura adhérer au projet de soin.

    Je ne sais pas à quoi ça sert de lire des livres compliqués. A se provoquer d’intenses céphalées sans doute ? 😉
    J’ignore si quitter la civilisation arrangera les choses (quoiqu’un bon voyage bien loin peu permettre de se ressourcer).
    Mais je sais qu’on a besoin de médecins. On pourra toujours tout recommencer, on les ré-inventera quand même.
    Tu feras quoi comme métier dans ce nouveau monde à créer ? hein ? 🙂
    Bises bises

  4. Biquette

    Se regarder, s’écouter, être en relation, se comprendre, ne pas juger, ouvrir son cœur, s’ aimer fraternellement … Si tu as commencé à tisser ce fragile lien: c’est déjà ça !

  5. Céda

    Et pourquoi pas prescrire des livres-médicaments sur tes ordonnances?..Dans certains cas,il y a des métaphores qui aident á voir la vie autrement…alors on ne sera plus jamais triste…tad’bisouxxxx.

  6. Nanou

    Moi non plus je n’aurais pas su quoi dire. Mais elle est venue, c’est déjà bien non? Et vous l’avez écoutée, c’est énorme. Pour le reste…

  7. lucie

    Mon bébé est endormi près de moi, après avoir tété goulument, il a bu à la source.
    On devrait boire l’eau des ruisseaux, on devrait retourner à une vie plus proche de la nature où sa contemplation suffit à nous divertir. Les jeunes filles n’auraient plus ce sentiment d’exigence de devoir tout faire bien. Où est ce que l’on a foiré? Pression inutile.
    Baptiste ne sois pas dans l’exigence de n’avoir pu l’aider. Ton écoute l’a certainement libéré d’un peu de sa tristesse.
    Bien à toi

  8. Darlinguette

    On touche aux limites de chaque homme ou femme : pas de baguette magique, le médecin n’est pas le grand sorcier qui résout tous les problèmes , il est parfois impuissant eh oui, c’est la réalité …Il faut l’accepter avec humilité, et pouvoir dire ” je ne peux pas grand’chose pour vous , à part vous entendre , mais je peux vous adresser à quelqu’un qui pourra peut-être quelquechose pour vous “. Dans ce cas précis d’anorexie , les causes sont tellement multiples, compliquées ,car c’est une maladie mentale difficile à traiter et la prise en charge doit être simultanément psychothérapeutique, comportementale et nutritionnelle.

  9. DOMINIQUE

    Mon médecin m’a soignée avec ces simples mots “je ne vous juge pas”. Pour moi, rien à voir avec l’anorexie, mais que c’est bon d’entendre ces quelques mots.
    Un ami aide sa femme anorexique depuis des années, tentatives de suicide comprises. Il n’en peut plus, il élève tout seul ses deux fils, son épouse en étant incapable. Il la voit s’enfoncer au jour le jour. La seule chose que je puisse faire pour lui, c’est de l’écouter. J’en suis désolée, pour lui et pour elle.

  10. Cath

    Les hommes ont saigné aussi tant il est vrai qu’ils concevaient le sang comme le “carburant”. Voir les princes aztèques, leur empereur, et leurs scarifications quotidiennes. Pour ce queça leur a réussi…

    La tentation de faire table rase, de tout recommencer ? Combien l’ont essayée avant, et à quel prix ? En particulier le sang des autres…. On peut méditer sur tous les changements de société voulus par des empereurs, rois ou autres grands timoniers. Plus les titres sont ronflants, plus ça plaît…

    Alors l’écoute tout simplement humaine, c’est déjà beau, un début. Peut-être reviendra-t-elle. Si elle est venue, c’est un appel au secours, et elle sait qu’elle a besoin d’aide. Pouvoir aider, la diriger sur ceux qui ont lu des livres plus compliqués encore, mais qui n’ont pas oublié de rester humain, le coeur et la tête à l’écoute… Il y a une chance.

  11. Pat

    L’empathie c’est déjà une action positive . On ne peut pas sauver le monde en une seule fois , il faut des milliards de gouttelettes pour former un grand océan . Mais chaque gouttelette a son rôle à jouer.
    Bonnes pensées et bon weekend à tous !

  12. Jeanne

    Les hommes aussi peuvent devenir anorexiques. Les hommes aussi parfois veulent être parfaits et/ou purs et tout contrôler.
    Cette maladie fait peur encore plus que d’autres. Cette maladie résume la peur, la rend visible, la peur s’incorpore à la personne.
    Et oui, on dirait qu’une société dans laquelle il n’y a plus trop de raison concrète d’avoir peur génère des peurs sans motifs objectifs. Pour autant, faut-il nous souhaiter une “bonne” guerre?

  13. untel

    Je suis femme et j’aime bien tous ces blogs ou l’on discute de sujets super importants, comme les règles, la maternité, l’accouchement, l’IVG, l’égalité homme-femme.
    Mais il y a un thème qui doit être obscène, ou dégoutant, ou sans intérêt, car quand je tape le (gros ?) mot dans recherche parmi les blogs de sages-femmes ou de médecins, le résultat est : rien.
    Ah bon, la ménopause, c’est rien ?
    J’ai l’impression que c’est devenu tabou d’en parler, maintenant qu’à 50 ans les femmes sont toujours belles et jeunes.

    1. Herve CRUCHANT

      Et oui, c’est bien vrai… comme l’andropose… ou un nom potable -je veux dire qui est beau, sympa, même si c’est un pseudo ou un nom d’artiste- parce que “untel”, hein… Alors, on ne parle pas de la (untel)pose ? C’est vrai, c’est dommage …

      1. untel

        J’ai solutionné l’untelpause en changeant de gynéco.
        Mais d’autres femmes galèrent encore.
        Y a eu les années où on obligeait quasiment les femmes à prendre un traitement hormonal substitutif, et maintenant on leur interdit presque. 🙁
        C’est quand qu’on les informe et qu’on leur demande leur avis ?

        NB Si tu préfères, Doume, Cnimp ou Soeursourire 🙂

        1. Cath

          Euh, “résolu” siouplaît.
          L’autre mot me donne de l’urticaire, vrai, comme à Clémenceau ( de quoi je m’occupationne , je sais, mais., siouplaît ?)

          1. untel

            Le verbe solutionner est inélégant, mais existe. 🙁

            NB 1 moi, l’urticaire, c’est avec les asperges 🙂
            NB 2 Le “c’est quand qu’on” ne t’a pas choquée ? 🙂 🙂

          2. Herve CRUCHANT

            Laissez les femmes tranquilles et être tranquillement femmes, siouplé. Laissez aussi vivre les mots et les lutins fous du roi qui les accompagnent. Quicéki est un mot pour de rire, comme un grelot au costume du nain… Je pourrais dire “à poil !” mais çà ne voudrait rien dire dans l’instant. Je préfère dire : déshabillez-vous et mettez les habits que vous voulez, là, tout de suite, dans l’instantané d’un moment. Par de déguisement, pas de ressemblance poursuivie comme on court après un papilon. Let the sun shinin’ dans vos crânes. Chantonnez un refrain oublié et dites “merde, comment c’est, après? je me rappelle plus…naaa nana ni naaa… ouais, c’est çà.” et si c’est faux, tant mieux ! Vivez comme un mot-bulle parmi les mots qui jaillissent comme des diables d’une boîte et rebondissent partout partout. Aussi stupide et rigolos que l’œuf qui sort de la boîte quand la poupée Guignols de Johnny dit “à que kuku” en faisant fhou fhouu !… Laissez la vie vous chatouiller de ses absurdités sans raisons, faites un adultère à cet abruti de conventionnel….

          3. Cath

            Mot à Untel à propos de savoir quand on ne m’a pas choquée… En fait, toujours. 🙂
            Toujours surprise oui, choquée, jamais – sauf le troll occasionel, mais c’est autre chose ce truc.
            Bref, je sais que le verbe existe, mais il me fait vraiment mal aux yeux et aux oreilles, ça ne se commande pas.
            Dommage pour les asperges, j’adore ça moi, mes chats aussi 😉

          4. Cath

            Mot à Hervé
            J’aime les mots, j’aime le style, j’adore San Antonio ( depuis mon plus jeune âge) qui, comme Cervantes, est un des rares écrivains à me faire pleurer de rire. Oui, pleurer de rire à en avoir mal aux côtes, à en perdre le souffle – allez expliquer cela à un prof d’espagnol qui vous donne une page du Quichotte pour vous en expliquer la grammaire, et qui ne voit pas la scène se dérouler sous ses yeux. Les trois autres élèves non plus. Choquées de me voir éclater de rire, un triste soir d’automne…
            Allez expliquer cela ? Mais il y a d’autres mots qui me hérissent le poil, pour la forme ou pour ce qu’ils véhiculent. 🙁
            Tant pis. On fera avec.

  14. Michel

    Rester accueillant et sensible aux maladies des autres surtout celles qu’on soigne encore mal, c’est particulièrement difficile et… nécessaire…
    Pour progresser ou attendre le progrès,
    pour accompagner,
    dépouiller notre envie d’être top,
    notre illusion que l’écoute est toujours agissante et vite !
    Quand j’ai compris ( tard !) que les patients risquaient d’en trouver souvent des “encore plus nul que moi”, j’ai été un peu plus disponible… pour eux. Merci, Bibi, de continuer, et partager.

  15. Laitue Sévère

    PURE OU PUTE ?
    Est le choix qu’on propose aux jeunes filles aujourd’hui…
    Alors, après, qu’il y en ait qui pètent les plombs, qui mettent un voile ou se transforment en zombies, c’est à l’image de la Société malade qui les a vu naître, malheureusement.

    J’en connais aussi qui choisissent la testostérone, parce que, finalement, faire mec, c’est moins de pression et moins de projections des gens sur ce qu’on serait censé être… Comment on est censé parler, s’habiller, se tenir en public, ne pas péter, ne pas chier, ne pas faire chier, etc…
    En prime, en tant que mec, on a le droit d’être plus intelligent que les autres, patron, chef, même président, trop fou !

    Tu pourras pas tout régler, chaton, mais c’est gentil d’essayer.
    Ces anorexiques sont un symptôme d’autre chose, Audiard disait “Heureux soient les fêlés car ils laissent passer la lumière” , on pourrait compléter : ” Malheureuses soient les jeunes filles anorexiques, car elles laissent passer la lueur morbide de la place des femmes dans les Sociétés humaines”…

    Grandis encore un peu et dans ta prochaine vie, t’auras le droit de naître fille pour vraiment approfondir le truc…
    Bisous.

    1. Herve CRUCHANT

      Laitue verte… Et si on disait aux filles que les “propositions” qu’on leur fait c’est rien que du vent et des chaînes ? Et si on leur disait qu’avant d’être pères les hommes étaient des petits enfants qui jouaient au ballon dans la poussière. Et que tout paternalisme, tout machisme ont été créés par eux pour cesser d’avoir peur d’eux-mêmes… Et si on disait aux filles : je ne te proposerai rien. Mais, si un jour tu es dans le besoin ou que tu as mal, je serai là pour toi….?

  16. jeveuxdusucreetdugras

    Deux livres-médicament: “papa was not a rolling stone”, et “Les Bourgoises” de Sylvie Ohayon.
    Où on parle de rage de vaincre, d’envie de réussir et d’anorexie en même temps…Apparemment ça va souvent ensemble. 🙁

    1. Marion

      Merci pour les références de bouquins
      C’est vrai qu’il y a souvent ce lien étrange entre une apparente envie de mourir et une furieuse envie de vivre…

      1. Ahava

        Comment te dire…c’est le refus de la vie telle qu’elle est, la peur panique de se retrouver dans une forme de prison, tu vis dans une espèce de “pas le choix” permanent. Alors qu’il y a des nuances entre ton idéal super haut et la médiocrité que tu redoutes. Ou alors tu vas réussir aussi fort que tu veux mais il faut accepter que ça prenne du temps/que ça prenne une voie inattendue/que tu contrôles pas tout.

  17. Curare-

    Dominique plus haut ”Mon médecin m’a soignée avec ces simples mots « je ne vous juge pas ».

    Il s’agit d’1 phrase clé – tous nous fonctionnons ainsi –
    1 jour, quelqu’un prononce 1 phrase qui ne guérira pas l’autre mais te guérira toi –
    BB, (héhé) t’es pas 1 médecin de la tête –
    L’anorexie mentale révèle de la psychiatrie mais tu as tant d’empathie à revendre envers l’engeance humaine que tes questionnements à propos de ton savoir dans les livres ?
    – C’est normal !
    Quand tu tombes sur un p’tit bout de bonne femme qui se prépare à une mort lente –
    Tu sais, j’ai vécu avec un médecin – il n’avait pas trahi le serment d’Hippocrate non – il a renoncé parce que les noirs avaient une odeur, parce qu’il en avait marre de donner naissance à des bb noirs dans 1 clinique du côté de Paris parce qu’il était raciste (il avait été violenté par des maghrébins, ( il les nommait crouilles ou melons ) ; ce jour là, il est rentré chez lui pieds nus sans son blouson-
    Il a tout lâché pour reprendre le cabinet d’un médecin de campagne – il allait avec sa panda par tous les temps dans des fermes isolées – sans eau parfois- Pour soigner les paysans du coin – il a pété 1 plomb – faut dire que ses parents lui avaient forcé la main : ce sera médecine ou ton oncle t’attend ! (son oncle : il était cordonnier) –
    Mais toi Baptiste toi tu as le cœur de toutes les couleurs de la peau des humains – Toi ton trip c’est guérir et faire sourire tous les malades peu importe la couleur – tu as compris que l’odeur de la mort c’est la même pour tous –
    Faut pas culpabiliser BB, tu n’es pas docteur de la tête –
    1 jour j’ai dit à ma mère : je veux aller en psy !
    Elle m’a dit : non ! tu veux faire ta vie à travailler avec des fous ?
    De mon temps, on écoutait ses parents – j’ai fait mon droit –
    Ma meilleure amie est sortie de son anorexie – 1 bon psychiatre sur Toulouse, –
    Elle m’a dit cette phrase étrange 1 jour : ”j’ai rêvé d’1 long serpent qui sortait de ma gorge ” j’ai compris que j’étais guérie –
    Elle avait été violentée par son oncle, quand elle était une petite fille de six ans.

    Non, tu n’es pas docteur de la tête, BB- Et le chemin est long pour reconstruire un être humain –
    Ne culpabilise pas et s u r t o u t continue d’écrire –
    Tu es en quelque sorte, un pont entre mon envie et ma non envie-
    Merci d’exister –
    C-

    1. Justine

      Curare,
      Merci pour ce message compréhensif, objectif et réaliste. Seuls ceux qui ont connu ou connaissent toujours cette maladie peuvent comprendre ce mal si paradoxal.

  18. Laurence

    Vous etes sur qu’il n’y avait pas d’anorexiques parmi les hommes et les femmes prehistoriques, ceux qui vivaient dedhors et buvaient l’eau des rivieres ? Dans les peuples nomades ? Avant l’invention de l’ecriture ? Personne qui essayait d’etre bon dans tous les domaines ? Ou jamais nul ?

    Lire, ca me rappelle que je suis un homme (une femme, c’est pareil) et que rien de ce qui est humain ne m’est etranger. Je crois que si je ne l’avais pas lu, je n’y aurais pas pense toute seule.

    1. Eulalie

      Et puis il y a les effets collatéraux… En reconnaissant sur la toile publique que tu (ou un collègue) s’est senti nul sur ce court moment professionnel, ça créé un fort effet de soulagement pour certains qui se sont aussi sentis nuls sur un temps de cette semaine et qui regrettent de ne pas avoir agi autrement peut-être. Enfin je dis ça je dis rien…
      Cela dit, c’est peut-être aussi “bon” signe de ressentir ça (?) : signe qu’on ne s’endort pas, qu’on se questionne et qu’une nouvelle situation, qui nous laisse désemparés, vide ou bouillonnant à l’intérieur, nous fait avancer, pas à pas. Bien sûr, il faudrait juste veiller à ne pas se mettre trop de pression.
      J’aimerais que cette jeune fille te lise, elle saurait que même son médecin n’est pas parfait et qu’en plus il s’est senti nul de ne pas l’avoir été, pour moi c’est la plus belle ordonnance face à cette hantise dévorante : découvrir que vous n’êtes pas la seule à vouloir tout réussir avec une pression folle parfois et que la perfection n’est pas humaine, que la perfection n’est pas. Respiration.

  19. Margot

    Cette histoire est belle, triste, si triste, comme cette photo.

    Mais je me demande (je ne fais que me demander hein) si tu ne devrais pas nous parler aussi des patients que tu guéris, ceux qui te refilent la patate, la pêche, la banane et même la carotte.
    Pas pour oublier les autres, non! Mais pour que ça te permette à toi aussi de te concentrer un peu sur le positif.
    Tes chaussures semblent lourdes et pleines de sable en ce moment. Or, si tes semelles devenaient de vent, ça ferait beau dans ta crinière!

    Je t’embrasse

    1. Cath

      Il n’y a que quatres fruits et légumes dans la liste : l’en manque un.
      Je la place vite fait avant Grand33 celle- là 😉
      Ok, je sors

  20. Anne

    Si un jour vous trouvez les mots, dites-les moi, dites-les nous. Entre le 7 et le 11 janvier, alors que nous étions pour beaucoup Charlie, j’ai trouvé par hasard sur un réseau social, Instagram pour ne pas le nommer, une petite jeune fille anglophone qui appelait au secours, avec sa peau coupée, scarifiée et sa maigreur. J’ai essayé de lui “parler” avec mon pauvre anglais scolaire d’il y a si longtemps, elle m’a répondu, puis un jour, j’ai perdu le contact. Elle n’était que la brindille qui cache la forêt. Il y en a tant d’autres qui exhibent leurs stigmates et leur souffrance et tous les prédateurs qui leur tournent autour et qui en veulent toujours plus. Tant de souffrances et même pas une petite cuillère pour écoper le sang et le chagrin, juste un clavier qui ne sert à rien.

  21. Herve CRUCHANT

    Si… Si cette atrocité d’anorexie rejoint les autres atrocités provoquées par les violeurs, on connait assez bien le moyen de réduire la source. “On connait” que j’dis. Mais quel neveu gendarme a l’élan plein d’abnégation pour mettre sur une plainte le nom de son tonton, de son frère, de son père ? Déjà, faudrait aller porter plainte… et à ces petits âges, si la maman aime ses petits et les mâles autour d’elle, la voilà qui tendra la main pour promettre une taloche arrête de raconter des atrocités plutôt que de tendre l’oreille.

    Anthropologique. Une société ne peut pas vivre avec cet ingrédient de déviance sexuelle. Elle ne peut pas se le permettre ; question d’équilibre, qu’elle dit, la société. C’est aussi des fois pour çà que les salopards violent et avilissent ; c’est discret, pervers, lamentablement dégueulasse, la possession absolue d’un corps qui est totalement asservi… quelque part, dans un cloaque jus de méninges, un moyen d’affirmer le fait de vivre, d’être unique. Prédateur. Difficile et compliqué de comprendre. D’intégrer cette gluance. Et puis, si en regardant une assemblée de petits enfants rentrant en classe, on sait qu’il y a parmi eux dix pour cent -je sais pas vraiment mais c’est trop- qui ont subi des saloperies; quand nous cédons à nos raouts, nous savons qu’il y a là, derrière des je-le-vaus-bien et les rubans à la boutonnière, il y a nombre de violé(e)s, de violeurs(ses). Combien, dans cette génération d’avant ? Le tout napé par une inconvenance silencieuse et abominable, une musique au mètre et des bulles du pape. La doxa, fabrique du consentement, comme le dit Noam Chomsky, nous viole en douceur en imposant sa loi. Ses us et coutumes. Mais, une fois redevenu at home, incite à la rebellion, à rechercher les textes de Prévert dits par Reggiani entre Miles Davis et un éclat de rire en Sol majeur de Wolfgang. Et puis, ensuite, partir coller sur les murs les affiches qu’on a pas su coller la dernière fois, en se disant que les felmmes sont belles, en fredonnant “le Crachat” de Léo Ferré.

    Ouais. Si je vous pose une question, là, pour me laisser un peu d’eau sous la quille, entre ma sortie d’apnée et votre essuyage de lunettes de myope intermédiaire, vous prenez ? Bon, c’est un petit jeu de manche. Voilà : on joue à “qui a inventé” ? -(…) la connerie de la pureté -alors que la Terre, nous, tous, tout le temps, toujours, sommes faits de belle grouillance, baignant dans le frais cresson bleu et dans une sorte de boîte de Pétri galactique sans laquelle il n’y aurait qu’un arrosage stupide de rayons x et autres machins stérilisateurs. – “qui a inventé” … la connerie du destin -alors que tout indique que si tu ne déroules pas la chrono sans aucun arrêt, et ben…çà s’appelle être mort, çà. On n’en revient pas, hein? -“qui c’est qui a inventé” la connerie sublime qu’il y aurait une Référence avec un grand air, une sorte de banque-iso chiée de mille pleine de répressions ciblées et de grâces servie par un Arbitre flottant dans un éther figé, même pas bandant, même pas doux comme…doux comme… ; qui aurait inventé l’enfantement comme une épreuve douloureuse, par rétorsion, sur un coup de gueule têtu, par punition…; qui nous aurait inventé parce qu’il s’emmerdait grave, l’Arbitre, après avoir déconné aux quatre coins de tout de la bulle, fait ceci et celà, la mer, le ciel… en quelques jours. Cliniquement, un grand malade ! et, pour couronner le tout, par caprice, pour satisfaire le protosexué qu’il vient de produire à son image et qui s’emmerde déjà entre Bagdad et Mossoul, voilà qu’il sort son Opinel, entaille le mec sans nombril, lui chourave une côte et en fait un concept idiot : la future honte de l’humanité. Qui a inventé cette légende foireuse, complètement invraisemblable ? Qui a inventé tout Çà, je vous prie? et Qui garde Çà au milieu du chemin, pour empècher qu’on aille voir derrière, là-bas où on y est, les hommes de la Terre? et, comme la connerie n’a pas de limites, après avoir inventé la femelle -(on peut pas appeler Eve-le-prototype “Femme”, tout de même! avec l’esprit qui a procédé à sa fabrication et l’omniscience de son concepteur)- par soucis d’équilibre (?) voilà qu’il nous dit qu’il existe un truc terrible dit “satan”, “diable” ou dieu sait comment. Par soucis d’équilibre, dixit. Qui a inventé toiut çà rien que pour t’emmerder et te faire croire que t’as le choix, le long de la potencede la vie, juste en déplaçant le fléau d’ici à là. Qui, mes amis? Et brandit une quirielle de réprésailles terrifiantes et abominables si tu n’obéit pas à cette profusion d’imaginaire absurde voir désoplilante ? et puis t’as intérêt à te le tutoyer, le Paradigme, si tu veux l’amadouer. A ne jamais blasphémer sur cette élucubration d’après boire. Et qui, bien bien pratique, justifie toutes nos propres conneries; y compris sa propre invention. Auto-connerie… mais qui pose une vraie question d’anthropologie : l’homme s’est-il inventé lui-même ? Pas l’assemblage-légo eau + matière sèche. Mais sa propre conscience de lui. Tu vois pas le retour vers la doxa et l’anorexie, là?

    Je ne suis pas médecin -je dis çà pour moi, pour me rassurer; vous, vous savez !- mais j’aime parler hôm avec mes contemporains quand ils veulent bien avoir l’infinie patience de me considérer un peu et d’oublier leurs principes respectables sur le piano du salon- et qu’aurais-je dit à cette émouvante jeune femme qui mourait à côté de moi de croire à cette idée de pureté démente ? J’essaie : “tu es belle, toi. tu permets que je te tutoie ? tu es belle et tu crois à une drôle de chose, tu vois. tu es belle et forte. mais si. tiens, on se revoit demain ou un autre jour. et tu me diras que tu ne crois plus pareil à cette idée de pureté. connais-tu les gens qui se suicident en se faisant exploser au milieu d’un marché ou d’une école ? ils croient qu’ils sont purs et qu’ils iront au paradis après avoir tué des gens qui ne sont pas purs comme eux et ‘avoir’ des dizaines de vierges qui seront leurs esclaves. tu crois que c’est vrai ? moi, j’en sais rien parce que je n’ai pas de preuves et qu’il y a d’autres ouretés, comme celle que tu dis. leur pureté ce n’est pas la bonne pureté, alors ? il y a une bonne et une mauvaise pureté ? si tu me disais la différence? mais… entre les puretés, qu’est-ce qu’il y a donc ? moi, je ne sais pas. rien. ou d’autres choses ? si on décide de réfléchir à çà chacun de son côté, on peut se revoir demain et puis en parler un peu …”. C’est du live, les Gens. C’est du live.
    Je ne tutoie personne que je ne connaisse et, en tous cas, pas des fantasmes ou idées abracadabrantesques voire divines; et n’attends certainement pas à ce qu’il m’inspire, le divin enfant. Aucune prière, même enfantine et oure, n’a jamais enlevé la moindre misère mentale, lorsqu’elle est venue me bouffer le foie et l’esprit.

    Que Mieux vous garde, les Gens. Cinq fruits et légumes, de l’agitation physique, une bonne musique à donf’ de temps en temps, des poilades de préférence avec des potes… Mettre un post-it bien en vue. Sur le post-it “ne pas oublier d’attrapper la doxa, l’étrangler et la brûler”. Et si quelqu’une écrit cet étonnement “Diable!” En travers, surlignez : “d’ENFER, le feu. D’ENFER” !!!

  22. Marion

    Après plusieurs mois de cours non stop, les partiels, enfin les vacances, enfin du temps pour moi, je me connecte sur votre site et cet article qui parle de la même chose que le fameux article qui ma fait vous connaître, vous savez cette chose, cet maladie (?) bizarre qui ne porte pas bien son nom, car “perte d’appétit” me semble un peu facile pour parler de cela, bref…
    J’ai envie aujourd’hui, ce soir, parce qu’il fait froid et triste de parler de cela, d’un petit bout d’histoire qui n’appartient qu’à moi. Je me berce d’illusion et me dis que peut être cela vous aidera.
    Je souffre de ce mal là depuis déjà 11 ans, depuis il y a eu des hauts et des bas et aujourd’hui même si mon corps est encore fragile, aménorrhée et tout le bataclan, pour les médecins qui me suivent aujourd’hui rien d’alarmant, PRESQUE une jeune femme normale, mais fragile, oh combien…
    Mais revenons à vous, à votre crainte (une fois encore) de ne pas avoir été à la hauteur. Je dirai d’abord que de penser ainsi est certainement ce qui fait de vous le MERVEILLEUX médecin que vous êtes. L’humilité, cette qualité oh combien essentielle! Mais ne doutez pas trop non plus car dans votre attitude, votre posture, votre écoute, vous lui avez peut être apporté bien plus que vous ne l’imaginez.
    L’année dernière, printemps 2014, j’ai du être hospitalisée pour la Xième fois. Rendez-vous de pré-admission, un interne me reçoit. Il est posé, consciencieux, à l’écoute, rassurant même. Il me donne envie d’essayer, d’y croire, encore un peu. J’accepte l’hospitalisation. C’est un interne en médecine générale, il n’est pas spécialisé en psychiatrie, mais pendant tout mon séjour, il sera là, présent vraiment présent, à l’écoute vraiment à l’écoute, disponible vraiment disponible. Je le sollicite assez souvent, attend qu’il “passe” dans ma chambre d’hôpital avec impatience, pour pouvoir lui confier mes déboires. Et puis c’est vrai qu’il est très beau le Dr F., il est beau à en mourir. En fait très vite je tombe amoureuse, parce que oui quand un homme est beau, attentionné, intelligent et que vous êtes seule avec votre tristesse et votre peur pour seules amies, alors oui vous tombez amoureuse, follement amoureuse. Alors chaque jour je l’attend, je guette son arrivée dans les couloir, chaque jour je finie mes repas, je mets du rose sur mes lèvres, mes yeux en valeur et des jupes à fleurs. Et je me sens revivre, mon cœur bat à nouveau, mon ventre tourbillonne, j’ai chaud, froid, je suis amoureuse comme jamais encore je crois. Et chaque jour il est là, à mon écoute, je lui confis ce que jamais je n’ai confié.
    Puis viendra le terme de mon hospitalisation et la fin de son internat dans le service. Les adieux et ce jour où je lui confis tout. Son visage qui rougit et son air soudain très sérieux. Il me souhaitera bon courage pour la suite et me dira ceci “gardez votre sensibilité, c’est une qualité précieuse qui fera votre force”.
    Je pense avoir pleuré toutes les larmes de mon corps dans les jours qui ont suivis mon départ. Mais j’étais vivante, triste et vivante. Je ne le remercierai jamais assez pour voir ouvert chez moi cette possibilité de croire que je pouvais aimer vraiment aimer. Aujourd’hui je suis triste, je suis fragile mais j’ai grandi un peu, je ne suis plus la même qu’il y a un an. Et souvent je pense à lui, aux petites phrases magiques qu’il m’a souvent dites et qui sans doute me portent encore aujourd’hui.
    Soyez confiant Baptiste, soyez sur que vous faites partie de ces hommes qui donnent envie de vivre.

    1. Julie

      Marion,
      Merci pour ce très beau témoignage. Que toutes ces petites phrases magiques continuent à vous faire du bien. Bon courage pour la suite, je vous souhaite le meilleur.
      Des bises.

      Et j’en profite: pleins de bises à toutes celles et tous ceux qui oublient à quel point ils sont supers, des gens biens et pleins de qualités. On ne pense pas assez souvent à faire des compliments; pourtant ça fait un bien fou !

  23. marie

    Dans la photo des deux lionnes rugissantes je n’arrive pas à y voir de l’agressivité ou de la tristesse mais plutôt deux femmes qui “fuck” l’espace entre elles deux… la normalité et tout son cortège de dictats épuisants.
    Tendre vers le mieux que l’on puisse faire à un instant donné, ne pas se flageller si on échoue, la vie est si courte, la perfection si illusoire …quand par exemple tu fais une aquarelle, le feuille pure et blanche est là devant toi. Tu as appris à peindre, a être léger mais ferme, tu sais qu’il faut laisser des espaces de blanc, tu mélanges avec finesse les couleurs, mais tu n’es maitre de rien.
    L’eau véhicule les pigments. Avec émerveillement, tu vois des petits miracles se produire, des alchimies subtiles, des transparences sublimes. Si tu fais un bon lâché prise (être carrément tout nu inside) tu feras un beau dessin. Pas un dessin parfait, non un beau dessin qui tend vers la perfection et tu seras heureux de l’avoir fait.

    1. Cath

      Marie Bleuette, ça se voit : tu ne m’as jamais vue un pinceau à la main. Tu pleurerais, crois- moi. La couleur ne va jamais où je veux, c’est vrai qu’elle vit sa vie. Mais en plus, moi qui aime le rose et l’abricot de l’aube naissante ou le rouge incandescent du soleil le soir à l’ouest, promesse de lendemains ensoleillés, eh bien, je me retrouve toujours avec des couleurs brunes, verdasses… Là encore, les couleurs se font la malle, et je reste comme une courge devant mon papier. Et je te cause pas des meubles que j’essaie de repeindre : j’ai le temps de barbouiller la pièce ou le balcon avant d’arriver à poser le pinceau correctement sur le meuble en question. Un désastre je te dis, et à ce niveau-là, c’est un don 😉

  24. Herve CRUCHANT

    Il existe des terroristes de tout. Même des terroristes du beau, qui veulent que le beau soit parfait… et çà donne l’art nazi ou stalinien ou mao. Et en plus, tu peux pas déroger. Tiens, je prends le cas de Lucian Freud, le peintre. Il a commencé par faire des portraits super clean. Où il n’y avait rien. Ou alors que des cris muets derrière la couche de pigments, des cris de choses contenues qui voulaient sortir; génie enfermé là par sa technique ! Et puis, un jour, il a commencé à peindre ‘vraiment. Des nus. Et pas des étals de charcutiers à la vue basse, vision grand-angle depuis le plancher je veux dire, qui donne des perspectives aberrantes… des nus et des nus de vieux et de vieilles. Dans des poses humaines que la bourgeoisie déclare généralement ‘peu flatteuses’… Lucian Freud. Marie. Marie, j’ai déjà vu et aimé beaucoup aimé de ces aquarelles délicates, d’un peintre américain, je crois, qui évoquaient des femmes sous des ombrelles translucides, avec de la lumière partout, des femmes et de rondes jupes aux plis larges légers et dont les invisibles jupons faisaient s’entrecroiser les vaguelettes des ressacs froufroutants au sable estran de bonheur. Des chignons presque libres qui chantent et des mains fines, fines…devant le bleu violet des volets d’une maison de bois peint, à la mer…. C’était peut-être toi, Marion, qui dansait sur les planches de la terrasse, en pensant à ton beau jeune homme à ton amour. Tu as oublié le gris qui nous rouille comme dans un vieux tuyau d’écoulement de pensées inutiles pour le changer contre un amour magnifique doux et clair. Ne pleure que d’aimer, Marion. Des fois, les plus beaux amours sont huste faits pour être éloignés. C’est bizarre, la vie, hein ?

    1. Marion

      Merci Hervé,
      Oui, tellement bizarre la vie, tellement incontrôlable, surprenante et vide parfois quand l’amour est absent. Oui j’avais oublié le gris des jours de pluie, cette pluie fine qui nous tombe dessus et me rouille les os chaque fois un peu plus. Mais on n’oublie jamais et le gris revient et la pluie aussi, mais on n’oublie jamais et l’amour en mémoire nous rappelle que l’on peut aimer. Et ces femmes sur ces peintures que vous décrivez avec toute la sensibilité du monde, ces femmes sont elles vivantes? Heureuses? Angoissées? Perdues? Est-ce que leurs magnifiques robes, leur peau fines et pâle, leurs mains délicates, le soleil caressant, le sable fin et le clapotis des vagues, Est-ce que tout cela suffit à leur bonheur? Et si malgré tout cela elles ne l’étaient pas vraiment heureuses? Vivantes? Et si personne n’y pouvait rien? Et si le seul amour possible était un amour impossible, et si justement l’amour devenait possible pour elles parce qu’il était impossible, illusoire, un fantasme, simplement.

      1. Herve CRUCHANT

        Marion. Beau texte, là, Marion. Merci. Je voulais te dire -excuses moi d’avance si je te tutoie, je tutoie ceux qui sont comme nous, qui viennent du soleil et n’en ont jamais assez dans les yeux-; je voulais te dire, donc, que ces femmes-aquarelles sont les reflets de nos sentiments. Elles n’existent pas plus que les anges. Mais elles sont la preuve que nous portons en nous tout ce que tu décris et voit en elles. Je n’exagère pas : je connais des pays où la pluie grise et drue et chaude ou froide est un univers à soi seule. Je sais des pays où la lumière cligne des yeux sur l’eau des cascades posées sur le sable infini comme des otaries sur une grève. Et tu as tout çà dans ta tête, Marion. Tu es ; tu es cette femme volatile sur feuille de Canson, cette goutte de pluie qui s’attarde un moment comme le ferait un chat errant, pour regarder par la fenètre. Tafenêtre. Pour te voir. Tu sais tout çà, Marion. ET tu sais aussi, comme moi, que certaines images ne sont que des mirages : ton reflet dans le miroir qui s’entête à te montrer à l’envers, ce lutin abruti insolent qui te dit dans ta tête que tu ne sais pas aimer… Jaloux ! bien sur que tu sais. Bien sur que tu aimes comme tu as aimé. Pas tout à fait pareil et c’est çà qui est chouette comme tout…. Je sais qu’il y a dans ta tête des couleurs, un papier pour les boire et les laisser couler un peu, de la lumière, des caresses; et quelques larmes aussi, pour faire fondre ensemble le soleil, la couleur et l’eau. Des gouttes de vie. Tout çà dans ta tête …. Belles journées à toi, Marion…

        1. Marion

          Que dire, à part que je m’incline devant votre texte si joli. Un texte pour moi, c’est rare, merci. Vous maniez les mots avec un tel talent, vous les soulevez les retournez, et les glissez aux oreilles de ceux qui peuvent (veulent?) entendre. Chaque fois époustouflée par vos commentaires, celui-ci me va droit au cœur. C’est rigolo, vos textes, pour les lire, il faut laisser couler, ne pas avoir peur de ne pas tout comprendre, se laisser surprendre, laisser chaque phrase faire écho en soi. J’aime beaucoup ce site, les textes de Baptiste, et j’aime encore plus ce site aujourd’hui. Vivement le prochain article que nous puissions écrire, pour laisser s’exprimer, ce qui se dit en soi. Merci pour le compliment (concernant mon petit texte) et pas de souci pour le tutoiement.

          1. Herve CRUCHANT

            C’est bien la première fois que quelqu’un me dit comment il faut me lire et que c’est exactement çà ! Je vois déjà se lever les muettes -sont jamais debout, t’as remarqué ? comme les objections ou les critiques … bizarre- en disant : c’est pas parce qu’on le dit pas qu’on le fait pas … Des jalouses ! hou, les jalouuuuuses … bisatoi, Marion. T’as vu : il y a un vrai soleil ! n’oublie pas : le jour où il n’y en aura plus dehors, ferme les yeux et rêve, t’en as encore plein en réserve dedans !

  25. Sylvie

    Je reste sans voix, tu restes sans voix, il reste sans voix… mais elle, elle t’a parlé !
    et ça, pour en avoir discuté avec une copine qui avait le même souci il y a quelques années (elle était “parfaite” elle aussi, elle arrivait à tenir une journée avec 1/2 pomme et à être major à la fac en même temps…) c’est déjà un premier pas, et pas un petit !
    Garde ta porte ouverte Baptiste, ta porte ouverte et de la place à côté de tes patients sur la table de consultation, parce que parfois, des rendez vous côte à côte, un médecin qui ne trouve pas les mots (plutôt que d’ouvrir la bouche pour faire un cours magistral), un médecin révolté qui prend le temps d’écouter, démuni peut être mais sans juger, ben ça fonctionne !!!
    Alors plein de bisous Baptiste, un jour, les mots, tu les retrouveras, sous le frigo ou derrière une étagère, ou peut être que tu te rendras compte que si tu ne les as pas trouvés cette fois ci, c’est parce qu’elle en avait besoin, qui sait… peut être qu’en les prenant pour elle, tes mots, ben elle s’en servira ailleurs, pour aller mieux petit à petit…. bonne journée Docteur !!!!! 😉

  26. Raphy

    Comme certain(e)s l’ont fait remarquer, traiter ce genre de pathologie relève du travail des spécialistes. Aucun être humain “lambda” ne peut gérer ça seul je crois.
    Je connais un infirmier qui travaille aux urgences psychiatriques et des patientes comme la tienne il en voit très (trop) souvent… D’après ce qu’il m’a dit, gérer ces personnes demandes un temps et une énergie tout à fait inimaginable, ne serait-ce que pour les surveiller et contrer les astuces qu’elles mettent en oeuvre pour ne pas manger.
    D’ailleurs, à sa tête, je crois aussi que ce genre de situation à l’air compliqué à gérer même pour un spécialiste…
    Tout ça pour dire qu’à mon humble avis, tu n’as rien à te reprocher ! Déjà tu l’as reçu et c’est pas si mal quand on voit comme j’ai galéré pour trouver un médecin qui veuille bien juste me prescrire un antihistaminique (merci aux permanences “SOS médecin” au passage).

  27. josecile

    La soigner ? A part elle, pas grand monde le peut. Et si elle est venue te voir, c’est peut-être qu’elle a déjà fait un petit bout du chemin.
    Ne pas trouver les mots quand il n’y en a pas ce n’est pas être nul, c’est être humain, et parfois ces ados nous dépassent, nous laissent sans voix, même quand on a fait médecine et lu plein de bouquins avec plein de mots compliqués dedans.
    A jeudi à BOURG EN BRESSE !

    1. CdA

      Ahava:…MERCI pour ce lien… la publicite Always”Comme une fille”et le commentaire du psychiatre est…a regarder et faire regarder…cela m’a vraiment fait voir l’estime de soi autrement…et j’en profite pour glisser un”BONNE FETE”A MAMBIBI,qui sait si simplement,trouver les mots qui apaisent.

  28. kaekae

    Puisqu’on parle de règles, ça me fait penser au sang représenté par du liquide limpide et bleu et surtout pas coagulant dans les publicités pour les serviettes (tiens d’ailleurs, il y a cette pub australienne chouette http://www.madmoizelle.com/serviettes-hygieniques-pub-lol-124161 ).

    Et bon, moi quand j’étais jeune fille j’ai mis beaucoup de temps à ne pas avoir honte : honte quand une publicité pour des serviettes hygiéniques passaient à la TV (je restais le plus immobile), honte d’aller dans le rayon serviettes hygiéniques au supermarché (je passais, repassais jusqu’à ce qu’il n’y ait personne dans le rayon et que je puisse choisir), et puis tiens j’avais aussi honte d’aller au rayon soutien-gorge dans les magasins.
    Je sais pas si c’était à cause de la société, de mon éducation (que je qualifierais de “normale” : mes parents ne m’ont embêté avec rien, comme si j’allais tout découvrir par moi-même et être à l’aise facile en même temps), ou parce que j’étais ado et bien sur ça ne doit pas vraiment aider.

    Je crois que les choses ont changé le jour où une copine a roté et a dit “pardon” le plus naturellement du monde.
    Excusez-moi, on peut roter, et dire pardon ensuite ? On n’est pas obligés de rester immobile et muet comme s’il ne s’était jamais rien passé ? Mais OH LALA, on est humains et on a le droit! \o/

    Enfin maintenant que je suis une grande fille, donc, je rigole bien de mon bonhomme qui est encore tout gêné s’il se retrouve au rayon sous-vêtements de nanas ou piiiiiiiiiiiiiiire, s’il faut acheter des préservatifs.

    Mais tout de même, je me demande toujours en voyant les pubs pour les brosses à dents où les acteurs font des gestes bien circulaires sur leur bouche immaculée : il n’y a que moi qui aie du dentifrice partout autour de la bouche, quand je me brosse les dents ?

    (je me doute bien que les choses sont plus compliquées que ça, mais ça t’aidera peut-être de pouvoir lui parler de dentifrice et de publicité)

  29. Ahava

    Un souvenir qui me vient en tête grâce à kaekae 🙂
    J’avais arrêté la pilule pour cause d’effets indésirables et j’avais des cycles déréglés. Conséquence: obligée de porter des protège-slips tout le temps, même quand il ne se passait rien. Je suis venue chez mon petit ami du moment qui habitait à quatre heures d’avions et qui savait mon problème. Je planquais mes boîtes de protège-slips dans un endroit bien planqué de la salle de bain pour qu’il n’ait pas à subir leur vue.
    Quand je suis retournée en France, je me suis aperçue que j’avais oublié mo kit de survie. Quinze jours plus tard, mon petit ami m’appelle pour me dire: “hey, tu sais quoi, ça fait plusieurs fois que je nettoie la salle de bain et c’est seulement maintenant que j’ai retrouvé tes machins! ça m’a fait plaisir car ça m’a fait pensé à toi!”

  30. Herve CRUCHANT

    Brel : “On n’oublie rien; on s’habitue. C’est tout.”… Ahava, j’ai bien aimé ton histoire. En plus elle a l’accent …

  31. Victoria

    En quoi arrêter de manger, ne pas avoir ses règles fait de quelqu’un une meilleure personne ? en quoi vivre moins alors qu’on est tous entrain de mourir (cycle de la vie n’allant que dans un seul sens) fait de quelqu’un une meilleure personne ?
    C’est sans doute ce que j’aurais essayé de lui demander si j’avais été en face d’elle.
    C’est une situation difficile, c’est pas marqué dans les livres…

    1. Libellule

      Peut-être au 2ème entretien.
      Au 1er elle avait sûrement besoin de se sentir écoutée… Elle aurait pu prendre ces questions comme une tentative de lui faire la morale ou de la forcer à changer contre son gré, ce qui aurait alors été contre-productif.
      Je pense. Mais j’ai peut-être tort.
      Tout ce que je sais de l’anorexie, c’est que c’est compliqué et difficile à soigner, alors…

  32. Charlotte

    Il y avait un vrai problème, un problème grave, un problème dangereux, que pose votre blog, c’est que vous semblez vivre dans la plus complète ignorance de l’existence de la psychologie. Dans chaque hôpital digne de ce nom, il y a un psychologue dans l’aile de psychiatrie, dans chaque ville il y a un CMP où les patients peuvent recevoir des consultations gratuites, et des psychologues, psychanalystes ou même comportementalistes, qui reçoivent dans des cabinets privés. Votre blog est charmant parce qu’il interroge précisément le côté “psy” de la médecine, et que vous semblez plus éveillé à ce genre de problématiques que la majorité du corps médical. C’est bien, mais ça n’est pas assez. Là où sont vos limites commencent notre job. L’anorexie, on en meurt. On en meurt. Vous savez mieux que nous comment et pourquoi on en meurt, vous connaissez mieux les différents symptômes. Mais nous, nous savons la traiter. Ou du moins, nous avons plus de connaissances en la matière que vous. Ecrire un article sur le fait que vous n’ayez pas su, vous qui êtes médecin, traiter l’anorexie, c’est mignon, et vous avez l’air de le regretter. Vous oubliez de préciser que ce qui est grave, c’est que vous n’avez pas fait votre job, qui est de l’orienter vers un psychologue. Voire même, en deçà d’un certain poids, de la faire interner d’office. Votre article sur l’homme qui recouvrait les murs de ses fèces quand vous étiez interne en psychiatrie prouve le point, absolument terrifiant, auquel les jeunes psychiatres sont mal formés. Vous n’apprenez rien en psychiatrie, rien que de noms de médicaments et des listes de symptôme. Les seuls psychiatres qui valent quelque chose sont ceux qui ont plongé le nez dans des ouvrages de psychologie, ceux qui ont lu leur Freud, ceux qui savent de quoi ils parlent, et qui ne pensent pas que l’état maniaque c’est “dormir peu, dépenser beaucoup d’argent, être surexcité”. A quels entretiens délirants j’ai pu assister quand j’étais en stage à Saint-Anne et que les psychiatres me laissaient entrer dans leurs consultations… Bref, ce que je voulais dire c’est que faire un article sur vos limites en tant que médecin ne sert à rien si vous ne vous servez pas de la reconnaissance de ces limites pour tout de même sauver cette jeune fille. Exercez votre pouvoir de conviction sur elle, usez de la confiance qu’elle a apparamment en vous – ce qui fait de vous un bon médecin généraliste, voire un très bon, au passage – pour participer à son traitement : ENVOYEZ LA VOIR UN PSY. C’est votre devoir. Vous avez preté serment. Ne la blessez pas. Portez assistance à cette personne en danger. Il y a des gens qui savent exercer le métier qui n’est pas le votre.

    1. Cath

      Question stupide : qui vous dit que Baptiste ne l’a pas fait ?
      L’objet du post était de montrer le désarroi ressenti et les limites de la pratique du généraliste. Pour le reste, vous exercez un jugement quelque peu hâtif, c’est le moins qu’on ne puisse dire, ne trouvez-vous pas ?

    2. Libellule

      Charlotte, bonjour,
      je ne veux pas vous brusquer car je me dis que peut-être cette histoire appuie chez vous sur une corde sensible, un souvenir douloureux de votre métier ou autre.
      Nous ne savons pas ce qu’à fait Baptiste, mais nous savons ce qu’il a fait : écouter la demoiselle, se placer à ses côtés (et non en position frontale)… bref mettre en place une relation de confiance… C’est une base en psy, s’il n’y a pas ça, il n’y a aucune suite possible. Si elle vient le voir, lui, médecin, pour évoquer le fait qu’elle ne mange pas, et que ce premier contact lui convient à elle, elle sera plus encline à suivre ses conseils… qui je n’en doute pas seront d’aller voir “Un homme qui aura les mots” ou une femme qui ôtera les maux.
      Bien sûr dans ces cas-là le soignant a une conscience terrible du risque que la personne décède entre le moment du premier contact et le moment où on aurait pu mettre en place un suivi. L’urgence vitale est difficile a évaluer quand le fil de la vie est si ténu. Mais Baptiste a été urgentiste, je crois sincèrement qu’il aurait forcé l’hospitalisation. Maintenant si la demoiselle vient le voir pour évoquer sa maladie, c’est qu’il y a une pulsion de vie, et j’espère de tout cœur qu’elle reviendra, sera réorientée vers un psy adéquat que Baptiste aura eu le temps de trouver suite à la première consultation

    3. Marion

      Je pense que vous jugez ici sans savoir, sans savoir ce qui s’est passé avant, pendant et après l’entretien. Cet article n’avait pas prétention d’énoncer la conduite à tenir face à une patiente qui souffre d’anorexie. J’espère ne rien vous apprendre en vous disant que cette “conduite à tenir” est une base rassurante sur laquelle on peut se reposer parfois. Mais face à l’anorexie comme face à tout autre pathologie psy, il y a 1000 façons de réagir de manière appropriée. L’anorexie fait peur, la maladie fait peur, on voudrait se protéger, protéger l’autre à tout prix, mais parfois il faut juste être là et accueillir l’autre. C’est certes le rôle du psychologue, mais c’est aussi le rôle de chacun d’entre nous. Avant de l’envoyer voir un psychologue, il faut peut être se demander si elle en est d’accord, au moins un peu d’accord. Et ne rien brusquer, ne pas vouloir à tout prix, emmener l’autre là où l’on pense qu’il doit aller. Vous parlez d’internement, cela me choque profondément, nous avons un peu évoluer depuis quelques années me semble t’il tout de même. Parfois, c’est vrai, une hospitalisation d’office avec re nutrition par sonde est nécessaire, vitale, pour un temps. Mais on ne force pas, on n’interne pas, on n’enchaine pas les maux qui cherchent à s’exprimer, avant de vouloir supprimer. Cette jeune fille n’est pas seule, Baptiste à fait et fera le nécessaire. Il n’y a pas de consigne à donner, il n’y a pas que des psychiatres bornés, il n’y a pas de IL FAUT ON DOIT ou de YA KA FAUT KON, il y a juste une jeune fille et un homme médecin sensible, et cette histoire touchante qui montre combien tout n’est pas si simple. Et oui un psychologue pourra l’aider, c’est sa vocation d’être là, au psychologue, pour elle et tous les autres qui ont mal et qu’on ne comprend pas. Mais baptiste et là aussi.

      1. Charlotte

        Comme vous le dites vous-mêmes, parfois une hospitalisation d’office est nécessaire. Comme on le fait avec les suicidaires. Ou avec les patients dangereux pour les autres. C’est moche, ça rajoute des trucs à traiter, des estimes de soi à panser, et il faut l’éviter à chaque fois qu’on peut l’éviter, il faut tout tenter avant ça. Là dessus, je suis d’accord avec vous. Mais quand la personne risque de mourir, on ne peut pas, on ne doit pas laisser faire.

        1. Marion

          Vous auriez du rajouter ces mots là dans votre commentaire, commencer par ces mots là même. Je suis loin d’avoir l’expérience nécessaire pour me prononcer en fait et quoi que l’on dise, souvent on se trompe tellement. J’espère que la prochaine fois vous viendrez sur le site avec un œil un peu moins “négatif”, même si je pense tous les avis et opinions sont les bienvenus.

    4. jo

      mon dieu… pauvre de vous. je suis pas médecin mais je vais voir le psy. et ce qui fait que je continue de le voir, même si c’est pas toujours facile de remuer la boue, c’est justement qu’il écoute sans juger, me guide dans mes réflexions, mais jamais, oh grand jamais, ne se permet de jugement de valeur. Je ne vois pas comment énoncer du “tes un gros nul qui n’a pas assuré un kopeck” peut aider qui que ce soit!
      A l’époque ou je savais avoir besoin de me faire aider, mais trop timide encore pour vraiment oser consulter… a cette lointaine époque… je serais tombée sur quelqu’un comme vous… je n’aurais probablement pas été plus loin, et serais restée encore un peu plus seule avec mes doutes et mes problèmes. Vous devriez repenser vous aussi aux phrases si doctement énoncées. “Ne la blessez pas. Portez assistance”

        1. Eulalie

          Parce que tu n’as pas la présentation des commentaires version espacée questions-réponses, Baptiste.
          Il s’agit d’une réponse à Charlotte quand elle a posté son premier message avec un peu de tension et beaucoup de conviction mais un message bien remonté qui a pu paraitre assez injonctif… Euh, en espérant que je ne dise pas de bêtises sur vos intentions. ^^

          1. Jo

            Merci Eulalie, d’avoir su traduire ma pensée… je n’ai pas été très réactive sur ce coup là

          2. Eulalie

            (ouf alors je suis rassurée car j’avais peur finalement d’avoir été trop rapide sans vous laisser à toutes deux le temps, la parole… ^^
            Bon chemin)

    1. Libellule

      pas de souci, ça arrive quand on est très touché(e) par un texte et qu’on a besoin de faire partager ses émotions (positives ou négatives)
      prenez soin de vous Charlotte

  33. Grand33

    Bonjour Bibi,
    un peu à la bourre sur ce post mais bon …..
    beaucoup de messages intéressants, de belles histoires, (clin d’oeil à Marion et d’autres).
    Rassure moi, tes histoires sont un peu “romancées” ? J’ai l’impression que certains les prennent un peu trop au pied de la lettre.
    Enfin j’dis ça, j’dis rien …..
    La bise

    1. Eulalie

      … mais comme dirait Jacques Salomé : “Un livre a toujours deux auteurs, celui qui l’écrit et celui qui le lit”. Alors c’est sûr on reçoit chacun l’histoire à partir de ce qu’on est et de ce qu’on vit. C’est ça qui est sympa aussi ! Enfin… 😉

      1. Julie

        Triplement d’accord ! D’ailleurs, une fois acheté, le livre de l’auteur devient Mon livre. C’est un peu égoïste dit comme ça ? 🙂 Peut-être que nous réécrivons un peu l’histoire lorsque nous la lisons ?

  34. Libellule

    L’anorexie, ce terrible mal qui vide ses victimes de leur substance, de leurs sentiments et finalement de leur vie, parce que tant qu’il reste des sentiments et de la substance organique il y a possibilité d’imperfection… Pas étonnant qu’elle vide aussi un médecin écrivain de ces mots, cette maladie du vide !

  35. Charlotte

    J’ai peut-être écrit hâtivement, et je n’ai peut-être pas été claire. Non, il n’y a pas d’ultime solution, et non, je n’accuse personne d’être un mauvais médecin, bien au contraire. Ce que je veux dire, c’est que trop de médecins, beaucoup trop de médecins, négligent d’orienter leurs patients vers un soutien psychologique. En tant que psychologue – encore en formation par ailleurs – je vois trop souvent des enfants qui présentent des signes d’autisme depuis un an, mais le pédiatre disait “tout les enfants se développent à leur rythme, ne vous inquiétez pas ma bonne dame”, ou des jeunes femmes qui ont arrêté de manger il y a des mois, et non pas il y a des semaines. Trop de médecins oublient que les psychologues sont là, partout, présents, et que la plupart d’entre eux (hélas, pas tous, il y a de mauvais psychologues comme il y a de mauvais médecins, de mauvais profs et de mauvais boulangers) peuvent réellement aider, précisément là où la médecine ne peut plus grand chose. C’est épuisant de travailler en tant que psychologue dans des hôpitaux et de voir que la médecine tente de vous rejeter en permanence. C’est épuisant de recevoir des patients qu’on aurait pu recevoir bien plus tôt, et donc traiter avec bien plus d’efficacité.
    Quand on lit un médecin comme l’auteur de ce blog être si ouvert, si compréhensif, si profondément humain, on a juste envie de s’appuyer sur lui pour lui dire : répandez la bonne nouvelle autour de vous, la dernière bonne nouvelle, qui est que quand des médecins aussi formidables que vous, aussi à l’écoute de vous, devront passer au prochain patient, où se trouveront sans mots, il y aura toujours, derrière, après, des psychologues qui peuvent s’occuper de ces patients là. C’est tout ce que je voulais dire. Et bien sur mon commentaire n’a aucun sens si in fine il a orienté sa patiente vers un psychologue, mais le fait qu’il dise qu’il est resté sans mot et n’a pas pu la soigner me laisser penser ça.

    1. Libellule

      Je ne sais pas ce qu’en pense Baptiste,
      de mon côté si les échanges ont pu participer à une forme d’apaisement et de réconciliation, je trouve ça chouette.
      Bon courage pour le travail Charlotte… pas toujours facile d’admettre qu’il peut y avoir parfois (souvent ?) autant de rigidité et de mécanismes de défense chez les soignants et cadres de nos équipes que chez les patients… 😉

    2. Cath

      Dit comme cela, on vous comprend mieux, on comprend mieux aussi l’urgence qui vous habite.
      Bon courage pour la suite de vos études et pour la voie que vous avez choisie, qui n’est pas la plus facile. Mais vous y croyez, alors c’est déjà une belle chance pour les gens que vous rencontrerez. 😉

  36. Elemm

    On a le droit de se sentir impuissant parfois, ça fait partie de nos métiers. Et quand on ne sait pas quoi dire, la meilleure chose à dire, c’est qu’on ne sait pas quoi dire. Un truc du genre “Je voudrais dire des mots qui vous fassent du bien, qui vous aident, mais je ne les trouve pas. Ça ne veut pas dire qu’ils n’existent pas, juste que moi, je ne les ai pas, là, tout de suite…” Double effet kisscool :
    a) Tes mots confirment ton empathie, ouvertement affirmée, des fois que toute enfermée dans sa peine, elle n’en voie pas les signes non verbaux,
    b) Comme elle pense qu’il faut être parfaite pour avoir l’air aimable, tu lui prouves derechef le contraire : tu n’es pas parfait, tu ne sais pas tout, mais tu n’en es pas moins aimable.
    c) (Ça fait un triple effet, en fait) Tu dialogues en franchise totale, d’humain à humain.
    Depuis qu’on m’a autorisée à dire mes impuissances, je suis beaucoup plus efficace, car beaucoup plus authentique. Sers t’en aussi si tu veux 🙂

  37. Fafa

    Très beau texte Bibi, qui m’évoque parfaitement mon quotidien. Je travaille dans un centre de rééducation fonctionnelle ( soit: pas un max de collègues à qui renvoyer les patients qui souhaitent juste sortir en ayant retrouver leur autonomie partielle ou totale). Très souvent je me retrouve face à des gens qui trouvent une personne à l’écoute, qui pose des questions (peut-être trop de questions) et qui donc se (dé-)livrent.
    Je ne suis pas médecin, je suis diététicienne. On connaît tous le lien “problème = chocolat”. Parfois c’est que chocolat (ouf), parfois (voire souvent) c’est alcool et tentative de suicide… Je ne suis carrément pas formée pour ça. J’en ai parlé à un autre diét qui m’a dit le mot clé: empathie. Je les écoute, ils en sont heureux et c’est déjà ça! Alors Bibi, parfois écouter est aussi bien qu’agir!

  38. Herve CRUCHANT

    Bon. Basta ya ! Les psys, c’est bon; fini le temps aloué… Un moment j’ai cru que Charlotte avait vu dieu; et puis un moment après qu’elle était dieu; et puis, saut de section qu’elle se disait éboueuse d’humains après la dégustation des médecins. Car, pour déguster, ils ont dégusté, les toubibs qui font pas la bonne psy quand il faudrait, ou maltapropo, que sais-je. Sœur Elem, que j’aime bien par ailleurs sans l’avoir jamais vue et que çà vous regarde pas si c’est une virtualité scintillante pour moi, nous fait le coup de la bonne parole au bon moment… Halte là, gentes dames ! J’ai le privilège d’avoir eu recours a deux bons psychiâtres parce que … et bien les gens qui m’aiment -ouais, ricaneurs stupides, tout existe iciba- avaient besoin de me voir encore un peu; là où moi même je n’en voyais pas la véritable opportunité. Zimmm. Et voilà pour les faits. Maintenant, j’ai à l’esprit (!) le magnifique texte écrit au lance- femme par Elem sur les psychiâtres… bouducon ! de la belle ouvrage mais je dois dire que ce verre de tafia m’a fait un bien fou; tout ce qu’elle a dit là m’a paru inverse de ce que j’ai moi-même ressenti. Bon, les mandarins, les pédants, les ultimes-recours avant le trou dans la terre, tout çà, on connait. Mais, Mesdames, si par hasard et détermination inébranlable (pour l’inébranlable, je ne m’avancerais pas trop sur ce blog), notre Bibi sensible de la coiffe et du muscle cardiaque avait dans l’idée de mettre de l’humanité dans sa médecine? pire que tout, remplacer la psychologie qui s’enseigne “aussi” semble indiquer Mme Charlotte par de l’humanisme ? Ouais, c’est un gros mot, je sais. Et puis j’ai déjà lu ici que certains disaient qu’il faisait preuve de “sensiblerie”; j’intuite bien que nos deux psychologues vont me dire “serait pas taxé de sensiblerie s’il connaissait un minimum de technique…”. Pouet pouet. Humanisme; si on change quelques lettres ou presque toutes, on a le mot “amour” dedans. Çà y est, çà ricanes de nouveau… Mais dites moi, je peux vous donner un exemple qui démontre que la psychologie a de sérieuses limites ? Et bien, poussez le bestiau à fond en lui demandant d’exprimer ce qu’il considère ne pas aller bien pour l’espèce humaine tout en proposant une solution perso. Une consultation gratos qu’il vous invente dieu en un quart d’heure ! Maintenant, faites un truc qui soit du type “devenez ce que vous êtes” à cet ensemble génial vivant mais tout dézingué qui est devant vous et vous allez en faire un demi-frère. Quoi ? La psychologie fait çà ? Mon dieu !!!

    1. Libellule

      (j’ai eu du bol, je n’en ai pas pris pour mon grade moi aussi ; merci Hervé car aujourd’hui j’ai particulièrement besoin de calme et de douceur… 🙂 )

    2. Elemm

      Hervé adoré j’ai rien compris, ça s’éparpille, on dirait le même bazar que dans mon appart. Tu dis qu’on théorise trop ? Qu’on donne trop de leçons, qu’y a qu’à être humain et pi c’est tout ??
      M’en vais te relire une douzième fois… 🙂

      1. Herve CRUCHANT

        c’est çà… c’est aussi une petite tactique mesquine, çà : “vous pouvez répéter la question?”; “j’ai pas tout compris, là…”; “vous voulez dire que … ?”… marrant comme tout … j’aurais pu être brutal et chouia stupide en réagissant comme ceci : “tout çà, c’est foutaise!”… il y en a bien une ou deux qui aurait dit : “tu peux t’expliquer, là?”. ah, Elemm, fille de dialecticien respecté, j’ai eu tort de ne pas prévoir ton revers lifté le long de la ligne. pas de bol, il est dans le filet ! bises et … courage pour la douzième.

    3. Marion

      Bon Hervé, ça ne marche pas à tous les coups et parfois, j’ai peur de ne pas tout comprendre. En fait vous aimez les psy ou vous les détestez ? Heu en fait pourquoi faudrait-il pour ou contre? J’ai toujours tendance à croire qu’il n’y a que deux solutions dans l’histoire… Tient ça me fait penser à mon prof (CE prof que j’adore) qui site Sasha et sa chanson “Je suis contre les femmes, tout contre…”. Bref…
      Donc voilà en bonne névrosée obsessionnelle je me demande si vous êtes pour ou contre? Moi avant je me disait tous des c… enfin surtout des c….. parce qu’elles m’ont toutes reçues avec ce je ne sais quoi d’arrogance, cet air de supériorité et cette façon de te dire “JE détiens le savoir, J’AI la solution pour vous, je suis toute puissante!!”. Pauvres c…… Et puis bim, après un petit bout de chemin à chercher mon chemin, enfin un chemin sympa avec des fleurs (roses les fleurs), des papillons, des ptits chatons, un ptit ruisseau, des princes charmants et tout et tout. Bon et bien quand j’ai trouvé ce chemin (encore un peu boueux le chemin hein) je me suis retrouvée dans un amphi de psycho avec des ptites minettes de 19 ans, j’ai eu peur (beaucoup beaucoup), j’ai cru partir en vrille, puis je me suis trouvée (en partie). Voilà je fais psycho et j’ai des profs du toner, qui “assurent grave”. Je comprend ce qu’est ma vocation, je comprend ce que veux dire humilité, folie, respect. Je comprend qu’il faut arrêter de vouloir tout savoir et ne penser qu’à soi. Je comprend comme j’ai tellement envie de serrer ses personnes si fragiles, à un moment de leur vie, dans mes bras, mes petits bras tout maigres, mais des bras qui aiment profondément les gens. Aujourd’hui, j’ai compris que j’étais tombée sur des pauvres cruches, des madame je sais tout, et que allez soyons fou “j’espère que je ferai mieux qu’elles”. Hervé, encore un petit mot, très émue que vous vous soyez confié quant à votre vécu, cette page de votre histoire, vous m’intriguez Hervé, les hommes m’intriguent.

  39. maud

    Parfois les livres ne servent à rien. Parfois on soigne en étant des humains. En s’ouvrant aux autres, sans ajouter de mot. Les discours ne peuvent pas grand chose contre ta patiente. Moi même médecin, j’ai subi ces TCA, pas au point de peser 35 kilos, mais bien au point de bien pourrir une période de ma vie et de celle de mes proches. Mes enfants m’ont donné de quoi remplir ce vide, mon mari m’a donné l’énergie et sa bienveillance. Pas de grand discours, mais des briques pour se construire et la force d’apprendre à lacher prise.
    Et puis les livres ne servent pas à rien. Pour cette patiente tes livres lui sauveront la vie quand il faudra bien doser une alimentation nécessaire à sa survie, et lui éviter un syndrome de renutrition. Les livres lui feront passer un cap et gagner le temps nécessaire à guérir. Ils te feront savoir quand tirer la sonnette d’alarme.
    Voilà pourquoi tu apprends.
    Ne bois pas l’eau des ruisseaux, sinon c’est du papier des tes livres dont tu te serviras… 😉

  40. Anne

    Ecoute sincère qui ne juge pas & empathie ont toute leur valeur face à la douleur, qui peut enfin être entendue et donc reconnue, même acceptée : si celui/celle qui écoute accepte cette douleur sans jugement, la personne qui l’éprouve peut s’engager à l’accepter -la non reconnaissance par autrui renvoie au déni de la réalité- pour ensuite progressivement mettre en œuvre ce qu’il faut pour s’en libérer.
    Tu tiens le bon bout Bibi : )

  41. Running girl

    Bonjour,
    Pour comprendre, je suggèrerai des questions ouvertes
    (trouvé sur le net)
    Les questions ouvertes servent à comprendre, à faciliter l’expression, à dialoguer, à échanger. Elles commencent par un adverbe (pourquoi, combien, comment, quand) ou un adjectif/pronom interrogatif (quel, quoi, qui) d’où le fameux QQOQCP (Quoi, Qui, Où, Quand, Combien voire comment, Pourquoi).
    Exemples de questions ouvertes :
    Pourquoi … en évitant un « ton inquisiteur » ? Quel est … ? Comment faire pour y arriver … ?
    On est en France dans un système du oui/non.
    Poser des questions ouvertes et se taire en attendant que la personne prenne le temps de répondre.
    J’ai un pense-bête sur moi pour ne pas retomber dans les questions est-ce que… qui vont amener un oui/non…
    Bon, c’est pas la panacée non plus, mais on obtient un retour.
    Courage et bisous

  42. Herve CRUCHANT

    Running Girl. un bien beau couteau suisse que t’as là ! perso, je préfère l’Opinel ou le Laguiole avec une tranche de campagne frais craquant avec de grosses bulle, un fromage qui va bien et un fond de rouquin pour la route. humainement parlant, quand t’as fini de déguster et que tu replis la lame, le torchon dans la besace, au moment de reprendre ton bâton de berger pour repartir la truffe au vent des alpages, tu dois roter. ouais, je sais… mais c’est ainsi. l’humain d’abord, quoi…

  43. Nadège

    Ecouter, c’est sans doute le plus joli mot qui existe. Il ne s’agit pas de trouver un remède miracle, ni même de guérir tout de suite comme si le médecin avait cette obligation suprême de tout résoudre en une consultation, mais de poser la première pierre, celle qui fait penser à un patient que, peut-être, un être humain pourrait l’entendre.
    On en met de la pression sur les enfants, plus encore sur les jeunes filles, c’est vrai. Etre au top, tout le temps, dans la norme au minimum si on ne peut faire mieux. Mais ça arrive aussi aux petits garçons. Mon fils, tout juste 10 ans de vie et déjà des questions existentielles du genre “Tu crois qu’elles disent vrai, les filles de ma classe, et que je suis gros ?”. 31 kg tout mouillé et ça se fait traiter de “gros” sous prétexte de petit ventre enfantin et de joues un peu rondes. Et voilà que ça prétend se priver de chocolat, et p’t’être même qu’il préfèrerait manger un peu de salade ce soir, parce que la purée, ça va le faire grossir et les filles vont se moquer. Mes arguments ne passent pas, je ne suis pas légitime parce que je suis sa mère et que je dis forcément le contraire de ces pestes de 10 ans, par amour. L’objectivité d’une mère, c’est sujet à caution et ça ne soigne pas les angoisses et l’anxiété. Alors j’ai demandé de l’aide à ma généraliste. Elle le connait bien ce petit bonhomme et elle sait comment lui parler. Elle a montré les courbes sur le carnet de santé, elle a parlé de tous les autres enfants, qui devaient sûrement être obèses parce qu’ils font au moins 2 gros kilos de plus que lui au même âge. Elle a dit que les filles sont parfois bêtes et elle a surtout écouté, sans émoi apparent, la désolation de cet enfant qui aimerait bien ne pas se faire traiter de “gros”, pendant que mon coeur de mère se brisait dans la pièce d’à côté, d’avoir mis au monde un enfant dans une société où, quoi qu’on fasse, on n’est jamais ce que les autres attendent de nous. Il est ressorti en souriant, elle venait de lui dire qu’il ne pouvait pas manger que de la salade, parce qu’il n’est pas une tortue. Il a dit “Ça m’a fait du bien de parler” et j’ai entendu “Ça m’a fait du bien d’être écouté”. 10 ans et ça se préoccupe déjà de son poids, de la couleur de ses dents, de la taille de ses oreilles et même de savoir si ses lunettes ne lui donnent pas trop une tête d’intello (l’insulte suprême des CM2 semble-t-il). 10 ans et ça cherche déjà le juste milieu entre “bien travailler” pour passer en 6e et ne pas trop en faire pour ne pas passer pour l’intello de la classe. Et être juste un enfant, c’est possible ?
    Peut-être que vous n’avez pas guéri cette gamine, Baptiste mais l’écouter c’était déjà un geste soignant, même si les effets n’apparaissent pas tout de suite. Et puis, pour guérir les maux de ce type, il faudrait d’abord soigner la société. C’est elle qui est malade des codes qu’elle impose à nos enfants.

    1. lectrice boulimique

      Nadège, du peu que je peux lire dans ta description de ton garçon, il m’a tout l’air de présenter un profil de personne surdouée: intellectuellement avancé, se posant plein de questions existentielles, hypersensible (entre autres aux critiques des pestes de sa génération!).
      Je ne suis pas médecin mais informe-toi auprès de ton médecin et sur le site de Jeanne-Siaud Facchin qui a ouvert “Cogito Z” çàd 3 centres de suivi pour enfants “zèbres” (c’est comme cela qu’elle surnomme ces petits) à Marseille, Avignon et Paris : http://www.jeannesiaudfacchin.com
      Bibliographie complète ici (elle a écrit plusieurs livres sur l’accompagnement de l’enfant surdoué) : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jeanne_Siaud-Facchin

  44. Paulette

    Ce n’est pas parsqu’on ne trouve pas les mots qu’on est nul, ” d’abord”! il y a des situations ou les mots, c’est difficile à trouver et c’est bien aussi… c’est une façon de se mettre au même niveau que l’autre…notre frère d’humanité.
    ça me rappelle un souvenir.
    j’allais voir une personne en soins paliatifs et quand je suis entrée dans sa chambre elle m’a accueillie en pleurant et en me disant qu’elle avait peur de mourir…je me suis sentie perdue tout à coup. je me suis juste assise près d’elle et je lui ai répondu que moi aussi. moi aussi j’avais peur de mourir. elle m’a ouvert ses bras, je m’y suis posée et nous avons pleuré ensemble. je crois que ça lui a fait du bien!

  45. Lobe

    Journal d’un corps*, Daniel Pennac. Je me souviens très mal de ce que je lis, j’ai une mémoire percée, mais là étrangement ça me revient en mémoire (peut-être parce que moi aussi, pendant deux ans mes menstruations se sont fait la malle): Daniel (je l’appelle ainsi, j’ai grandi avec lui après tout – L’œil du loup) dit qu’il a toujours tenu les règles comme une purification. Quand je dis ‘tenu’, c’est au secret de son cœur, comme un truc pas trop formulé, latent, mais accroché fermement. Et que par ça, par ce renouvellement mensuel, les femmes étaient ‘supérieures’ aux hommes qui fonctionnent en circuit fermé. J’aime bien cette perspective, ça sort du sale, de la perte, du moins.
    *Je ne raffole pas des ordres donc je ne dirais pas lisez-le. Mais si vous avez envie d’un livre qui a du coffre, vous pouvez aller voir par là-bas. Vraiment.

  46. Anne-Cécile

    “Peut-être qu’on ferait mieux de vivre tout nus… abandonner la civilisation… boire l’eau à même le lit des ruisseaux… Qui me suit ?”

    Par exemple comme dans “Soudain, seuls”, le dernier livre d’Isabelle Autissier ?

  47. KatiD

    Je n’ai jamais compris pourquoi il fallait absolument hiérarchiser les différences, décider qu’une forme est le bien et l’autre le mal. La femme infériorisée parce qu’elle “perd” son sang ? Pourtant, ce sang “perdu” chaque mois, c’est le sang qui avait été mis de côté pour l’autre, pour un éventuel enfant. Le sang c’est la vie, c’est aussi la famille, et chaque mois le corps féminin réserve une partie de sa vie pour l’autre. Cela ne méritait-il pas le respect ?
    Pour cette jeune fille, il faudrait de la PNL, du travail en trans-générationnel. En quoi est-ce si important d’être “pure”, “pas mauvaise” ? Je subodore une mémoire de crime sexuel, de souillure …

  48. GABORIT

    Coucou Baptiste,

    ma Laurette me dit que c’est ton anniversaire, alors je te fais un énoooorme HUG,plein de tendresse, et t’envoie une belle pensée affectueuse

    mille bisous

  49. Tournesol

    Bonsoir Baptiste…

    Anorexie = crime incestuel dans 50% des cas…
    (Cf AIVI, Association Internationale des Victimes de l’inceste)…

    Les médecins sont insuffisamment formés à cette réalité…
    C’est un drame pour tous les incestés…

    Juste pour info…
    Merci de m’avoir lue… et entendue j’espère…

  50. Marine

    Oh ! Quand j’ai fait ça, moi, mon médecin il m’a dit : “Je sais que c’est difficile, et que tu n’as pas envie de manger. Mais tu sais, ça me ferait plaisir, tellement, tellement plaisir, si tu te faisais un vrai repas, avec une entrée, un dessert, et un plat complet. ça me rendrait très heureux que tu fasses ça si tu peux.”
    ça a été très très long, mais notamment grâce à cette phrase, je me suis remise à manger petit à petit.

  51. Poup

    Baptiste,
    la moitié des livres qui sont écrits ne sont pas publiés ; la moitié des livres qui sont publiés ne sont pas vendus ; la moitié des livres qui sont vendus ne sont pas lus ; et la moitié des livres qui sont lus ne sont pas compris. Alors les livres compliqués……..

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