La vie en rose.

Dessin au crayon blanc.
Merci Krystyna pour ce premier essai !
http://krystynalr.wordpress.com/2013/02/05/retenir-la-colere/

Petite remarque “anodine” :

À ceux qui m’ont écrit “ton dernier article est dégoûtant et dégoulinant de bons sentiments”. Je vous remercie. Il était fait pour. Cette femme lèche les plaies des lépreux. C’est outrancier ? Oui. Mais la violence aussi est outrancière. Nous la voyons tout le temps, tous les jours. Encore plus dans notre travail.
Alors voilà pourquoi, quand je tombe sur la vidéo d’une femme qui lèche un lépreux, cette outrance-là, je la garde et je la chéris. Pour mieux affronter les autres, toutes les autres. Parce que j’ai 27 ans et que je ne veux vraiment pas devenir cynique trop vite. C’est tout simple et je vous remercie de comprendre…

La vie en rose.

(souvenir de l’externat)

“Quand il me prend dans ses bras, il me parle tout bas, je vois la vie en rose”

Alors voilà Tina, 56 ans.
Elle a bu. Ike, son mari, aussi.
Il l’a frappée à coups de poings.
Son cuir chevelu est ouvert comme un marron sur le feu.
Un prêté pour un rendu : elle a saisi un couteau, lui a tailladé les avant-bras quand il a voulu se défendre.
Alors il l’a saisie par les cheveux, lui a fait traverser la vitre de l’horloge du salon.
Mutique, elle se balance d’avant en arrière, ivre d’alcool, sidérée de violence.

Échange de regards avec Tina :

1ere hypothèse : on ne doit pas lui sourire souvent,
2ème hypothèse : j’ai un sourire de merde qui fait pleurer les femmes de 56 ans.

Personnellement, je préfère la première, même si c’est moins cool pour elle. En effet : si je rate ma thèse, je compte bien devenir gigolo et capitaliser sur ma belle gueule.
Tina : cheveux gras et tressés de croûtes de sang, gros sanglots de petite fille entrecoupés de ce mot terrifiant dans la bouche d’une femme de 56 ans :
– Maman.
Moi, 25 ans, je pense avoir mal entendu mais elle répète en sanglotant :
– Je veux ma mère…
Et de coller contre ma blouse blanche ses cheveux gras, ses croûtes de sang, sa détresse. Ma carrière de gigolo commence mal.
Mon petit cul d’interne est mal à l’aise : je n’ai jamais rien entendu de plus effrayant que ce mot-là, à cet âge-là, dans une bouche cassée en deux sous les coups.
– Maman…
Vous savez quoi ?
Je fais ce que nous faisons tous dans ces cas là : je lui mens :
– Tout va bien aller.

Parfois, une vie terrible se résume à une tache de gras et une tache de sang sur la blouse blanche d’un interne qui raconte des bobards parce qu’il ne sait pas quoi faire d’autre à 3h du matin.

– Tout va bien aller.

C’est faux, je le sais, sa vie est sacrément merdique, mais je suis là, elle pleure dans mes bras et je lui mens : “ça va s’arranger, vous verrez, ça va s’arranger”.

Pourtant : peu de chances que cela arrive, je veux dire : VRAIMENT peu de chances que cela arrive.

“Et dès que je t’aperçois, alors je sens en moi, mon cœur qui bat.”
Edith Piaf

Appelez, ils sont là pour ça. Pour guérir les outrances et pour que les mensonges des internes deviennent des vérités, appelez… :
http://www.sosfemmes.com/violences/violences_menu.htm

2 réflexions sur « La vie en rose. »

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