Le vent dans la montagne.

Photo : Baptiste Beaulieu

Est-ce que l’amour peut sauver quelqu’un ?

C’est une question naïve, volontairement naïve, même qu’on croirait une exergue d’un roman à deux francs six sous, mais je me suis dit qu’en ce début d’année une belle histoire, un conte de Noël, quoi, ça ne pouvait pas faire de mal.

L’histoire que je partage, donc, commence un mercredi, un long mercredi d’hiver, lors d’une longue soirée de Noël. On pourrait dire qu’il neige en montagne, pour nous ambiancer un peu. Et même si c’est pas vrai, c’est moi qui raconte.

Une infirmière en pédiatrie est de garde ce soir-là. Les petits patients défilent : gastro, grippe et bronchiolite, bref, c’est l’hiver aux urgences pédiatriques. Et puis il y a ce petit garçon, 3 ans et demi, de beaux cheveux bouclés et des yeux pétillants. Il a passé l’après-midi chez son Papy. Toujours très sage, souriant et heureux dans la vie, un enfant en pleine santé qui partage son bonheur avec tous ceux qu’il côtoie.

Voilà comment l’infirmière qui m’a envoyé cette histoire me le décrit.

Mais cet après-midi, soudainement, il a eu un épisode d’absence. Oh pas longtemps, trente secondes peut-être, mais on lui parlait et c’était comme s’il n’était plus là, comme si son esprit avait subitement déserté son corps. Et, tout à coup, quand le petit revient à lui, s’ensuit une crise de larmes inconsolable.

Ce n’est pas son habitude, d’agir comme ça, ni de pleurer comme ça, et ça a un peu déboussolé son grand-père. Alors il le prend sur ses genoux, le serre fort dans ses bras, et pose sa tête contre la sienne, longtemps, tendrement. Jusqu’à ce que le petit finisse par s’apaiser, et que ses larmes sèchent. Et Papy, l’oreille collée contre la tête de son petit-fils, dans le silence qui suit la tempête, entend un murmure. Un minuscule souffle, sous le crâne, comme… comme une brise dans la montagne ! Une brise dans la montagne sous la neige qui tombe !

Alors le motif d’entrée aux urgences semble cocasse : « j’entends le vent souffler dans le cerveau de mon petit-fils  », mais ce câlin d’un vieil homme à son petit-fils lui a probablement sauvé la vie.

L’enfant avait une malformation artério-veineuse cérébrale qui s’était manifestée très discrètement, mais que Papy a entendue, et que les soignants ont su détecter à temps. Il a été opéré le lendemain. Et l’infirmière, ce soir-là, me dit qu’elle emporte ce cas comme la preuve que l’amour d’un grand-père peut sauver une vie.

Et si je la partage, c’est juste parce que, dans la vie, globalement, on manque de munitions contre le cynisme qui nous guette parfois. Surtout quand on est soignant.

(vous pouvez écouter cette chronique de l’émission Grand Bien Vous Fasse sur France Inter, ici)

37 réflexions sur « Le vent dans la montagne. »

  1. Cat des montagnes

    C’est une belle histoire, de celle qu’on voudrait ne pas oublier pour garder notre cœur d’enfant dans notre vie d’adulte…

  2. PELISSIER Micky

    Je vous écoute tous les lundis dans “Grand bien vous fasse” et c’est un réel bonheur. Nous vous adorons Dr Baptiste Beaulieu, médecin tellement bienfaisant.

  3. Anco

    Oui merci ! Surtout en ce moment on manque cruellement de munition dans ce monde de brutes !
    C’est une belle histoire à bien des égards ! Et joliment racontée…

  4. marie

    Bein vois tu ça réconcilie et ça remet droit ďes écoutes sensibles telles que tu nous ”ambiance” là.
    On a besoin de moments forts comme ça.

  5. Maité Lecornu Saludas

    D’abord, je me suis dit, non, je ne vais pas lire quelque chose de triste avant d’aller dormir …. et puis, j’ai lu, et je vous remercie Baptiste, trop beau et émouvant, une fois de plus vous nous donnez foi dans la vie et l’amour…. Vous lire nous fait du bien et nous redonne du tonus ….

    Maité, une mamie du 64

  6. Bruno Dodin

    Magnifique, une autre vertu de l’attention portée aux autres. Vive les câlins.

    Merci à toi de nous rapporter ces petits moments si doux.

  7. Christine

    Ce n est pas une histoire, c est vrai. Une proximité d amour permet parfois de ressentir ce que l on ne peux voir avec les yeux ou comprendre. Je l ai vécu avec ma Mère qui faisait une hémorragie cérébrale.
    Merci Baptiste (quel beau prénom)
    Christine

  8. Poulette Dodue

    Bon ben ça m’apprendra à te lire au boulot….mode panda (et pourtant mon mascara est waterproof…mouais !)
    Les papys , mamies sont des anges gardiens, pour mes enfants c’st le cas également.
    Merci pour ces mots

  9. BRIGITTE

    Mais pourquoi nos actualités ne débordent pas jolis moments tel que celui-ci! …nous serions débordants de bienveillance et non de colère !
    Un grand merci au Bon Docteur Baptiste et à tous ces soignants compétents, attentionnés et passionnés par leur travail.

  10. Tsuvane

    … mais je le sais, je le saaaaaaaaiiiiiis qu’il faut pas vous lire au bureau. Et me voilà qui renifle comme une andouille. Heureusement que c’est la saison où je peux faire passer ça pour un rhume …

    merci pour cette belle histoire digne d’un conte de Noël !^^

  11. Martine Dubois

    bonjour Baptiste, je vous ai entendu lundi raconté ce témoignage d’amour sur france inter. J’ai été très émue; En lisant je retrouve cette émotion. Merci pour ce beau partage.

  12. Marie Bambelle

    Oh la la, première fois que je laisse un commentaire ici je pense… Parce que cet article m’a fait monter les larmes aux yeux. Je dois avoir un truc avec les petits papys, c’est pas possible autrement, parce que jusqu’à aujourd’hui, mon article préféré ici était La Dissection Romantique. Merci Baptiste de partager avec nous ces histoires qui rendent la vie plus belle et les cerveaux moins cyniques.
    Bisous
    Marie.

  13. véronique

    Bravo au Papy et surtout bravo aux soignants qui ont su écouter le Papy… ça me rappelle une autre histoire qui s’est passé à Chambery il y a une dizaine d’annee. Une jeune femme s’est présenté à la maternité, elle était dans son septième mois. Inquiète, elle dit à l’accueil qu’elle « sent » son bébé en souffrance. Rien d’autre. Pas de signes cliniques. Rien. Elle sent, c’est tout. Comme une intuition. L’equipe Médicale la prend en charge et à l’echographie, ils voient effectivement que le bébé est en danger. Ils déclenchent l’accouchement et bébé est sauvé in extrémiste… comme ça, juste sur une intuition et l’ecoute Du personnel médical.

  14. Danielle

    L’amour du grand père qui sauve son petit fils c’est magnifique. Moi, j’ai entendu ma mère s’essouffler et je n’ai pas compris l’urgence, je ne l’ai pas sauvée. Je sauhaite à tous d’être en mesure de veiller sur ceux qu’ils aiment. Maman, poutant, je t’aime. Pour toujours…

    1. tisseur evelyne

      moi aussi, j’ai su au ton, au son du timbre de la voix de mon ami , rien qu’au téléphone, que quelque chose de très grave se passait! le temps d’aller chez lui, d’appeler le samu, de l’emmener à Grenoble, de l’opérer en toute urgence, rien n’y a fait, il est décédé 5 jours plus tard sans pouvoir me dire “au revoir” rupture d’anévrisme de l’aorte ! nous venions de nous quitter de dix minutes après avoir passer une magnifique journée rando raquettes !il serait mort sans mon intervention , mais seul dans son lit et ça, je n’en supporte pas l’idée ; je l’aime, aussi comme vous, pour toujours !

  15. LEGRAND Anne

    Toujours croire les patients et dans ce cas, le grand-père qui est meilleur qu’un scanner avec son écoute vraie. Merveilleuse histoire de Noël, merci Baptiste ♥♥♥

  16. Olivier

    L’histoire est très belle, mais à titre personnel elle le fait surtout très peur… Je suis le papa d’un charmant petit garçon de 14 mois et je ne peux m’empêcher de redouter une telle expérience. Et s’il lui arrivait quelque chose de difficile à détecter ? Si je ne voyais pas les signes ténus de son mal et ne pouvais alerter ? Si je n’entendais pas le vent dans son crâne et qu’il en meure ?

    1. chris

      effectivement être parent c’est aussi accepter de ne pas être tout puissant et de ne pas pouvoir protéger nos enfants de tout….. même si on adorerait. En peut juste les aimer sincèrement, les traiter avec bienveillance et respect et faire de notre mieux

  17. herve cruchant

    un câlin doux et tendre qui sent le feu de bois, l’après rasage avec un arrière goût de fine. des mains rêches et ridées, brutes et brunes. rendues aveugles devant les larmes d’un petit que l’on recueille. la vie passée qui se recroqueville en ruban de Möbius, en cocon, en abri. qui vous transfuse de la paix des âges, sèche les angoisses, arrête le temps pour toujours, pour de l’amour souvenirs….

  18. Sophie

    Beautiful story, powerfully told.

    Somehow the story and the question ‘Can love save someone?’ made me think of the ‘Kangaroo Care’ (mums hugging pre-mature babies on their bare skin and share heartbeats, body temperature etc).

    I am a Korean, living in Sydney and just started to read the book ‘Alors, voilà’. (Why isn’t this translated in English? Should be!)

    It’s amazing that you put time and care to share the true stories about people and life.

    Thank you 🙂

  19. Berangere

    Comment le dire… Je suis encore très émue car je viens de finir votre livre, tellement beau, émouvant, poignant. Je vais avoir des difficultés à en commencer un autre.
    Je suis touchée, j’ai pleuré, les mots me manquent. Je dis souvent à ma fille de 14 ans qu’un livre peut être bouleversant et qu’on y pense parfois pendant longtemps… ça va être le cas…
    Merci pour ce que vous écrivez et également merci pour votre sensibilité .

  20. Lys18

    C’est vrai que vous êtes AUSSI romancier et on le devine à travers vos blogs et vos témoignages.
    La peau c’est l’histoire de l’humain,comme les tatouages qui y sont gravés, que l’on aime ou pas. Ils disent mieux que les mots même mal orthographiés, l’essence,la vie, l’homme et/ou la femme.
    Pour eux ils symbolisent leur identité profonde

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