Une semaine avec Bibi.

Alors voilà :
Lundi :
Ce matin, je commence à 7h30. Un premier patient arrive :

– Docteur, je crois qu’une de mes deux dents de devant va tomber. 

Il éternue.

La dent tombe… Dans-Mes-Mains😁

Le patient :

– J’espère que l’autre tiendra jusqu’au déjeûner !

Mardi :
Un autre patient :
– Je souffre de diarrhées chroniques, m’explique-t-il, ce qui est extrêmement problématique dans ma profession. 

– Quelle profession ?

– Acrobate.

Mercredi :
Je me lève de mon siège, fait le tour de mon bureau.

La fille de ma patiente, 4 ans, se met à pleurer.

Je m’approche de sa mère, qui saigne de l’arcade.

Les pleurs redoublent. 

J’examine. Des cris et des cris. J’essaie d’être apaisant. Échec. Je me sens nul.

La patiente murmure : “vous pourriez me faire un certificat médical pour violences conjugales s’il vous plaît ?”

La petite pleure.
Je hais cette partie du Masculin en moi, que je partage avec son père, qui effraie cette gosse, et convoque en elle des images insupportables.

Jeudi :
84 et 85 ans. Mariés depuis 68 ans. Cambriolés il y a deux jours. 

Elle : 

– Je peux tout leur pardonner : entrer chez moi, prendre les bijoux, renverser les meubles mais quand nous sommes entrés, ils étaient encore là, en train de manger MES terrines. Ils se sont enfuis et l’un d’entre eux a crié : “tes terrines, mamie, c’est de la merde”.

Elle se penche, les yeux fous de colère, blessée au coeur :

– Docteur, mes terrines, on m’en jalouse la recette dans tous le quartier. Alors de la merde ?!? Ça non. Je pardonnerai jamais. JAMAIS. 

Vendredi : 
Elle :

– Docteur, je viens vous voir parce que j’ai une muqueuse. 

Moi :

– Comme tous les Hommes, oui. 

Elle :

– Oui, mais la mienne elle dans mon vagin.

Je reste perplexe. Et soudain, moi :

– Ahhh, une MYCOSE, vous voulez dire !

Voilà : sinon, ce matin, j’ai réalisé que l’anagramme de “soigneur” est “guérison”. Après ma semaine bien chargée, j’ai décidé d’y voir la preuve que Dieu existe et que nous ne sommes pas seuls face aux vicissitudes de l’existence (la nôtre et celles des autres).

On se console comme on peut. 
Bon week-end à tous. 
(En vrai, je travaille aussi demain…)

36 réflexions sur « Une semaine avec Bibi. »

  1. LADY MARIANNE

    de bonnes anecdotes, d’autres tristes pour les violences conjugales– la petite pleurait de peur que sa mère ne prenne des coups-
    ces situations marrantes déstressent le médecin à défaut du patient-
    bon week-end de garde alors-

  2. Véro

    Ne haïssez pas cette part de masculin, ce n’est pas vous, c’est ce fou, ce violent, cet incapable qui ne sait s’exprimer qu’en utilisant la violence (cela dit, il y a aussi des femmes qui frappent leur conjoint et je ne renierai pas ma part féminine pour autant!).
    Vous avez, par vos soins, soigné la maman et peut-être par cela aidé à faire comprendre à l’enfant que tous les humains ne sont pas violents.
    Bon week-end à vous aussi, même s’il est plus court et bonne journée demain!

    1. lectrice boulimique

      ça me pose question d’entendre associer en mode quasi automatique “part du masculin” et “violence” (même si statistiquement il y a davantage d’hommes qui battent les femmes que l’inverse)

      la frontière entre respect et violence passe en chacun de nous.
      la violence des mots est aussi dure que celle des coups et on peut subir des mots-maux même de sa propre mère.

      merci Bi-Bi de faire progresser ne fût-ce que d’un pas le territoire du respect !

  3. bluetit

    dur dur d être un doc , heureusement qu il y as des moment de joies
    pas facile pour la maman et sa petite de venir te voir
    courage dernière ligne droite avant dimanche
    bisous

  4. AnneduSud

    Soigneur = guerison Et sans changer aucune lettre. Je ne m’en remets pas !
    Quand à la mamie et ses terrines : je la trouve magnifique. Touchée presque dans sa chair.

  5. Tama

    Ah ouais, “le coup de l’anagramme” j’adooore !!!
    Fin de semaine chargée, fin de journée, mais tout et pas tous le quartier !…
    “Y a pas d’mal” avec TOUT le bien que tu nous “fée” !!! Stp ne prends pas trop de risques au volant pour prendre ces jolies photos, on tient à toi !!!
    Bon courage pour demain et doux repos… Pour dimanche !?

  6. marie

    Bon sang ce ciel, une vraie robe de bal oú on ferait valser les anagrammes , et cette phrase “la dent tombe…Dans-Mes-Mains ” schllaaa j’ai entendu ça aujourd’hui, (qui n’a rien a voir ) mais ça a fait schlllaaaa aussi “dis moi de quoi tu as peur et je te dirais mon programme ” …et Dieu bug sinon les petites filles nauraient que le souci de jouer

  7. Grand33

    Bonjour Bibi
    Lundi :
    Ce patient va bientôt devenir un copain de FH (un sans dents)
    Mardi :
    – diarrhées chroniques, extrêmement problématique en effet pour un acrobate mais très ennuyeux aussi dans le monde animal pour les chauve-souris (surtout le jour pendant la sieste)
    Mercredi :
    La partie du Masculin en moi me donne envie d’envoyer ce type dans la catégorie de tes patients du lundi.
    Jeudi :
    Parfois l’honneur et la reconnaissance valent beaucoup plus que certains trésors.
    Vendredi :
    une mycose dans une muqueuse quoi !

    L’anagramme de « soigneur » est « guérison ». Continue de soigner Baptiste !!! d’autres prieront pour toi.

    La bise

    1. Cath

      Le coup de la chauve-souris à coliques à l’heure de la sieste… Et pendant les loopings alors ?
      Il en est des jours comme des ours : ils se suivent et ne se ressemblent pas. Courage Baptiste. 😉

  8. Eulalie

    Touchant. En fait j’adore que tu sois vraiment présent pour tous ces gens, pour nous et nos problèmes au corps et à l’âme !
    Je te souhaite de toujours t’émerveiller du lever de soleil sur tes journées, soigneur.
    Peut-être une journée pour se ressourcer aujourd’hui ? qu’elle soit belle, pour tous !

  9. Anne'o'nyme

    Juste, pour les semaines, pour ça, pour tout, parce que quand j’en ai des comme ca j’aime bien qu’on m’en fasse et surtout parce que j’ai envie : bizouz !

  10. Hervé CRUCHANT

    Semaine de mécanicien de vélo familial.
    Des dents qui sautent dans le dérailleur, de l’huile sur la route, des organisateurs fous furieux qui font alterner les cols et les souffrances, des insultes et des crachats parfois avant les photos à signer, des pneus poreux…
    Mais surtout parler avec les gens, rallumer l’étincelle au fond des yeux, leur dire que oui, vraiment, leur choix de vie est bien le bon…un peu arrangé, modifié, repeint. Après avoir su consoler une terrine délicieuse, botté le cul d’un voleur et savouré le rire d’une petite fille de quatre ans.
    Comme à l’étape durant le massage…

    Toubib, celui qui dénoue, apaise, dit je suis là.
    Celui qui dit à la petite fille que l’homme n’est pas violent et brutal; parce que le violent et le brutal n’est pas un homme. Qui dit à l’édenté que la soupe est bonne. A Mamie que sa terrine restera son chef-d’œuvre : la preuve, les bas du front ne la goutent pas.
    Toubib qui remet son blues pour une nuit silencieuse à veiller les patients. Des choses pliquent, plaquent, glissent, crissent, respirent, murmurent, parlent entre elles…
    C’est quand même un drôle de truc d’être toubib.

  11. Julie

    C’est sympa ce format de plusieurs petites histoires. ça nous permet aussi de nous rendre compte qu’une semaine de médecin peut être éprouvante. J’ai un pote qui est médecin. J’admire d’autant plus son boulot.
    Chapeau à tous les médecins, docteurs, toubibs et autres soignants !

  12. Geraldine

    Alors voilà, mon père à moi il est médecin, médecin généraliste. Enfin en ce moment, il est surtout médecin à la retraite, mais avant il était médecin généraliste…en campagne.
    Et quand on est médecin généraliste en campagne c’est un peu comme être le Docteur Becker dans la petite maison dans la prairie sauf qu’on ne fait pas ses visites en calèche mais en 4×4.
    Alors voilà parfois mon père nous racontait des anecdotes, dans le respect du secret médical il ne nous révélait pas les noms des patients. Il donc a ainsi appris à ses patients que non les ovules gynécologiques ne s’avalaient pas même si la notice conseIlle de les prendre avec un peu d’eau, ou encore que l’expression correcte est de dire “ce médicament me fait monter la tension, c’est recta” et non” c’est rectum” ni “c’est rectal”….
    Bref, il y de quoi écrire un livre

  13. MARLENE

    Tout d’abord, bravo à baptiste et d’autre médecin pour leur humanisme et leur dévouement, confronté à la détresse de leur patient. Dur réalité !!!
    Je tiens à m’exprimer en tant que patiente, avec ces inégalités sociale que le gouvernement nous impose lorsque nous sommes malade, que l’on ne peux plus travailler, ni payer certains examens et médicaments qui ne sont pas remboursable, c’est la descente au enfer !
    Depuis 9 ans, je suis atteinte d’une maladie auto immune rare. J’ai perdu mon travail ( cuisinière) que je ne pouvais plus exercer, suivi d’une perte financière s’ajouta les frais médicaux qui m’ont endetté.
    Mais tout cela, le système français s’en fou !!!
    J’ai eu des retards de loyer, ce qui m’a amener devant le tribunal pour impayer. Condamner à du surcis, je risque l’expulsion !!!
    Ma santé se dégrade, mais je suis contrainte de travailler sinon c’est la rue !!!
    MARCHE OU CREVE

  14. cuevas isabelle

    Baptiste, la Patagonie c’est très jolie, c’est apaisant, ses espaces immenses de nature, ses autruches, ses moutons….ses vents aussi
    J’espère que vous y trouverez de quoi vous ressourcer. Je ne vous raconterai pas mon histoire, elle vous rendrai trop triste. Mais je vous ai vu l’autre jour à la télé et vous m’avez fait du bien. J’avais besoin de croire qu’il y existai encore des personnes avec de l’empathie et surtout dans le monde médical.
    Ne soyez pas triste pour votre patient. Il est parti mais vous l’avez accompagné et il est certainement parti apaisé du fait que vous ayez été là. C’est important pour un patient. Il se sent alors exister en tant qu’être humain jusqu’au bout. C’est au contraire affreux de partir dans l’indifférence totale et de ce dire “je ne suis plus rien”
    Ne soyez pas triste qu’il soit parti. Mais CONTINUER A ETRE COMME VOUS ETES; c’est ce dont vos patient, on le plus besoin, et bien plus bien souvent que d’un médicament.

  15. nadine grigoletto

    à la question de Baptiste Beaulieu « L’océan de douleurs est partout devant toi, mais retourne-toi, c’est le rivage » Proverbe shintoïste (si quelqu’un en comprend la signification, je suis preneur).

    si j’osais… je dirais tu n’es pas tenu de regarder l’océan de douleurs (en permanence) retourne toi (aussi), derrière toi il y a des choses plus calmes, plus sereines

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